Les blessures non intentionnelles sont la principale cause de décès chez les Canadiens de moins de 34 ans et l’une des premières causes d’hospitalisation1. En 1999 et 2000, les blessures à vélo avaient causé 4 667 admissions à l’hôpital, d’une durée moyenne de 4,1 jours2. Les traumatismes crâniens représentent habituellement plus de 25% de ces admissions et 75% des causes de décès chezles cyclistes 3,4. Ilest tragiquede penser que ces blessures peuvent être évitées. Aux États-Unis, entre 1994 et 2005, 92% des accidents mortels à vélo impliquaient des cyclistes qui ne portaient pas de casque5. Une récente étude du Centre de collaboration Cochrane concluait que le casque protecteur réduisait de près de 88% le risque de traumatisme crânien et cérébral6.
La loi et l’éducation
Pour accroître le port du casque à vélo, il a fallu des initiatives législatives et des campagnes d’information. À l’heure actuelle, 5 provinces (Colombie-Britannique, Alberta, Ontario, Nouveau-Brunswick et Nouvelle-Écosse) ont adopté des lois pour rendre obligatoire le port du casque à vélo. Toutes ces activités se sont constamment traduites par une hausse du port du casque et une baisse des blessures à la tête en faisant du vélo7,8. À Halifax (Nouvelle-Écosse), on a signalé une augmentation du port du casque, qui est passé de 36%, 2 ans avant l’adoption de la loi, à plus de 80%, 2 ans après sa mise en œuvre7. Le taux de traumatismes crâniens dans 4 de ces provinces a baissé de 45% durant les 3 ans qui ont suivi l’adoption de la loi8. Ces données font fortement valoir qu’une loi sur le port obligatoire du casque peut être extrêmement efficace. Pour diverses raisons, cependant, on s’oppose fortement à une loi dans 5 des provinces qui en sont dépourvues. Le Québec en est un exemple notoire9. Le principal argument des opposants, c’est-à-dire que la loi découragerait la pratique du vélo, demeure non fondé et, compte tenu des risques potentiels, injustifié.
À l’opposé des résultats positifs obtenus avec les lois, les campagnes de sensibilisation n’ont réussi que très modestement à augmenter le port du casque et à réduire le nombre d’admissions à l’hôpital10. En dépit d’un certain nombre de campagnes financées par le secteur privé et les gouvernements, le taux de port du casque demeure pitoyablement bas au Québec11. Une étude par observation de cyclistes québécois en 2002 révélait une utilisation du casque de 29% dans tous les groupes d’âge et de seulement 20% chez les 10 à 15 ans12.
Dans le contexte d’une récente activité éducative sur le port du casque protecteur, entreprise par le groupe d’intérêts des étudiants en neurologie à l’Université McGill, nous avons fait un sondage informel auprès de 424 élèves de 6e année de la région de Montréal. Près de 85% des répondants étaient propriétaires d’une bicyclette et plus des trois quarts d’entre eux avaient aussi un casque. Seulement le tiers des répondants ont rapporté avoir déjà porté un casque à vélo et moins du quart disaient toujours en porter un.
Les taux relativement élevés des élèves ayant un casque et les faibles taux du port du casque pourraient indiquer qu’il faudrait insister sur l’éducation concernant les bienfaits protecteurs d’un port approprié du casque. De nombreuses campagnes ont comme principale caractéristique de faciliter l’accès à un casque, mais c’est peut-être moins important que de donner des renseignements appropriés et de convaincre les cyclistes de l’importance de toujours porter un casque9,13–15. Cela explique peut-être le succès modeste de ces campagnes.
Quelques études se sont penchées sur les obstacles au port du casque. Elles ont toutes conclu que le port du casque par les pairs et par les parents est le facteur déterminant le plus important15–21. Finoff et ses collègues ont indiqué que les enfants de 7 à 10 ans disent ne pas porter le casque en raison de son inconfort; le deuxième plus important motif était qu’ils «n’en avaient pas besoin»15. Dans notre sondage informel auprès des élèves de 6e année, 35% ont aussi dit ne pas en avoir besoin. On sem-ble croire qu’un accident est improbable à vélo et qu’il n’est donc pas nécessaire de porter un casque. À tout le moins, le risque perçu n’est pas assez grand pour justifier l’inconfort de porter le casque. Il faut donc orienter l’éducation sur une présentation plus explicite des risques associés à la pratique du vélo sans casque. Une telle stratégie sera d’autant plus efficace si les méthodes pédagogiques tiennent compte de l’influence importante des pairs et des parents. Certains enfants dans des groupes témoins ont même dit que la loi serait un autre moyen important d’encourager le port du casque21.
Les médecins de famille comme promoteurs
Dans toute cette polémique, les médecins de famille jouent un rôle important. En tant que professionnels de la médecine impliqués dans leur collectivité, ils peuvent se faire des promoteurs convaincants et efficaces du port du casque auprès des parents et des enfants. En qualité de médecins respectés, ils peuvent intervenir directement auprès des décideurs pour encourager l’adoption des lois nécessaires dans des provinces comme le Québec qui n’ont pas reconnu jusqu’à présent la nécessité d’une telle loi.
Bref, même s’il est démontré que le port du casque à vélo réduit considérablement le risque de traumatismes crâniens, tous les cyclistes ne le portent pas. Une loi sur le port obligatoire du casque protecteur dans 5 provinces a eu des effets positifs. Si les autres provinces les imitaient, les blessures et les décès en seraient certainement réduits. Pour faire baisser les blessures à la tête en faisant du vélo, il faut renseigner de manière appropriée les cyclistes de tous âges sur l’importance de porter le casque. Les médecins de famille peuvent jouer ici un rôle important en informant leurs patients et en soulignant auprès des décideurs les responsabilités qui leur incombent pour protéger nos enfants.
Footnotes
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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