Question clinique
Existe-t-il des données probantes en faveur d’un dépistage d’une dysfonction thyroïdienne ou du traitement de l’hypothyroïdie subclinique?
Résultats
Aucune ERC n’a examiné le dépistage de la dysfonction thyroïdienne (la prescription du dosage de la thyréostimuline [TSH] chez les personnes en santé et qui ne sont pas enceintes). Malgré environ 20 ERC, le traitement de l’hypothyroïdie subclinique ou silencieuse n’a présenté aucun bienfait (comme la prévention des maladies cardiovasculaires, ou la réduction de la fatigue ou du poids). Les lignes directrices ne recommandent ni l’un ni l’autre.
Données probantes
Dépistage de la dysfonction thyroïdienne :
Aucune ERC ou étude observationnelle contrôlée n’évalue le dépistage de la dysfonction thyroïdienne ou le dosage de la TSH à des fins de dépistage1,2.
Traitement de l’hypothyroïdie subclinique (taux de TSH de 4 à 10 mUI/L, mais taux normaux de triiodothyronine et de thyroxine) :
Quatre revues systématiques effectuées au cours des 5 dernières années font un compte rendu de 18 à 21 ERC1–4. Le traitement de l’hypothyroïdie subclinique (habituellement avec de la lévothyroxine) par rapport à un placebo n’a eu aucun effet sur la mortalité ou l’apparition d’une nouvelle maladie cardiovasculaire2–4; la qualité de vie, les symptômes de dépression, la fatigue ou les scores des symptômes liés à la thyroïde1–4; le fonctionnement cognitif1–4; l’indice de masse corporelle ou le poids1–4.
Dans la plus récente ERC (251 patients plus âgés, âge moyen de 85 ans), il n’y avait aucun bienfait, quel que soit le paramètre évalué (suivi d’environ 1,5 an)5.
Contexte
L’hypothyroïdie subclinique désigne habituellement des taux de TSH d’environ 4 à 10 mUI/L, alors que les taux de triiodothyronine et de thyroxine sont normaux et en l’absence de symptômes évidents d’hypothyroïdie.
Les taux de TSH peuvent varier jusqu’à 50 % entre les dosages6, et les fluctuations quotidiennes7 chez une personne peuvent être de 26 %.
La prévalence de l’hypothyroïdie subclinique (dans les pays développés) se situe entre 4 et 10 %, et de 2 à 6 % de ces cas se développent en hypothyroïdie avérée. La prévalence de l’hyperthyroïdie est d’environ 2 %, et de 1 à 2 % de ces cas deviendront une hyperthyroïdie avérée2,8.
- Parmi les cas d’hypothyroïdie subclinique, 40 % reviennent à des taux normaux de TSH au bout d’environ 2,5 ans9.
- Les symptômes sont souvent de mauvais facteurs de prédiction (p. ex. dans une étude, environ 18 % des patients ayant une euthyroïdie, 22 % de ceux présentant une hypothyroïdie subclinique et 26 % de ceux souffrant d’une hypothyroïdie avérée ont signalé ≥ 4 symptômes d’hypothyroïdie)10.
Le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs recommande de ne pas procéder au dépistage chez les patients asymptomatiques et en l’absence de grossesse, et de ne pas traiter l’hypothyroïdie subclinique11.
Mise en pratique
Le dépistage par dosage de la TSH pourrait être à la hausse, comme en témoigne une étude dans laquelle 57 % des femmes de 55 ans avaient subi un dépistage12. Par ailleurs, à la suite des résultats des tests d’évaluation de la fonction thyroïdienne, moins de 0,5 % ont été traitées pour une hypothyroïdie avérée13. Les raisons qui poussent à procéder au dépistage chez des patients asymptomatiques sont complexes, mais elles font intervenir de multiples facteurs, comme les demandes des patients, les habitudes de pratique des médecins et les croyances entourant le dépistage. Dans le cas des demandes de la part de patients, les médecins devraient les informer que les données probantes accessibles font valoir qu’il est peu probable que le dépistage par dosage de la TSH soit utile (peut-être dans < 1 % des cas) et, si les résultats sont légèrement anormaux (hypothyroïdie subclinique), le traitement n’améliore généralement pas les résultats ou les symptômes. De plus, les requêtes d’analyses de laboratoire pré-remplies ne devraient généralement pas être utilisées pour le dépistage chez des patients asymptomatiques, mais plutôt être individualisées en fonction de la personne et de la consultation.
Notes
Les articles d’Outils pour la pratique dans Le Médecin de famille canadien (MFC) sont une adaptation d’articles publiés dans le site web du Collège des médecins de famille de l’Alberta (CMFA) qui résument les données médicales probantes en insistant sur des questions particulières et des renseignements susceptibles de modifier la pratique. Les résumés du CMFA et la série dans le MFC sont coordonnés par Dr G. Michael Allan, et les résumés sont rédigés conjointement par au moins 1 médecin de famille en pratique active et ils font l’objet d’une révision par des pairs. Vous êtes invités à faire part de vos commentaires à toolsforpractice{at}cfpc.ca. Les articles archivés sont accessibles sur le site web du CMFA: www.acfp.ca.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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