Le Collège des médecins de famille du Canada (CMFC) a adopté la recommandation du Groupe de travail sur la révision du cursus postdoctoral de la Section des enseignants à l’effet que les programmes de résidence devraient élaborer et mettre en œuvre un cursus axé sur le développement des compétences qui :
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vise des soins complets et globaux
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est orienté vers la continuité pédagogique et les soins aux patients, et
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est centré sur la médecine familiale.
Ensemble, ces recommandations forment le Cursus Triple C axé sur le développement des compétences (Triple C)1. Cet article est le cinquième d’une série qui explique l’initiative Triple C2–4 et met en évidence le dernier C: le cursus doit être centré sur la médecine familiale.
L’expression centré sur la médecine familiale est nouvelle; la description et la définition se rapportent tant au point de mire de l’expérience, qu’au principal milieu et aux principaux enseignants de la formation, au temps passé dans des milieux cliniques individuels et aux processus d’apprentissage mis en évidence. Si l’on veut que la médecine familiale réponde aux attentes inhérentes à la formation axée sur le développement des compétences - c’est-à-dire former des médecins capables d’offrir des soins experts à tous les Canadiens dans divers contextes, de s’adapter aux environnements dynamiques et complexes de la pratique et de développer les habiletés pour maintenir la compétence - le cursus doit être centré sur la médecine familiale.
Cursus centré sur la médecine familiale
Dans un cursus centré sur la médecine familiale, la médecine familiale est le point de mire et le pivot de l’apprentissage. Essentiellement, les résidents se perçoivent et agissent comme des médecins de famille qui assument la responsabilité continue d’un groupe de patients pendant la résidence5. Les objectifs et les éléments curriculaires sont entièrement planifiés et contrôlés par les éducateurs en médecine familiale et la formation se déroule en grande majorité dans un milieu de pratique de la médecine familiale globale. À cette formation s’ajoutent des expériences spécialisées ou ciblées, conçues pour développer des compétences particulières, comme une exposition plus intense aux techniques d’intervention ou à l’obstétrique. Les résidents ont ensuite des possibilités de mettre en pratique ces connaissances et ces habiletés dans un contexte de médecine familiale sous la supervision de médecins de famille enseignants. Dans un cursus centré sur la médecine familiale, les principaux enseignants sont des médecins de famille, qui peuvent servir de modèles de rôle pour l’exercice de la médecine familiale. Ils démontrent non seulement les processus d’apprentissage propres à la médecine familiale, mais aussi l’intégration des connaissances, des habiletés et des attitudes entre les disciplines et les contextes et leur utilisation sélective auprès des patients. Les médecins de famille enseignants sont les évaluateurs avertis des compétences CanMEDS-Médecine familiale que les résidents doivent démontrer6. Des spécialistes consultants comptent aussi au nombre des enseignants valorisés, mais ils doivent bien comprendre le rôle du médecin de famille dans la communauté et faire preuve de respect pour la discipline.
Pour atteindre les objectifs de Triple C et offrir une approche centrée sur la médecine familiale, les programmes de formation postdoctorale devront s’éloigner du modèle traditionnel des stages en rotation et de ses « blocs » séquentiels spécifiques à une discipline. Dans une structure de formation en bloc ou de stages en rotation, les résidents cherchent à acquérir une expertise dans des disciplines successives, suivant la perspective que les médecins de famille doivent « en savoir un peu sur à peu près tout ». Un tel modèle omet de reconnaître l’expertise unique de notre discipline, qui doit prendre en charge simultanément la complexité et l’incertitude sous diverses dimensions dans le contexte d’une relation continue avec le patient. Sur le plan pédagogique, pour que les résidents développent une expertise en médecine familiale, ils doivent avoir des occasions d’effectuer une pratique délibérée (deliberate practice) (soit la pratique, à laquelle s’ajoute la rétroaction d’un expert).7 Par conséquent, les résidents doivent avoir des occasions répétées d’encadrement par des enseignants expérimentés dans l’exécution coordonnées des habiletés en médecine familiale8.
Sur le plan de la conception du cursus, une structure de cursus longitudinale se prête mieux à la pratique et à la promotion coordonnée de l’intégration des compétences en médecine familiale. Dans un tel modèle, la plupart du temps du résident se passe dans le même milieu de pratique familiale où il est supervisé par des professeurs en médecine familiale9. Une telle structure convient idéalement à la promotion du deuxième C, la continuité, qui inclut la continuité des soins, de la supervision et de l’environnement d’apprentissage. La continuité des soins est essentielle pour l’établissement de relations continues patient-médecin; c’est la pierre d’angle de notre profession. La continuité de la supervision, de l’évaluation et des modèles de rôles représente une stratégie complémentaire d’enseignement et d’apprentissage qui découle du temps passé dans une affectation longitudinale4. Dans le contexte d’un cursus longitudinal centré sur la médecine familiale, certains blocs de stages et des expériences d’apprentissage spécialisées ou ciblées peuvent être maintenus et pourraient être nécessaires pour acquérir des compétences particulières selon le milieu de la formation et les ressources locales disponibles.
Raison d’être d’une approche centrée sur la médecine familiale
On s’attend à des répercussions considérables sur les ressources en raison du passage à une approche centrée sur la médecine familiale. Il faut donc bâtir une justification convaincante avant d’adopter ce modèle de cursus.
La recommandation de passer à un cursus où la majeure partie de la formation est réalisée dans un contexte de médecine familiale n’est ni nouvelle, ni unique. Le CMFC l’avait déjà endossée pour la première fois dans son rapport de 1995 Le curriculum postdoctoral de médecine familiale : une approche intégrée10. De plus, l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis ont mis l’accent sur l’importance de cette position pédagogique dans divers exposés de principe 6,11–13. En comparaison, dans tous les autres programmes de formation au Canada, les résidents passent la majorité de leur temps d’apprentissage dans le contexte de leurs propres spécialités.
Les évaluations des expériences longitudinales au niveau prédoctoral portent à croire que ce type d’apprentissage encourageait un degré plus élevé d’humanisme, de centration sur le patient et de professionnalisme14–16. Peu d’études sur la formation en médecine familiale postdoctorale démontrent une amélioration de la continuité et des occasions de développer de solides relations patient-médecin5,17.
Le rôle important que joue la formation postdoctorale dans l’établissement de l’identité professionnelle du médecin vient renforcer encore plus la justification d’un cursus centré sur la médecine familiale. Les professionnels doivent avoir une idée claire de leur identité et de leur domaine d’expertise s’ils veulent fonctionner efficacement18. Notre but est de permettre aux résidents de développer une compréhension de la spécificité de la médecine familiale et de s’identifier à cette profession : son expertise, ses valeurs et autres éléments culturels (p. ex. engagement auprès de la collectivité), tout comme des récompenses propres à la profession. Dans un cursus centré sur la médecine familiale où la majeure partie du temps de formation est passé en compagnie de médecins de famille, les résidents sont en contact avec des modèles de rôle qui démontrent leurs croyances et leurs valeurs, leurs processus de résolution de problème et leur attitude réflexive19. Les expériences régulières avec ces modèles de rôle donnent le temps nécessaire pour comprendre notre profession et assurent le développement d’une identité professionnelle positive.
Les questions d’efficience pédagogique sont également favorables à une approche Triple C centrée sur la médecine familiale. Si les résidents doivent atteindre les résultats visés par la formation dans un délai de deux ans, ils doivent participer principalement à des activités qui contribuent directement à leur acquisition. Les exigences en matière de service clinique doivent être en lien avec l’expérience d’apprentissage. Le résident doit exécuter des tâches qui correspondent à sa future pratique dans un environnement authentique. Un apprentissage intégré dans des milieux de médecine familiale spécialisés et diversifiés (cabinet, hôpital, domicile, milieu rural ou urbain), offre aux résidents la meilleure possibilité d’apprentissage dans leur spécialité.
Les résidents eux-mêmes reconnaissent l’importance d’un programme de formation centré sur la médecine familiale. Dans le document Guide for the Improvement of Family Medicine Training de la Section des résidents du CMFC, les résidents font souvent des représentations pour que les activités cliniques correspondent aux problèmes qu’ils rencontrent dans la prestation de soins primaires20. De manière générale, les résidents insistent sur le développement d’expériences de formation qui ont un lien très pertinent avec leur pratique future et qui offrent une continuité des soins aux patients.
Le fardeau de la preuve concernant la supériorité d’un cursus par rapport à un autre devrait reposer sur un examen de la qualité des diplômés, sur leur capacité à répondre aux besoins de la collectivité et à atteindre les résultats cliniques escomptés pour les patients. On prévoit que, grâce à son approche pédagogique centrée sur la médecine de famille, le cursus Triple C, offre la meilleure possibilité de produire des diplômés en médecine familiale qui ont acquis l’expertise dont ils auront besoin pour la prestation de soins à tous les Canadiens et Canadiennes dans divers contextes, qui comprennent clairement le rôle central de la relation patient-médecin, qui ont une profonde identité professionnelle, et la capacité d’adapter, de maintenir et de développer de nouvelles compétences selon les besoins de leur pratique et de leurs communautés.
Visitez le www.cfpc.ca/Triple-C_fr/ ou communiquez avec triplec{at}cfpc.ca pour obtenir plus de renseignements.
Footnotes
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This article is also in English on page 346.
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The English translation of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the March 2012 issue on page 346.
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Intérêts concurrents
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