Les recommandations du Programme éducatif canadien sur l’hypertension de 20061 continuent d’inclure les bêtabloquants sur la liste des thérapies de première intention appropriées pour l’hypertension sans complication chez les personnes de moins de 60 ans (mais pas pour celles de plus de 60). Par ailleurs, une récente méta-analyse, largement communiquée publiquement, signalait que l’utilisation des bêtabloquants était associée à un risque accru d’AVC2, semant la controverse entourant le rôle de ces agents dans le traitement de l’hypertension. De nombreux médecins de famille sont maintenant aux prises avec les questions suivantes:
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Les bêtabloquants ont-ils un rôle dans le traitement de l’hypertension?
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Si l’état du patient est stable et bien contrôlé avec la thérapie aux bêtabloquants, faut-il changer sa thérapie?
La pathophysiologie de l’hypertension
L’efficacité des bêtabloquants peut varier selon l’âge, compte tenu des différences dans la pathophysiologie de l’hypertension entre les patients plus jeunes et ceux plus âgés. Les patients plus jeunes ont tendance à développer une hypertension avec une impulsion sympathique et un débit cardiaques élevés, mais avec une élastance artérielle normale un état atténué par l’effet bêtabloquant. Les patients plus âgés font généralement de l’hypertension systolique avec une rigidité artérielle accrue. Par conséquent, on pourrait s’attendre à ce que les agents qui ont peu d’effet sur l’élastance artérielle, comme les bêtabloquants, soient moins bénéfiques pour les patients plus âgés.
Données probantes tirées des études cliniques
Ces variations dans l’efficacité selon l’âge ont largement été démontrées dans les études cliniques. Messerli et ses collègues ont publié une méta-analyse des études sur l’hypertension qui évaluaient les bêtabloquants chez les patients de plus de 60 ans3. Dans une analyse regroupant 10 études publiées avant 1999 (n=16 164), ils ont découvert qu’il n’y avait pas de différence significative entre les bêtabloquants et le placebo dans la réduction de la mortalité cardiovasculaire, toutes causes confondues. En raison de ces données, les recommandations canadiennes sur le traitement de l’hypertension1 préconisent de ne pas utiliser les bêtabloquants comme monothérapie initiale pour l’hypertension sans complication chez les personnes âgées. Les recommandations continuent cependant à endosser l’usage des bêtabloquants pour les patients âgés avec une insuffisance cardiaque congestive ou des antécédents d’infarctus du myocarde (IM) ou de l’angine symptomatique et comme agents de deuxième ou troisième intention pour les patients dont l’hypertension n’est pas contrôlée.
Dans leur méta-analyse, Lindholm et ses collègues ont combiné 18 études (n= 106 460) évaluant l’utilisation des bêtabloquants sans égard à l’âge des patients2. Dans cette analyse, il n’y avait pas de différence dans le risque d’IM ou de décès. Par contre, si les bêtabloquants étaient associés avec un risque réduit d’AVC (risque relatif réduit [RR] 19%, intervalle de confiance à 95% [IC] 7% à 29%) dans les études contrôlées contre placebo, ceci représentait une réduction moindre que celle de 32% observée avec d’autres agents antihypertenseurs dans les études contrôlées contre placebo4. Dans les études comparant un agent antihypertenseur avec un autre, les patients qui ont reçu des bêtabloquants avaient un risque plus élevé de 16% d’avoir un AVC par rapport aux patients qui prenaient d’autres antihypertenseurs.
Compte tenu des différences plausibles dans l’efficacité des bêtabloquants selon l’âge, nous avons analysé à nouveau toutes les études sur les bêtabloquants pour l’hypertension selon l’âge des participants5. Dans les études où l’âge moyen dépassait 60 ans, les bêtabloquants étaient associés à un risque accru d’AVC, d’IM ou de décès par rapport aux autres antihypertenseurs (RR 1,07, IC à 95% 1,00 à 1,14), principalement attribuable à une augmentation de 18% (IC à 95% 7% à 30%) du risque d’AVC. Dans les études où l’âge moyen des patients était de moins de 60 ans, il n’y avait pas de différence dans les résultats composés au chapitre de l’AVC, de l’IM ou du décès entre les patients prenant des bêtabloquants et ceux qui prenaient d’autres agents (RR 0,97, IC à 95% 0,88 à 1,07).
Profil de la tolérabilité et des effets secondaires
Comme tous les agents antihypertenseurs, les bêtabloquants peuvent avoir des effets secondaires. Cependant, contrairement à la croyance populaire, les bêtabloquants sont généralement bien tolérés et ne nuisent pas à la qualité de vie5. Ils sont contre-indiqués dans certains cas, comme l’asthme modéré à grave, mais ils semblent sécuritaires chez les patients ayant une maladie pulmonaire chronique obstructive avec une réversibilité mineure des voies aériennes et ceux qui souffrent de la maladie du sinus ou un bloc auriculo-ventriculaire. Si certaines études démontrent des effets indésirables sur la résistance à l’insuline et le profil lipidique, les plus récents bêtabloquants avec effets vasodilatateurs, comme le carvedilol, ont des effets neutres sur la sensibilité à l’insuline et le profil lipidique7. Des méta-analyses ne signalent aucune augmentation importante des symptômes de la dépression8 ni d’exacerbation de la claudication chez les patients atteints de maladies artérielles périphériques9. Les bêtabloquants sont associés à de la fatigue et à la dysfonction sexuelle, mais les risques absolus sont plutôt faibles (fatigue, 18 patients sur 1 000; dysfonction sexuelle, 5 sur 1000).
Conclusion
Les bêtabloquants ont-ils un rôle dans le traitement de l’hypertension? Même si les bêtabloquants ne devraient pas être utilisés comme monothérapie de première intention chez les patients âgés souffrant d’hypertension, ils demeurent un traitement de première intention raisonnable chez les patients de moins de 60 ans atteints d’hypertension sans complication ou pour les patients de tous âges ayant une défaillance cardiaque, de l’angine symptomatique ou ayant eu un IM au cours des 2 dernières années, et ils demeurent des agents auxiliaires raisonnable pour l’hypertension non contrôlée.
Si l’état du patient est stable et bien contrôlé avec la thérapie aux bêtabloquants, faut-il changer sa thérapie? Même si les données des études ne répondent pas directement à cette question, les études sur l’hypertension démontrent collectivement que le facteur le plus important pour améliorer les résultats, c’est un bon contrôle de la pression artérielle; le choix de l’agent est moins important10.
Remerciements
Dre Khan est une jeune investigatrice de GENESIS (Instituts canadiens de recherche en santé [ICRS] et Fondation des maladies du cœur du Canada), nouvelle investigatrice des ICRS et nouvelle investigatrice de la St Paul’s Hospital Foundation. Dr McAlister est appuyé financièrement par l’Alberta Heritage Foundation for Medical Research, les ICRS et la chaire de l’University of Alberta/Merck Frosst/Aventis en gestion de la santé des patients.
Notes
POINTS DE REPÈRE
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Les bêtabloquants sont un traitement de première intention approprié pour les patients de moins de 60 ans ayant une hypertension sans complication ou pour les patients de tous âges souffrant de défaillance cardiaque, d’angine symptomatique ou qui ont subi un infarctus du myocarde au cours des 2 dernières années.
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Les bêtabloquants sont des agents auxiliaires raisonnables pour l’hypertension non contrôlée.
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Les études sur l’hypertension démontrent collectivement que le facteur le plus important pour améliorer les résultats se situe dans un bon contrôle de la pression artérielle; le choix de l’agent importe moins.
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