À bien des égards, Dr Gass et moi sommes du même avis, mais je ne trouve rien dans l’argumentation de Dr Gass qui me convainque que les guides de pratique clinique (GPC) atteignent les buts qu’il prétend. Je me suis retrouvé à hocher la tête, en guise d’accord avec ses observations au sujet de l’importance que les médecins de famille trouvent un juste équilibre dans leur jugement et avec son évocation de Sir Donald Irvine que les cliniciens doivent préserver la liberté de décider avec chacun de leurs patients ce qu’il y a de mieux dans les circonstances1. Je suis complètement d’accord avec le document The Physician of the Future, élaboré au Mexique, qui dit que les meilleurs professionnels ne sont pas nécessairement ceux qui suivent le plus à la lettre les protocoles et les directives, mais plutôt ceux qui savent quand et comment ils devraient dévier de leur application dans l’intérêt d’un patient donné2.
Dr Gass fait quelques affirmations qui surestiment l’utilité et la valeur scientifique des GPC. Il dit que l’on s’est servi d’un processus transparent et collégial pour en venir à un consensus dans la création des GPC. Il exprime aussi son aval à la traduction des discussions en recommandations cliniques, classées en fonction de la qualité des données probantes, en tenant compte de la rigueur ou de la crédibilité des chercheurs et de leurs opinions. Il maintient aussi que l’utilisation des GPC facilite la prise de décisions conjointement avec les patients.
C’est là où nos opinions se divisent. Selon moi, l’introduction du consensus dans l’élaboration des GPC, particulièrement au niveau des recommandations de traitements, amène en réalité de l’opacité. Les GPC ne font pas grand-chose pour assurer l’uniformité dans l’utilisation d’une nomenclature commune pour coder la qualité des données probantes ou les recommandations thérapeutiques. Même les initiatives GRADE et AGREE n’ont pas encore réglé ce problème.
Je crois important de remarquer qu’il existe encore de grandes déficiences dans les GPC actuels. McCormack et Loewen, dans une analyse de 5 GPC reconnus nationalement, ont trouvé que peu d’attention était accordée aux valeurs ou aux préférences des patients dans les décisions thérapeutiques3. Ils concluent que les GPC offrent des renseignements quantitatifs limités sur les bienfaits et les inconvénients et qu’ils ne peuvent donc pas être utilisés efficacement par les cliniciens pour prendre des décisions éclairées.
Une autre étude sur les GPC indique que bon nombre de ces directives ne sont pas fondées sur des données probantes au sens où l’entend Dr Gass. Infobase a démontré que 53 % des guides ne donnent même pas de cotes aux données probantes5. Une autre étude dans Le Médecin de famille canadien a révélé l’existence d’un désaccord considérable entre groupes de travail, indiquant que les GPC n’étaient pas cohérents dans leurs conseils6.
Pour ces raisons, je crois que mes préoccupations initiales étaient bien fondées: la bonne médecine et les guides de pratique clinique ne sont pas synonymes. Mis à part ces inquiétudes, Dr Gass et moi sommes fondamentalement d’accord avec certaines des qualités et des caractéristiques d’une bonne pratique.
Footnotes
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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Cette réfutation est la réponse des auteurs des débats dans le numéro de juin (Can Fam Physician 2010;56:518-21 [ang], 522-5 [fr]). Voir www.cfp.ca.
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