Question clinique
Comment faut-il évaluer la sécurité automobile dans les cas de démence?
Résultats
Il est difficile d’évaluer en clinique l’aptitude à conduire. Les lignes directrices recommandent que les patients atteints d’une démence de modérée à grave s’abstiennent de conduire, mais il ne faudrait pas l’interdire à toutes les personnes souffrant d’une légère démence. Alors, comment définissons-nous une démence modérée? Et comment évaluons-nous les patients atteints d’une démence légère qui peuvent conduire en toute sécurité? Aucun test étayé par des données probantes ne peut s’appliquer à toutes les situations. Les tests papier-crayon ne peuvent pas tenir compte du fait que la conduite est une tâche bien apprise avec de multiples variables (p. ex. conditions routières, comorbidités, médication). L’utilisation des outils de dépistage a été résumée dans un article publié dans le Canadian Geriatrics Society Journal of CME1.
Données probantes
L’Évaluation médicale de l’aptitude à conduire – Guide du médecin de l’AMC définit la démence de modérée à grave comme la perte récente de la capacité à effectuer 1 AVQ (p. ex. s’habiller) ou de 2 AIVQ (p. ex. faire des courses) en raison de difficultés cognitives2.
Les scores au mini-examen de l’état mental ne sont pas prédictifs des risques de la conduite ou des accidents de la route3,4.
Les scores à l’Évaluation cognitive de Montréal pourraient avoir une meilleure valeur de prédiction; dans 1 étude, des résultats de 18 ou moins étaient associés à une plus grande probabilité d’échouer à l’évaluation sur route, mais la capacité prédictive n’était pas assez convaincante pour recommander ce test comme seul instrument pour identifier les conducteurs inaptes4.
Les tests visuospatiaux pourraient être les plus pertinents5. Le dessin de l’horloge peut être utile, mais le type et la gravité des erreurs qui indiquent une conduite dangereuse ne sont pas clairs.
Les lignes directrices recommandent les tests Trail Making A et B pour évaluer la conduite. Dans la partie B, le seuil d’inaptitude se situerait à 3 minutes ou plus pour le compléter ou encore 3 erreurs ou plus — la règle du 3 ou 36,7. L’incapacité de terminer la partie A en 48 secondes pourrait aussi signaler la nécessité d’une évaluation plus approfondie de la conduite8. Il ne s’agit toutefois pas de règles absolues; les décisions entourant la sécurité de la conduite doivent aussi reposer sur d’autres constatations. La Société canadienne de gériatrie a publié des instructions sur l’administration des tests Trail Making A et B6.
Il est essentiel d’obtenir des corroborations; les préoccupations de la famille et les antécédents d’accidents peuvent éclairer les décisions3. Il vaut mieux questionner à part les membres de la famille pour leur permettre d’exprimer librement leurs inquiétudes. Les corroborations peuvent aussi aider à déterminer le degré de déficience fonctionnelle due au déclin cognitif.
Approche
Examiner si les résultats des tests concordent avec les données cliniques : les tests n’ont pas d’utilité à moins qu’ils correspondent aux capacités fonctionnelles du patient et aux observations des proches.
Savoir ce que mesurent les tests : il faut tenir compte des paramètres mesurés et des variables confusionnelles (p. ex. barrières de langue, faible niveau d’éducation, dépression ou anxiété liée à la performance).
Tenir compte de la trajectoire : certains problèmes peuvent se résorber (p. ex. delirium) et d’autres évoluent (p. ex. maladie d’Alzheimer et autres démences).
Comprendre son rôle dans le signalement aux autorités du transport : il s’agit habituellement de rapporter des préoccupations au ministère des Transports plutôt que de déterminer l’aptitude médicale à conduire.
Faire preuve de bon sens et examiner la gravité des constatations : il est parfois évident que le patient est inapte à conduire (p. ex. scores très faibles dans les tests, symptômes psychotiques).
Prendre en considération les aspects qualitatifs et dynamiques des tests : la façon dont le patient effectue les tests est aussi pertinente que les scores (p. ex. l’horloge peut être parfaite, mais s’il a fallu 10 minutes pour la dessiner, des inquiétudes concernant la conduite peuvent encore persister).
Comprendre les seuils limites : les scores qualifiés de « normaux » et de « déficients » se chevauchent. Pour éviter de trop se fier aux seuils limites, on doit se demander si on monterait dans un véhicule conduit par cette personne, si on laisserait un être cher le faire, si on voudrait traverser la rue devant son véhicule ou si on laisserait un être cher le faire.
Mise en application
Les outils de dépistage n’ont pas de pertinence si les MF n’identifient pas les patients qui conduisent et n’évaluent pas les problèmes de santé qui nuisent à la sécurité. La liste de vérification en 10 minutes pour l’évaluation en clinique de la démence et de la capacité de conduire n’a pas fait l’objet de nombreuses études, mais il s’agit d’un formulaire utile qui couvre des portions pertinentes de l’évaluation9. Une liste de considérations en matière d’aptitude à conduire en cas de démence a été publiée dans Le Médecin de famille canadien10.
Notes
Les Perles gériatriques sont produites de concert avec le Canadian Geriatrics Society Journal of CME, une revue révisée par des pairs publiée par la Société canadienne de gériatrie (www.geriatricsjournal.ca). Les articles font la synthèse des données probantes tirées des articles publiés dans la revue Canadian Geriatrics Society Journal of CME et présentent des approches pratiques à l’intention des médecins de famille qui soignent des patients âgés.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the October 2018 issue on page 744..
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