L’invitation à participer à l’hommage rendu aux histoires des médecins clôt un chapitre ouvert il y a une vingtaine d’années. En 1989, j’ai écrit ce qui est devenu mon premier livre, At the Will of the Body1, qui raconte l’histoire de ma propre expérience avec la maladie. J’ai fait un infarctus d’origine virale - ce qui maintenant, à ma grande déception, est classé simplement comme un «incident cardiaque» - et à peine remis, j’ai commencé à présenter des symptômes de ce qu’on a diagnostiqué comme étant un cancer testiculaire. À la fin de mon traitement, ma belle-mère mourait d’un cancer.
At the Will of the Body raconte ces années pour servir de compagnon à d’autres qui vivent une maladie. Quand j’ai su que j’avais fait une crise cardiaque, j’ai soudainement été forcé de réfléchir à ma vie et à mon corps sous un nouvel angle. Quand on vit cette expérience, on a besoin de compagnons; j’ai cherché un livre - l’histoire de quelqu’un d’autre - qui me servirait de compagnon. Il n’y avait pas grand-chose à ce sujet il y a 20 ans et, finalement, j’ai dû écrire ce livre pour moi-même. Je crois qu’on raconte toujours une histoire d’abord pour soi-même, et ensuite pour les autres, quoique le laps de temps puisse être très court entre les deux.
Il est peut-être inconvenant, mais seulement honnête, de vous dire qu’en rédigeant At the Will of the Body, la médecine m’inspirait un fort sentiment d’aliénation, au sens propre du mot anglais d’origine allemande: les médecins me semblaient étrangers, et être avec des médecins me faisait sentir étranger à moi-même. Quand je me voyais, en pensée, interagir avec des médecins, je ne reconnaissais pas vraiment la personne que j’étais; elle n’exprimait pas ce que je ressentais. Mais, je me suis rendu compte que cette version de moi réagissait en réponse à la façon dont elle était traitée par chaque médecin et par le contexte institutionnel duquel ces médecins étaient inséparables. Je me demandais sans cesse: les médecins agissent-ils ainsi par choix ou parce qu’ils pensent devoir agir ainsi? Le récit de Shane Neilson (www.cfp.ca) soulève cette question quand il dit: «Je suis confiné dans les phrases que j’ai prononcées auparavant, maintes fois». Dr Nelson remet ensuite en question les conseils données par un mentor: «Dites les mêmes choses de la même façon». Ce conseil me semble froid quand on est en face de patients qui s’effondrent chacun à sa manière2.
Plusieurs années après la rédaction de mon livre, mon aliénation a été expliquée dans un récit posthume de la maladie par le célèbre critique Anatole Broyard, décédé d’un cancer de la prostate3. Broyard a écrit ou, plus exactement, a expliqué durant une conférence scientifique qu’il était invité à prononcer à la Faculté de médecine de l’Université de Chicago, que «les médecins découragent nos histoires»3. C’est exactement ce que j’ai vécu: j’ai senti que mes histoires étaient découragées. Cette célébration des histoires change ce découragement et, ainsi, termine le chapitre commencé il y a 20 ans. Ou, si elle ne le termine pas tout à fait, au moins, elle en commence un nouveau.
Le respect réciproque des histoires
Ce à quoi les Prix AMS–Mimi Divinsky rendent hommage et que représentent leurs lauréats, c’est le fait que des médecins prennent au sérieux leurs propres histoires. C’est une condition préalable absolument nécessaire pour que les médecins encouragent les récits de leurs patients. Je crois que c’est un simple principe de réciprocité: vous ne pouvez pas respecter les histoires des autres à moins de respecter les vôtres. Selon moi, c’est là le but du concours d’histoire et narration en médecine familiale: faire une déclaration professionnelle pour affirmer que ces histoires importent. La médecine représente bien plus que ce qui est consigné au dossier.
Anatole Broyard reconnaît aussi que les médecins portent «le fardeau émotionnel d’éviter le patient3», ce qui signifie éviter l’histoire complète et exhaustive de la maladie que vit le patient. Les horaires de rendez-vous et les locaux dans les cliniques illustrent bien l’évitement évoqué par Broyard. Le fardeau émotionnel qui en résulte a un double tranchant, parce qu’en évitant autrui, on évite aussi certaines parties de soi-même. L’échange d’histoires est une démarche essentielle pour se délester de ce fardeau d’évitement. En valorisant non seulement le contenu de ce que racontent ces histoires, mais en valorisant aussi l’acte d’écrire au sujet de l’expérience médicale, les médecins vont au-delà de cet évitement dont parle Broyard, qu’ont observé avec regret beaucoup de personnes malades, et que nous déplorons pour nous-mêmes comme patients et pour nos médecins.
Narration et souffrance
J’ai écrit At the Will of the Body comme moyen de survie, parce que j’avais besoin de raconter cette histoire pour que ma vie retrouve une cohérence qu’avait fait disparaître la maladie. La narration, c’est avant tout mettre les événements en ordre chronologique, de manière à ce que chaque partie prenne un sens par rapport aux autres parties. La narration est vitale pour l’être humain, parce que le monde en lui-même n’est pas ordonné. Il est ce que William James a qualifié de « confusion bouillonnante, bourdonnante »4 ou un état de totale confusion. L’ordre et la cohérence qui existent dans la vie ont été créés par l’humain.
Apprendre à créer l’ordre commence par l’écoute et le récit d’histoires, parce que la narration est en soi un acte d’ordonnancement. Les histoires mettent les choses en ordre dans le temps et l’espace, en priorité, et établissent des relations entre les actes et les résultats. Un monde à propos duquel nous pouvons raconter des histoires devient un endroit qui a un sens, dans la mesure où non seulement les résultats ont une certaine prévisibilité, mais aussi parce que les histoires permettent de présumer que ce qui s’est passé était bon ou mauvais. Les histoires évaluent. Lorsque des choses terribles se produisent dans les histoires, ces choses terribles ont au moins une place. Elles ont un sens, parce qu’elles suivent une tendance. À mesure que nous, les humains, discernons cette tendance, nous sommes plus en mesure de vivre avec ces terribles choses.
La maladie est une occasion de récits - elle engendre des histoires - parce qu’elle désordonne. La maladie brise les habitudes qui maintiennent la vie ensemble. Le récit des histoires est essentiel pour créer de nouvelles habitudes dans lesquelles la maladie a maintenant une place.
Trouver les mots qui manquent dans la narration
Au fil des années, devenues des décennies, mes travaux sur l’expérience de la maladie m’ont donné l’occasion de connaître de nombreux médecins, et j’ai appris que les médecins ont le même problème que leurs patients, celui de savoir vivre avec la persistance de la souffrance. D’une façon, la version du problème qu’a le médecin est plus facile, parce que son corps n’est pas malade. Mais, d’une autre façon, sa version du problème est plus difficile, et voici mon explication. Les médecins sont supposés faire équivaloir la souffrance à une maladie, puis être capables de classer cette maladie en tendances cohérentes. Ces tendances sont appelées diagnostics et traitements. Ce sont des narrations sous la forme fondamentale d’arrangements dans le temps et l’espace, une chose menant à l’autre. Ces narrations officielles de la maladie et de sa progression typique sont appelées le savoir médical.
Le problème pour les médecins en tant qu’êtres humains, c’est que les narrations sont radicalement incomplètes pour vivre avec la souffrance et la tragédie humaines. Andrew Lodge a une explication drôle, ironique mais aussi très triste, dans son récit (www.cfp.ca) quand il dit qu’il a probablement manqué le cours sur la manière de réagir à cette situation, celle-ci étant un épanchement collectif de peines5. L’ironie, c’est que nous savons tous qu’il n’y avait pas de tel cours, ni faudrait- il qu’il y en ait. Mais il pourrait y avoir un cours pour enseigner aux étudiants qu’un jour, il leur faudra prendre une pause et écrire une histoire, parce qu’à défaut de le faire, ce qu’ils croient devoir ignorer - parce que cela ne convient pas dans une narration médicale - s’accumulera et les rendra fous. Autrement dit, ce qu’ils cherchent à ignorer les rendra éventuellement étrangers à leurs patients et à eux-mêmes. L’aliénation se produit quand la vie semble, selon Hamlet, «pleine de lassitude, viciée, morne et improductive5» ou, en termes contemporains, qu’on souffre d’un épuisement professionnel.
Briser le silence
Alors, au fil des ans, j’ai appris qu’Anatole Broyard n’avait qu’à moitié raison. Si, comme Broyard le disait, les médecins n’encouragent pas les histoires de leurs patients, c’est parce que les médecins se permettent rarement de raconter leurs propres histoires. Comme je l’ai aussi appris avec les années, le récit d’histoires ne se produit que dans les relations. Raconter une histoire établit une relation et, à moins que nous, les humains, croyions qu’une relation puisse être établie, nous ne pouvons pas raconter d’histoires - c’est comme essayer de respirer sous l’eau. Pour pousser cette métaphore plus loin, là où j’ai vu auparavant des patients se noyer, maintenant je vois toutes sortes de travailleurs de la santé le faire.
Pour que le récit d’histoires soit une relation, les récits doivent se propager. Raconter ces histoires à des réunions sociales ou dans des revues lues par des pairs ne peut être qu’une première étape dans ce processus. En lisant les récits gagnants, j’ai eu une idée fantaisiste, qu’il ne serait probablement pas bon d’appliquer littéralement, mais elle est utile pour faire ce que les philosophes appellent une expérience de la pensée. Mon fantasme était que, dans la salle d’attente d’un médecin, au lieu des vieilles revues et des brochures sur la santé publique, les patients pourraient lire des histoires écrites par le médecin - des histoires un peu semblables à celles des récits gagnants. Peut-être ensuite, les patients pourraient apporter leurs histoires et en laisser des copies sur les étagères, près des histoires du médecin. Cette démarche briserait le silence des 2 côtés. C’est une fantaisie, et il y a de nombreuses raisons de ne pas aller aussi loin, mais nous devrions imaginer le faire, parce que ma fantaisie représente l’idéal des médecins et des patients qui se connaissent comme ayant une vie en dehors des murs de la clinique. Mon échange d’histoires montrerait aux gens combien les médecins sont profondément affectés par les choses étranges et souvent terribles auxquelles ils sont appelés à participer. Tant et aussi longtemps que des histoires comme celles auxquelles nous rendons hommage par ces prix ne sont pas entendues par des patients et que les histoires des personnes malades ne sont pas écoutées par le médecin, il y aura toujours 2 silences. Ce concours est une première étape cruciale. Parce qu’ici, nous avons des médecins qui prennent leurs propres histoires au sérieux et, comme je le disais plus tôt, on ne peut pas respecter les histoires d’autrui à moins de respecter ses propres histoires.
Histoires et deuil
J’aimerais maintenant dire quelque chose à propos de ces 3 histoires en particulier, comment elles me touchent et m’inspirent l’espoir.
Dans mes écrits actuels sur le récit d’histoires, j’ai pour argument que les histoires fonctionnent pour nous, êtres humains. Les histoires sont bien plus que du matériel dont nous avons besoin pour vivre, quoique ce soit ce qu’elles sont. Les histoires sont des compagnons actifs. Elles nous accompagnent où nous allons. Selon l’histoire qui nous suit, nous voyons les endroits différemment. Une vie avec ces compagnons narratifs est différente de celle que nous vivrions sans eux. Alors, que font effectivement ces histoires pour ceux qui la racontent et que font-elles pour ceux qui les entendent?
Ces 3 histoires sont des compagnons dans la tâche de faire son deuil. Les sociétés ont des funérailles et d’autres rituels de deuil parce que le deuil a besoin d’accompagnement. Parmi ces histoires, 2 auteurs parlent de la mort corporelle et assistent aux funérailles. Mais, à un moment donné, une personne en deuil revient chez elle, toute seule. Ce qu’il faut faire à moment-là, c’est écrire une histoire un peu comme l’un de ces 3 récits.
Le récit de Shane Nielson au sujet du diagnostic de la maladie d’Alzheimer ne concerne pas la mort du corps; mais la répétition de ce que dit le conjoint, Je me sens mourir en dedans, en fait un récit de la façon dont la fin de la conjointe de cet homme en tant que personne pleinement capable de communiquer et de socialiser représente une réelle motivation pour le deuil de son mari2. Le passage de sa conjointe à la démence est une sorte de mort pour lui, sa propre mort, appariée à celle de sa femme. Le récit de Neilson est peut-être le plus profondément attristant des 3 parce qu’il n’y a même pas l’accompagnement des funérailles.
En lisant ces histoires, je me suis dit : c’est la tâche de faire son deuil. Écrire ces histoires, c’est la façon pour Drs Lodge et Motheron (page 58)7 de faire leur deuil après les funérailles ou, lorsqu’il n’y a pas de funérailles auxquelles assister, comme dans le cas de Dr Neilson. La rédaction d’histoires comme celles-là est, d’abord, le fait d’être témoin. Au contraire de l’observateur, le témoin déclare sa version de ce qu’il ou elle a vu. Le témoin n’est pas détaché, mais engagé, et cet engagement crée un devoir de dire aux autres ce qu’il a vu. Dans ce récit, le témoin incite l’auditeur à se joindre au cercle grandissant de ceux qui ont vu et déclaré que ce qu’ils avaient vu importait. Christine Motheron écrit, en s’adressant au bébé qui est mort, que sa vie n’était pas simplement un autre cas dans son travail au quotidien7. Les 3 auteurs ont dit la même chose, d’une façon ou d’une autre. Un dossier médical suffit pour consigner un décès, mais pour commémorer une vie, il faut raconter une histoire.
Même pendant qu’une histoire est racontée, quelque chose se produit, que je trouve toujours magique quand j’y pense. Le récit en soi prend vie. Ces 3 histoires sont indépendantes de leurs auteurs, même si elles demeurent la représentation de ce que leurs auteurs ont vécu. La grande question est comment ces trois médecinsnarrateurs vivent-ils différemment, ayant raconté cette histoire qui n’est plus dans leur for intérieur mais bien à l’extérieur d’eux-mêmes, comme des présences vitales dans le monde? Ici, je fais la projection sur ces auteurs de ma propre expérience d’écrivain d’une histoire qui contenait une grande part de ma propre tristesse et de ma perte. Le mot clé dans cette phrase est contenait. Quand nous racontons une histoire, nous construisons une espèce de contenant à expériences et, quand nous pouvons mettre nos expériences dans ce contenant, nous avons plus de chance de les avoir comme utiles compagnons au lieu de nous sentir imprévisiblement noyés par elles. Nous ne revivons plus l’expérience, dans le sens d’être à sa merci. Ce qui est arrivé ne perd aucunement de sa tristesse mais, contenu dans un récit, il y a un temps et un endroit pour cette tristesse.
Communautariser et commémorer
Mettre des histoires dans des contenants les retient, mais il est nécessaire de les retenir pour les faire connaître. Ou, comme je préférerais le dire, les histoires communautarisent l’expérience. Les Grecs connaissaient la capacité des histoires de communautariser le deuil, et ils structuraient leurs tragédies comme des rituels civiques de deuil collectif. J’ai entendu dire d’une personne qui devrait savoir, mais je n’ai pas été en mesure de le confirmer, que lorsque les Athéniens jouaient leurs tragédies, les anciens combattants s’asseyaient avec leurs unités militaires. Si ce n’est pas historiquement vrai, c’est quand même dans l’esprit du deuil communautaire et ritualisé qui, selon les érudits, était prépondérant dans la mise en scène des tragédies dans la Grèce antique. Nous souffrons aujourd’hui de ce manque de rituels collectifs, mais pas toujours. Je me souviens d’avoir assisté à une réunion de la Coalition nationale pour la survie au cancer à Albuquerque, au Nouveau-Mexique. Au début du souper de clôture, nous avons eu un rituel du souvenir où on lisait le nom des activistes contre le cancer qui étaient décédés durant l’année, et après chaque nom, on sonnait une cloche. Trop souvent, je trouve que les groupes de lutte contre le cancer manifestent ce qu’un ami qualifie si justement de «hilarité forcée». Mais, à cette occasion-là, nous avons fait ensemble notre deuil.
Les médecins font le deuil non seulement de leurs collègues qui sont morts mais, plus encore, des patients dont ils ont été témoins du décès. Christine Motheron écrit qu’on n’apprend pas à transiger avec de telles émotions jusqu’à ce qu’elles deviennent brutalement apparentes7, ce qui complète l’énoncé d’Andrew Lodge quand il écrit qu’il a probablement raté le cours où on enseignait à faire face à de telles situations. «Comment transiger», dit Dr Lodge7, et c’est la déplorable limite de ce qu’on peut enseigner dans un cours. Ces 3 récits concernent ce avec quoi on ne peut pas transiger, dans le sens de faire quelque chose de professionnel qui compte comme une réponse appropriée. On ne transige pas avec la maladie d’Alzheimer, qui met fin à une vie telle qu’on la connaissait, ou avec la mort périnatale, qui met un terme à une vie qui n’avait pas encore commencé. De telles expériences doivent être commémorées.
Être un assez bon médecin
La mort dans le récit d’Andrew Lodge est différente. Malgré toute l’absurdité de la façon dont le patient de Dr Lodge est mort, au moins cette mort a été acceptée et même bienvenue, et elle survient plus ou moins au moment et à l’endroit désignés, avec une certaine ingénuité de la part de Dr Lodge. Dr Lodge prend une situation qu’il a eu la malchance d’hériter et la rend passable, et parfois, l’assez bon est le meilleur qu’on puisse espérer. Son récit est rédigé après la tâche d’avoir fait son deuil avec les rituels nécessaires et c’est ainsi que l’histoire peut faire une autre tâche, celle d’être un compagnon. L’histoire peut accompagner le médecin dans son cheminement professionnel et le rassurer que, même si les situations deviennent étranges - et elles le deviendront - il est capable de trouver le moyen de les rendre passables.
Enfin, permettez-moi de dire que ce que j’aime le plus dans ces histoires, c’est l’humilité. Les 3 récits dépeignent des événements qui échappent au contrôle du médecin et, au mieux - dans le récit d’Andrew Lodge— une solution improvisée est trouvée plus par chance que par habileté. Le grand pédiatre et psycho-analyste Donald Winnicott faisait l’éloge de ce qu’il appelait la «mère assez bonne» qui savait quand se tenir assez à l’écart pour permettre à son enfant de jouer, de se développer et de grandir8. Ces 3 récits font tous l’éloge du fait d’être d’assez bon médecins. Au coeur de cette position morale de vouloir être assez bons se trouve une reconnaissance évidente qu’il y a des forces plus puissantes que vous, votre profession et vos institutions. La plupart du temps dans cette vie, nous, les humains, ne faisons que tenir bon. Tenir bon, ce n’est pas comment les médecins du milieu du XXe siècle imaginaient ce qu’ils faisaient, et l’humilité n’était pas ce qui caractérisait habituellement les récits de cette génération. Les histoires auxquelles ces prix rendent hommage montrent que les temps changent. Cette humilité ne peut qu’être bonne pour les patients, et elle ne peut qu’être bonne pour les médecins en tant qu’individus et pour la profession. La médecine a, je crois, une certaine responsabilité quand les gens ressentent qu’ils ont échoué ou qu’ils ont été trahis parce qu’ils ont une maladie qui ne peut pas être guérie. Trop de médecins sont embarrassés par de telles maladies et manifestent leur embarras en se détournant de leurs patients. Ce n’est pas ce qui se passe dans ces histoires et c’est pour le mieux.
Un dialogue d’histoires
J’ai commencé en disant que cette célébration bouclait une boucle pour moi. Avec ces récits de médecins, la narration à la première personne de la maladie trouve enfin un partenaire dans le dialogue. Ce dialogue concerne la vulnérabilité, la perte et l’impuissance. Le dialogue cherche à savoir s’il est possible de trouver une certaine forme de rédemption dans les pires moments de la vie. Christine Motheron s’efforce de croire que la courte vie de son patient naissant pourrait faire une différence. Andrew Lodge semble certain que son patient va dans un monde spirituel. Shane Neilson remarque que sa patiente sait toujours chanter en dépit de sa démence. Aucun de ces auteurs n’exagère ces légères ouvertures; aucun ne laisse entendre une sorte de bilan. Dans cette modestie, ces récits deviennent des histoires que les personnes malades peuvent apprécier entièrement. Ils représentent une pratique de la médecine à laquelle aspirer.
Footnotes
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* Cet article se fonde sur une présentation de M. Frank à la cérémonie de remise des prix aux lauréats des Prix AMSMimi Divinsky d’histoire et narration en médecine familiale au Forum en médecine familiale à Calgary, en Alberta, le 31 octobre 2009.
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