Recommandation 3 relative aux soins de longue durée
Ne procédez pas à des tests d’urine par bâtonnet ni à des cultures d’urine en l’absence de signes et de symptômes clairs d’infection urinaire (IU).
Quels outils ou stratégies de prise de décision partagée avez-vous implantés dans votre pratique concernant cette recommandation? (Dr Moser)
Au Centre hospitalier de soins de longue durée (CHSLD) Baycrest à North York (Ontario), la pratique habituelle est de ne pas recueillir d’urine avant d’en discuter avec le médecin traitant. Si des changements ont été observés dans le comportement ou les symptômes, comme une urine concentrée, nous travaillons ensemble pour déterminer la cause possible, y compris, sans s’y limiter, une IU. Le fait de prélever un spécimen d’urine dans le but de diagnostiquer une IU sans symptômes suffisants enclenche une cascade d’analyses et de traitements susceptibles de ne pas identifier la cause à l’origine de l’inconfort du bénéficiaire.
Pour aider à diagnostiquer et à traiter une IU dans les CHSLD, la campagne Utiliser les antibiotiques judicieusement, appuyée par diverses organisations, a produit une affiche intitulée Réfléchissez avant de prélever, de même qu’une brochure sur les changements recommandés dans les pratiques, visant à réduire le recours inutile aux antibiotiques pour la bactériurie asymptomatique en CHSLD. Ces 2 ressources peuvent être téléchargées à partir de https://choisiravecsoin.org/campaign/antibiotiques-ltc/. Les recommandations indiquent sans équivoque ce qui constitue ou non une situation justifiant une culture d’urine, et elles réduisent l’ambiguïté entourant le bien-fondé d’une ordonnance d’analyse. Elles expliquent aussi en détail la façon de gérer les résultats positifs de la présence de bactéries dans les cultures d’urine et la manière de prescrire des antibiotiques, s’il était nécessaire de le faire.
Quelles sont les difficultés et les satisfactions de la prise de décision partagée à ce sujet? (Drs Moser et Quail)
Il peut être difficile de dire à la famille que les résultats d’une culture sont positifs, mais que vous n’allez pas donner d’antibiotiques à leur proche. Des études ont démontré qu’une proportion allant jusqu’à 50 % des adultes plus âgés en CHSLD sont colonisés par des bactéries, mais ne souffrent pas d’une véritable IU. C’est pourquoi nous essayons de prime abord d’éviter de prélever un spécimen d’urine si nous ne sommes pas certains qu’une IU est la cause d’un changement dans l’état de santé du bénéficiaire.
Les familles peuvent trouver alarmant de voir des changements dans l’état de leurs êtres chers, et elles sont parfois portées à conclure à une relation linéaire avec une infection des voies urinaires. Toutefois, si nous ne recherchons qu’une IU dans de tels cas, nous pourrions passer à côté de la cause réelle du changement dans l’état (p. ex. pneumonie, constipation ou douleur). Bien qu’une IU soit évidemment une forte possibilité, nous ne pouvons pas envisager isolément ce diagnostic. Nous devons procéder à une évaluation rigoureuse et à une investigation du delirium pour nous assurer que nous couvrons toutes les causes possibles à l’origine du changement. Lorsque les familles participent à cette évaluation en profondeur, elles savent que nous reconnaissons leurs inquiétudes en surveillant étroitement le patient au moyen de mesures régulières des signes vitaux et de réévaluations cliniques. Lorsque nous communiquons nos observations aux familles, elles se rendent compte que l’équipe de soins prend les mesures voulues. L’explication de notre omission de prescrire une culture d’urine devient alors un message plus facile à comprendre.
Pourquoi la prise de décision partagée concernant cette recommandation précise de Choisir avec soin, ou ce sujet clinique, est-elle essentielle pour vous? (Dr Quail)
Au cours des 10 dernières années, il s’est produit une réorientation dans les soins de longue durée pour mieux comprendre les modèles de comportements réactifs dans la démence avancée. Cette nouvelle direction nous oblige tous à réfléchir de manière plus critique aux changements comportementaux sous-jacents. Nous évoluons vers un modèle de soins davantage centrés sur le patient dans la manière de répondre à ses besoins individuels de soins. Je considère les recommandations de changer les pratiques liées aux antibiotiques dans les soins de longue durée comme une extension de cette réorientation. Nous voulons nous assurer de prescrire des antibiotiques seulement lorsqu’ils sont les plus appropriés.
Dans une perspective de santé populationnelle, la prescription d’antibiotiques inutiles dans les CHSLD augmente le risque d’une résistance considérable aux antimicrobiens. Dans une résidence où vivent des aînés fragiles et vulnérables aux infections, cela pourrait être très préjudiciable et entraîner de sérieuses complications. Nous devons travailler en collaboration dans les CHSLD pour faire en sorte que les antibiotiques que nous prescrivons aident nos bénéficiaires et la communauté que nous servons.
Notes
Choisir avec soin Canada est une campagne visant à aider les cliniciens et les patients à entamer des conversations à propos des examens, des traitements et des interventions inutiles, de même qu’à faire des choix judicieux et efficaces pour assurer des soins de grande qualité. Jusqu’à présent, 13 recommandations concernent la médecine familiale, mais de nombreuses recommandations touchant d’autres spécialités sont aussi pertinentes à la médecine familiale. Dans chacune des parutions de la série sur Choisir avec soin Canada dans Le Médecin de famille canadien, un médecin de famille est interviewé sur les outils et les stratégies qu’il ou elle a utilisés pour mettre en œuvre l’une des recommandations et amorcer la prise de décisions partagée avec les patients. Ces entrevues sont préparées par la Dre Kimberly Wintemute, codirigeante des soins primaires, et Hayley Thompson, coordonnatrice de projet pour Choisir avec soin Canada.
Footnotes
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the February 2020 issue on page 115.
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