Le Collège des médecins de famille du Canada (CMFC) a pour mission d’encourager l’excellence des normes éducatives touchant la formation et l’exercice de la médecine familiale et, pour ce faire, de miser sur la formation, la recherche et la promotion de pratiques exemplaires1.
Les annonces de produits pharmaceutiques dans Le Médecin de famille canadien (MFC) et dans d’autres revues médicales ne font pas la promotion de pratiques exemplaires ni éduquent-elles les médecins. Il est irresponsable sur le plan de l’éthique pour le Collège d’accepter de l’argent d’entreprises qui ont un intérêt direct et ciblé à influencer les habitudes de prescription de ses membres.
Que sont les pratiques exemplaires?
Les pratiques exemplaires se fondent sur des données probantes. Quand il s’agit de produits pharmaceutiques, cette pratique exemplaire repose sur des études randomisées contrôlées (ERC) et des synthèses critiques ou des méta-analyses (résumés de diverses ERC). Nous formons les étudiants et les résidents en médecine à se tenir au courant des ERC pertinentes et, avant tout, nous les encourageons à fonder leurs décisions et leurs habitudes de pratique sur des synthèses critiques ou des guides de pratique clinique impartiaux qui ne sont pas financés par des compagnies pharmaceutiques.
Les pratiques exemplaires d’aujourd’hui sont ancrées, à juste titre, dans l’utilisation de directives de grande qualité. Les bons médecins utilisent des guides de pratique impartiaux, et les excellents médecins adaptent ces guides aux objectifs spécifiques et aux attentes réalistes de chacun de leurs patients. Ce sont des pratiques exemplaires transformées en soins médicaux de qualité supérieure. Il est rare qu’une bonne pratique soit guidée par une seule ERC, et encore moins par un seul médicament. Les annonces de produits pharmaceutiques font toujours la promotion d’un seul médicament et, habituellement, d’un médicament encore protégé par un brevet.
Les guides de pratique recommandent rarement un produit pharmaceutique spécifique, à moins qu’il n’y ait qu’un seul produit disponible ou que les données probantes tirées des ERC et des synthèses critiques ne soient majoritairement en faveur d’un seul produit. Ils recommandent plutôt des classes de médicaments, parce qu’il n’a pas été démontré qu’un médicament en particulier était meilleur que l’autre, quoiqu’en dise la publicité des produits pharmaceutiques.
Les annonces de produits pharmaceutiques éduquent-elles les médecins lecteurs?
Il est évident qu’elles ne le font pas. Pire encore, elles laissent entendre, subtilement mais efficacement, que prescrire le médicament annoncé est une pratique exemplaire. La présence même de l’annonce dans la revue d’une association professionnelle laisse croire qu’elle représente une «formation médicale» endossée par le Collège, que de lire l’annonce est une pratique exemplaire.
Pourquoi les associations professionnelles médicales comme le CMFC acceptent-elles la publicité des compagnies pharmaceutiques?
Les lecteurs accepteront certainement mon point de vue et se diront peut-être même que c’est bien connu et même banal d’en faire un cas. Les membres se rendent compte que l’édition et la distribution d’une revue médicale coûtent de l’argent et que la publicité de produits pharmaceutiques (qui fournit environ 60 % du coût de production du MFC) est une source de financement nécessaire, quoique répugnante, le moindre de plusieurs maux. Cet argument est pour le moins déplorable.
Rien n’est gratuit. Les compagnies pharmaceutiques au Canada (et bien sûr, aux États-Unis) tirent leurs revenus de la vente de médicaments. Le prix au détail des médicaments est déterminé en grande partie par les coûts encourus par la compagnie, y compris le coût de la publicité. Les compagnies pharmaceutiques ne paient pas leurs annonces à même le portefeuille charitable de leurs cadres supérieurs ou des actionnaires. Ils paient la publicité à même le portefeuille des patients pour qui le coût de l’ordonnance inclut aussi les coûts de la promotion et de la publicité. Et, dans le cas d’un pays comme le Canada, la plupart de ces coûts sont payés à même l’argent des contribuables pour les soins de santé.
J’ai de la difficulté à trouver des motifs moraux valables pour expliquer que le MFC ou le CMFC accepte des annonces de produits pharmaceutiques.
Que doit faire une revue?
Plus précisément, qu’est-ce qu’une bonne revue comme le MFC pourrait faire si elle refusait toute la publicité des compagnies pharmaceutiques? L’édition et la production électronique d’une revue ne sont pas gratuites. De fait, les coûts éditoriaux par article publié dans une bonne revue américaine se situent à 13 000 $US2. Il y a différentes façons de réduire les coûts, mais l’abandon de la version imprimée de la revue est un bon point de départ. Le 30 avril 2010, le Web célébrait son 17e anniversaire. N’est-il pas temps d’aller de l’avant?
La majorité de la recherche est subventionnée, et les sources de financement (y compris les Instituts de recherche en santé du Canada) sont de plus en plus enclines à offrir un soutien pour les frais de publication. De fait, Open Medicine, par exemple, impose de modestes frais d’auteur pour couvrir les dépenses techniques de l’édition (p. ex. travail éditorial) et utilise un logiciel robuste gratuit, de source générale, pour préparer la revue sous la forme électronique exigée pour PubMed3.
Peut-être aussi que les membres du Collège seraient prêts à contribuer une partie de leurs cotisations pour payer les coûts de production du MFC.
Par ailleurs, ce débat ne porte pas sur les sources de financement: la question porte sur la valeur éducative et l’utilité pour la pratique des annonces de produits pharmaceutiques et sur les conflits d’intérêts inhérents dans toutes les relations entre les médecins et l’industrie pharmaceutique. Les annonces de produits pharmaceutiques n’ont pas leur place dans le MFC. Point final.
Notes
CONCLUSIONS FINALES
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Les annonces publicitaires de produits pharmaceutiques dans une revue médicale consacrée à améliorer l’éducation des médecins et les soins aux patients sont paradoxales. De telles annonces nuisent autant à la formation qu’aux soins de santé.
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Les revenus des annonces de produits pharmaceutiques recueillis par des revues comme Le Médecin de famille canadien proviennent des coûts accrus des médicaments que paient les patients (par l’intermédiaire des compagnies d’assurance et des impôts en général). L’acceptation par le Collège de cet argent frise le manque d’éthique.
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La revue pourrait survivre sur le plan financier en la publiant sur le Web seulement, en imposant de modestes frais d’auteur et en dirigeant une petite portion des cotisations des membres au paiement du travail éditorial et de la publication.
Footnotes
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This article is also in English on page 979.
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Les parties à ce débat contestent les arguments de leur opposant dans des réfutations accessibles à www.cfp.ca. Participez à la discussion en cliquant sur Rapid Responses.
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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