La communication est l’acte de transmettre un message à une autre personne et c’est un art essentiel pour établir des relations médecin-patient et fonctionner efficacement entre professionnels de la santé. Les participants à une assemblée consensuelle à Toronto, au début des années 1990, ont conclu qu’il y avait assez de données probantes pour prouver que les problèmes de communication entre médecins et patients sont fréquents et qu’ils ont des répercussions négatives sur les soins aux patients1. Habituellement, la plupart des étudiants en médecine apprennent les habiletés en communication verbale et non verbale en observant leurs enseignants et leurs précepteurs. Dans les milieux de médecine familiale, on s’attend à ce que les enseignants superviseurs - médecins de famille et autres membres de l’équipe de soins de santé - encadrent activement les apprenants sur le plan de la communication. Plus récemment, on a eu recours à des ateliers de perfectionnement des compétences et à des séances de pratique simulée pour enseigner l’art de la communication. Aux États-Unis, un sondage transversal auprès de médecins de famille qui avaient terminé leur programme de résidence entre 1998 et 2000 a fait valoir que les médecins signalaient que c’est dans les soins aux patients qu’ils avaient été le mieux préparés, avoir été le mieux préparés, et venaient ensuite les habiletés interpersonnelles, la communication et le professionnalisme2. Par ailleurs, il est nécessaire d’insister encore davantage sur la communication patient-médecin et de l’améliorer, comme le démontre une récente étude dans laquelle les patients évaluaient les compétences en communication des résidents en médecine familiale à l’aide de l’outil d’évaluation de la communication mis au point par Makoul et ses collaborateurs3. Les auteurs ont constaté que les résidents de première année recevaient une note considérablement plus élevée (77,0 % des répondants les qualifiant d’excellents) que les résidents de deuxième (69,5 %) et de troisième année (68,1 %)3.
Avec l’expansion des programmes et l’augmentation du nombre de stagiaires qui ont besoin de précepteurs, il y aura lieu de recourir à certaines des stratégies disponibles pour améliorer la formation et assurer d’excellentes compétences en communication. Le présent article passe en revue diverses méthodes utilisées pour enseigner l’art de la communication aux stagiaires et discute de l’évaluation des compétences en communication.
Apprendre par l’observation
Observer les enseignants
On considère généralement que les précepteurs sont des modèles que les apprenants devraient imiter titre de principaux exemples d’une communication professionnelle appropriée et d’une conduite respectueuse de l’éthique. Les précepteurs exercent une puissante influence sur les apprenants et ces derniers ont tendance à imiter consciemment et inconsciemment le comportement de leurs enseignants4. Il faudrait peut-être discuter explicitement de certaines caractéristiques de la compétence clinique (p. ex. empathie, compassion, counseling et manifestation de soutien envers les patients), car elles sont souvent moins évidentes dans le processus de la communication. De plus, il faut éviter des comportements inappropriés ou non professionnels, comme lever les yeux au ciel, taper du pied ou ne pas écouter attentivement. Il existe des données limitées démontrant un changement soutenu dans le comportement et les attitudes des apprenants à la suite de l’observation directe des précepteurs et des autres membres de l’équipe des soins de santé5.
Regarder des vidéos
L’enregistrement sur vidéo peut être un outil très puissant pour améliorer les compétences en communication des apprenants, pour corriger les erreurs afin qu’ils sachent, en définitive, communiquer de manière efficace et professionnelle.
Enregistrer les précepteurs sur vidéo: L’enregistrement sur vidéo de consultations données par les précepteurs ajoute une précieuse ressource pour l’apprentissage de l’art de communiquer. L’observation de compétences idéales en techniques d’entrevue accroît la motivation des apprenants à imiter ces compétences dans la pratique clinique. Elle permet aux apprenants d’observer leurs précepteurs interagir avec les patients, tout en leur donnant le temps de réfléchir à la communication. Les apprenants sont en mesure d’exprimer leur sentiments à propos de l’entrevue et d’identifier à la fois des signes verbaux et non verbaux. De plus, ils peuvent échanger leurs réflexions et leurs commentaires avec les enseignants et les pairs; ils peuvent ainsi identifier des façons appropriées de communiquer avec les patients6.
Pour encourager la discussion et l’expression d’idées, les précepteurs doivent être ouverts et réceptifs à la rétro-action, ce qui leur permet à eux aussi d’être plus conscients et plus lucides quant à leur rôle de modèles à imiter pour les apprenants dans la recherche d’un encadrement sur les compétences en communication.
Enregistrer les apprenants sur vidéo: Se voir eux-mêmes communiquer avec des patients en regardant des vidéos aident les apprenants à envisager la consultation selon la perspective du patient. Ces vidéos peuvent servir comme une autoévaluation dans le but d’identifier les forces et les faiblesses en communication durant les entrevues, et pour observer et comprendre les réactions des patients7. L’observation d’une entrevue enregistrée accompagnée des commentaires des enseignants aide considérablement les apprenants à améliorer leurs techniques d’entrevue et leur capacité de mener efficacement des consultations8.
L’enregistrement sur vidéo est un important outil d’enseignement dont peuvent se servir les apprenants pour identifier leurs points à améliorer quand ils enseignent à d’autres. Il est très utile pour leur permettre de reconnaître leur vrai comportement durant des interactions avec des patients, car il n’est pas toujours possible d’être pleinement conscient de tout ce qu’une personne fait durant une entrevue, en particulier les signes non verbaux. Les vidéos peuvent être utilisées pour étudier seulement, comparer avec les pairs ou voir l’amélioration de la communication avec le temps. Dans les cas où les entrevues enregistrées sur vidéo ne sont pas disponibles, on peut se servir de clips d’émissions de télévision populaires pour enseigner aux apprenants les rudiments d’une bonne communication. On peut aussi utiliser à cette fin des entrevues simulées avec des acteurs (patients standardisés).
L’enregistrement d’une entrevue exige le consentement éclairé officiel des patients et il faut dans ces cas protéger leurs renseignements personnels et préserver leur confidentialité. Par exemple, il faut disposer de ces enregistrements de manière appropriée après l’usage. Il importe que les apprenants donnent aussi leur consentement à l’enregistrement et qu’ils comprennent la raison de ces enregistrements. La vidéo est coûteuse sur le plan technique et prend du temps, quoique de nombreuses personnes aient des appareils personnels qu’elles peuvent utiliser. La vidéo a l’avantage d’être facile à manier, on peut la rejouer de nouveau, la ralentir ou l’accélérer et l’arrêter au besoin.
Jeux de rôles
En pratique clinique, on désigne par jeux de rôles l’exercice dans lequel une personne joue le rôle d’un patient dans une rencontre clinique, en tenant compte de tous les contextes médicaux, culturels et comportementaux possibles9. Ils permettent de pratiquer la communication dans un environnement sécuritaire et contrôlé. Ils donnent la possibilité aux apprenants de pratiquer la communication et de recevoir une rétroaction du personnel et des pairs. Les jeux de rôles entre l’apprenant et l’enseignant sont plus communs en pratique familiale, parce que les occasions d’enseignement individuel sont nombreuses. Un enseignant peut demander à un résident ou à un étudiant de pratiquer au préalable une rencontre qu’on prévoit difficile, ou de faire une récapitulation par la suite pour essayer des façons de s’y prendre autrement. Ces jeux de rôles peuvent souvent se faire en moins d’une minute, mais ils peuvent être très utiles pour munir l’apprenant de stratégies de communication efficaces10. Il est démontré que les jeux de rôles contribuent à améliorer les compétences en communication11.
Le temps de préparation, l’anxiété des volontaires et les difficultés de donner une rétroaction appropriée comptent parmi les obstacles à un tel exercice. Les apprenants doivent toujours faire leur apprentissage dans un climat de confiance et d’encouragement pour atteindre leurs objectifs.
Travail en groupe
Il a été démontré que le travail en groupe favorisait la rétention des connaissances et des habiletés12. Le travail et les jeux de rôles en groupe peuvent accroître chez les apprenants le sentiment de participer, car ils peuvent travailler ensemble pour évaluer différentes compétences en communication dans diverses situations. Les petits groupes aident à combler les lacunes dans les connaissances et les habiletés chez les membres du groupe, et ils utilisent une approche centrée sur l’apprenant et moins d’enseignement didactique13.
Patients standardisés ou simulés
Le recours à des acteurs bien formés est une autre option de jeux de rôles pour des compétences spécifiques en communication et la solution à certains problèmes des patients14. Les simulations peuvent ressembler étroitement à la réalité et elles permettent d’améliorer certaines habiletés en communication, comme le counseling et l’annonce de mauvaises nouvelles. Des simulations avec des patients standardisés sont utiles dans l’enseignement et l’évaluation des compétences en communication15. Par ailleurs, les services d’acteurs bien formés sont habituellement coûteux et les séances d’enseignement avec des patients stimulés exigeront un soutien financier des établissements.
Vrais patients
Il est démontré que les entrevues avec de vrais patients dans la pratique concrète sont de précieux moyens pour apprendre l’art de la communication et comprendre les maladies des patients16. La méthode clinique centrée sur le patient est utilisée dans l’enseignement en médecine familiale comme modèle d’interaction avec les patients et comme partie intégrante du cadre d’évaluation pour obtenir la certification en médecine familiale16. La communication centrée sur le patient a été validée en ce qui a trait à son influence favorable sur les résultats chez les patients16.
Communication électronique
La communication électronique entre médecins et patients a le potentiel de prendre de l’expansion à mesure qu’évolue la technologie. De telles communications comportent cependant de nombreuses responsabilités et obligations pour les médecins. Une récente étude démontrait un dangereux manque de connaissances de la part des professeurs et des résidents en ce qui a trait au respect des lignes directrices publiées sur la confidentialité s’appliquant à la correspondance par courriel entre médecins et patients. La situation s’est effectivement améliorée à la suite d’une séance de formation à cet égard17. Des cours de formation sur l’art de communiquer peuvent aussi être présentés à l’aide de divers moyens électroniques, comme la téléconférence, l’apprentissage à distance, les discussions téléphoniques, le courriel et un réseau global d’ordinateurs. L’apprentissage électronique est utile pour prolonger les discussions de la classe après les heures et si on manque d’espace de rencontre. De plus, les facilitateurs peuvent ainsi donner à chaque participant une rétroaction en privé.
Styles de communication
Les patients peuvent aussi contribuer au processus de l’enseignement en évaluant les stagiaires et en donnant leurs commentaires. Même si les stagiaires sont encadrés dans l’utilisation de styles de communication centrés sur le patient, il faut leur rappeler que divers styles de communication peuvent être nécessaires, selon les attentes du patient et la nature des rencontres cliniques. Une étude qui analysait les préférences des patients quant aux divers styles de communication a révélé que les patients avaient différents ensembles de valeurs et d’attentes quant au rôle médecin-patient. Si de nombreux patients préféraient les médecins centrés sur le patient (69 %), d’autres privilégiaient les médecins biomédicaux (31 %) et croyaient que le médecin biomédical prévient les préjudices, fait preuve d’autorité médicale et transmet clairement l’information18.
Conclusion
Les enseignants ne doivent pas oublier que les apprenants observent leur communication verbale et non verbale avec les patients. Il faut donner aux apprenants la chance de pratiquer la communication dans un environnement constructif et encourageant. Ils doivent eux aussi être observés durant les rencontres avec les patients pour évaluer leur communication dans le monde réel, puisque l’observation des autres qui communiquent pourrait ne pas suffire pour développer d’excellentes compétences en communication. Le recours aux jeux de rôles, au travail en groupe et aux technologies d’enseignement disponibles rehausse la capacité de l’apprenant d’acquérir des techniques d’entrevue efficaces.
Notes
CONSEILS POUR L’ENSEIGNEMENT
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Parmi les stratégies pour enseigner l’art de la communication, on peut mentionner l’observation directe du précepteur, l’enregistrement vidéo des interactions du précepteur, l’enregistrement vidéo des interactions de l’apprenant, les jeux de rôles, les discussions en petit groupe et les jeux de rôles au sein du groupe, les jeux de rôles avec des patients simulés et les séances de formation pour les communications électroniques.
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On privilégie généralement un style de communication centré sur le patient, car il respecte les points de vue des patients et explore ce qu’ils souhaitent, mais un style de communication biomédical convient mieux dans certaines situations cliniques, lorsque les patients s’attendent à ce que le médecin empêche des préjudices, fasse preuve d’autorité médicale et donne des renseignements précis.
Occasion d’enseignement est une série trimestrielle publiée dans Le Médecin de famille canadien et coordonnée par la Section des enseignants du Collège des médecins de famille du Canada. La série porte sur des sujets pratiques et s’adresse à tous les enseignants en médecine familiale, en insistant sur les données probantes et les pratiques exemplaires. Veuillez faire parvenir vos idées, vos demandes ou vos présentations à Dre Allyn Walsh, coordonnatrice d’Occasion d’enseignement à walsha{at}mcmaster.ca.
Footnotes
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This article is also in English on page 1216.
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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