Question clinique
Pour prévenir une récidive de la goutte, devrionsnous prescrire des médicaments pour abaisser l’urate (p. ex. allopurinol) jusqu’à l’atteinte de seuils précis dans les taux de concentration d’acide urique?
Résultats
Les meilleures données probantes révèlent que l’augmentation de la dose d’allopurinol pour atteindre un seuil cible d’urate sérique (p. ex. < 360 μmol/L) ne réduit pas les crises de goutte ni la douleur, et n’améliore pas le fonctionnement par rapport à une dose normale. Le fébuxostat augmente la mortalité de causes cardiovasculaires et la mortalité globale, et ne devrait pas être utilisé chez la plupart des patients souffrant de goutte.
Données probantes
Dans une ERC, on a fait le suivi auprès de 183 patients qui prenaient de l’allopurinol (dose moyenne d’environ 270 mg/j) pour la goutte, qui avaient des concentrations d’urate sérique constamment élevées (430 μmol/L en moyenne) et qui avaient eu plus de 3 crises durant l’année précédente1. Les patients ont été choisis aléatoirement pour recevoir une dose d’allopurinol plus élevée jusqu’à l’atteinte d’un seuil cible d’urate sérique (< 360 μmol/L) ou encore leur dose habituelle d’allopurinol. Après 12 mois, les résultats étaient les suivants :
–La dose quotidienne moyenne d’allopurinol se situait à 390 mg dans le groupe d’intervention et à 290 mg dans le groupe témoin.
–Chez 54 % des sujets du groupe d’intervention et 59 % dans le groupe témoin, il s’est produit plus de 1 crise de goutte (aucune différence statistique).
—Dans le groupe d’intervention, des concentrations d’urate sérique de moins de 360 μmol/L ont été atteintes plus souvent que dans le groupe témoin (69 c. 32 %).
–Aucune différence n’a été cernée sur les plans de l’élimination des tophi, de l’état fonctionnel, de la dou leur, des événements indésirables graves, des éruptions cutanées ou des problèmes gastro-intestinaux.
Une revue systématique portant sur 10 ERC (N = 6100) sur des thérapies pour abaisser l’urate n’a trouvé aucune relation entre l’atteinte d’un seuil cible d’urate sérique (360 μmol/L) et les crises de goutte2.
–Des études de cohortes ont fait valoir qu’un nombre moins élevé de crises de goutte était associé à une utilisation pendant une plus longue période de thérapies abaissant l’urate et à des concentrations d’urate sérique de moins de 360 μmol/L.
Contexte
De récentes lignes directrices3 recommandent un « traitement visant un seuil précis » de concentration d’urate sérique, tandis que d’autres lignes directrices4 jugent que les données probantes sont insuffisantes pour recommander une telle stratégie.
Le fébuxostat (par rapport à l’allopurinol) augmente les problèmes suivants :
–La proportion de crises de goutte (après un suivi allant jusqu’à 1 an)5 : 44 % avec le fébuxostat contre 38 % avec l’allopurinol (nombre nécessaire pour nuire [NNN] de 19).
–La mortalité de causes cardiovasculaires6 : 4,3 % avec le fébuxostat contre 3,2 % avec l’allopurinol (NNN = 91).
–La mortalité toutes causes confondues6 : 7,8 % avec le fébuxostat contre 6,4 % avec l’allopurinol (NNN = 72).
–Santé Canada déconseille l’utilisation du fébuxostat chez les patients souffrant de maladies cardiovasculaires7.
Commencer un traitement concomitant d’allopurinol et de colchicine durant une crise de goutte ne prolonge pas et n’aggrave pas la crise8.
Mise en pratique
L’observance à une thérapie visant à abaisser l’urate varie de 50 à 87 % après 1 an9. Par rapport aux patients souffrant d’autres problèmes médicaux chroniques, ceux qui souffrent de la goutte se conforment peut-être le moins à la médication10. Le recours à d’autres professionnels de la santé, comme des infirmières ou des pharmaciens, dans la prise en charge de la goutte (y compris l’éducation et les médicaments prophylactiques) pourrait augmenter l’observance et réduire les crises de goutte11. Chez les patients qui commencent à prendre de l’allopurinol, l’ajout de colchicine durant les 3 premiers mois aide à réduire les crises initiales12.
Notes
Les articles d’Outils pour la pratique dans Le Médecin de famille canadien (MFC) sont une adaptation d’articles publiés dans le site web du Collège des médecins de famille de l’Alberta (CMFA) qui résument les données médicales probantes en insistant sur des questions particulières et des renseignements susceptibles de modifier la pratique. Les résumés du CMFA et la série dans le MFC sont coordonnés par Dr G. Michael Allan, et les résumés sont rédigés conjointement par au moins 1 médecin de famille en pratique active et ils font l’objet d’une révision par des pairs. Vous êtes invités à faire part de vos commentaires à toolsforpractice{at}cfpc.ca. Les articles archivés sont accessibles sur le site web du CMFA: www.acfp.ca.
Footnotes
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
Les opinions exprimées dans Outils pour la pratique sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue et les politiques du Collège des médecins de famille de l’Alberta.
Cet article donne droit à des crédits d’autoapprentissage certifié Mainpro+. Pour obtenir des crédits, rendez-vous sur www.cfp.ca et cliquez sur le lien Mainpro+.
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the September 2020 issue on page 671.
- Copyright© the College of Family Physicians of Canada