Le Canada n’a toujours pas gagné la bataille contre le VIH; plus de 2500 nouveaux cas sont en effet rapportés chaque année1 malgré les ressources considérables offertes comparativement à d’autres pays qui font les frais de cette pandémie. Environ 21 % des personnes infectées par le VIH ignorent qu’elles sont séropositives et il se pourrait qu’elles contribuent à transmettre la maladie encore davantage1. La prophylaxie préexposition (PPrE) contre le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est une approche de prévention contre le VIH qui protège les personnes contre l’infection, et le recours à la PPrE au Canada et partout dans le monde s’est accru depuis les dernières années. Nombreux sont les Canadiens présentant un risque élevé de contracter le VIH à demander la PPrE à leur médecin de famille. Le présent article traite de plusieurs aspects de la PPrE pour vous aider à répondre aux besoins des patients.
Soins liés à la PPrE
Description de la PPrE.
La prophylaxie préexposition est une technique proactive de prévention du VIH selon laquelle les personnes séronégatives qui présentent un risque élevé de contracter le VIH prennent des antirétroviraux pour prévenir l’infection2. Cette approche a réussi à réduire considérablement le risque de contracter le VIH selon certaines études cliniques et situations réelles3, y compris au Canada4.
Indications de la PPrE.
La PPrE est indiquée chez les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes et chez les personnes transgenres qui ont des relations anales sans condom avec des personnes dont l’état sérologique est inconnu ou avec des personnes séropositives qui ont une charge virale « détectable » (c’est-à-dire que la charge virale est supérieure à 40 copies/mL). Les personnes hétérosexuelles pourraient aussi profiter de la PPrE si elles ont des relations sexuelles vaginales avec un partenaire séropositif dont la charge virale est détectable. En dernier lieu, les personnes qui font usage de drogues injectées et partagent les aiguilles ou d’autres accessoires de consommation de drogue pourraient profiter de la PPrE5.
Faciliter la PPrE en milieu clinique.
La PPrE est assez simple. Avant d’instaurer les soins, les analyses initiales doivent d’abord éliminer le VIH et les autres infections transmises sexuellement (ITS) comme la syphilis, la chlamydia et la gonorrhée. Les personnes doivent aussi subir un dépistage de l’hépatite B et C, et doivent être vaccinées contre l’hépatite A et B si elles ne sont pas immunisées. Les analyses initiales doivent aussi inclure une formule sanguine complète, un taux de créatinine, une analyse d’urine et un test de grossesse (si indiqué). Il importe aussi que les personnes qui envisagent la PPrE subissent le dépistage de troubles de santé mentale concomitants ainsi que de consommation abusive d’alcool et d’autres drogues, et elles devraient faire l’objet de soins appropriés ou d’une stratégie de réduction des préjudices, le cas échéant.
Les personnes qui entreprennent une PPrE doivent être bien renseignées sur les détails de la démarche : la PPrE consiste à prendre 1 comprimé d’une association d’emtricitabine (aussi appelée FTC) et de fumarate de ténofovir disoproxil (FTD) tous les jours ou au moment d’avoir une relation sexuelle5 (PPrE « sur demande »). Informez les patients que si elle est utilisée correctement, la PPrE réduit considérablement le risque de contracter le VIH, soit d’environ 90 % (peut-être plus), mais qu’elle ne protège pas à 100 %3–5. Les patients reçoivent habituellement un approvisionnement pour 3 mois du médicament d’association FTC-FTD et doivent être suivis en clinique tous les 3 mois. Informez les patients que la PPrE ne les protège pas contre les autres ITS comme la syphilis, la chlamydia et la gonorrhée, et qu’il est donc impératif de porter un condom durant l’activité sexuelle. Dans les cas appropriés, parlez de l’emploi d’aiguilles stériles et du recours à des stratégies de réduction des préjudices liés aux drogues par injection, et encouragez ces stratégies. En dernier lieu, avisez les personnes qui entreprennent la PPrE du faible potentiel de toxicité rénale et osseuse durant la prise de FTC-FTD.
Un petit truc sur la prestation de la PPrE, fondé sur notre expérience : Nous dispensons la PPrE à des centaines de personnes. À nos patients qui suivent une PPrE, nous prescrivons un approvisionnement pour 4 mois (plutôt que les 3 mois recommandés) de FTC-FTD, et nous revoyons les patients tous les 3 à 3,5 mois. Selon nous, cela donne une marge de manœuvre pour les événements inattendus de la vie (p. ex. maladie, travail, oublis), et fait en sorte que les patients aient toujours un approvisionnement de leur médicament et soient toujours protégés.
Suivi.
Les rendez-vous de suivi trimestriels visent à évaluer l’observance du traitement et la toxicité des médicaments, de même que la présence de signes et de symptômes de VIH et d’autres ITS; à conseiller les patients sur les pratiques sexuelles et de consommation de drogues sécuritaires; et à déterminer si une personne a toujours besoin de la PPrE en fonction de ses facteurs de risque durant les 3 mois précédents. Aux rendez-vous de suivi, les investigations consistent à reprendre le dépistage du VIH et des ITS, et incluent la formule sanguine complète et le taux de créatinine5. On peut mettre fin à la prophylaxie préexposition 2 à 28 jours après la dernière exposition potentielle du patient au VIH, seulement s’il ou elle ne présente plus de risque accru de contracter le VIH. Ces patients doivent toujours se présenter pour un test de dépistage de suivi du VIH 8 à 12 semaines plus tard.
Faire tomber les obstacles à la PPrE
La mise en place à grande échelle de la PPrE au Canada se fait lentement. Pour l’heure, une petite proportion de médecins de famille et de spécialistes des maladies infectieuses ont inclus la PPrE dans leur pratique clinique; il faudra toutefois beaucoup d’autres fournisseurs de soins pour répondre à la demande croissante des Canadiens. Heureusement, plusieurs circonstances pavent la voie à un meilleur accès à la PPrE dans la communauté. Premièrement, la FTC-FTD est beaucoup moins coûteuse, puisque le prix des versions génériques s’élève à environ 200 $ pour un approvisionnement d’un mois. Deuxièmement, le programme provincial de médicaments de l’Ontario subventionne maintenant les médicaments de PPrE pour les personnes qui ont des problèmes financiers; le coût des médicaments est couvert dans d’autres provinces (p. ex. au Québec), et les autres provinces emboîteront probablement le pas sous peu. Finalement, les lignes directrices canadiennes sur les PPrE sont maintenant publiées5 et accessibles gratuitement; elles donnent aux fournisseurs de soins de première ligne les outils nécessaires pour offrir la PPrE. Les stratégies de prévention du VIH sont plus accessibles que jamais. Donnons aux Canadiens des soins de prévention du VIH d’excellente qualité.
Notes
Nous encourageons les lecteurs à nous faire connaître certaines de leurs expériences vécues dans la pratique : ces trucs simples qui permettent de résoudre des situations cliniques difficiles. Vous pouvez proposer en ligne des articles dans Praxis à http://mc.manuscriptcentral.com/cfp ou par l’intermédiaire du site web du MFC à www.cfp.ca sous « Authors and Reviewers ».
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the April 2019 issue on page 271.
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