Depuis déjà quelques années, on s’interroge passablement sur l’augmentation sans cesse du taux de césarienne dans les pays industrialisés. Le Canada ne fait pas exception à cette tendance, avec un taux ayant passé de 17,6 % en 1993 à 26,3 % en 2008. C’est maintenant plus d’un enfant sur quatre qui naît par césarienne au Canada! Paradoxalement, pendant cette même période, à la fois les médecins et le public affirment que ce taux est trop élevé et souhaitent le voir diminuer. La Société des obstétriciens et gynécologues du Canada continue de son côté à promouvoir l’accouchement naturel et a même développé des stratégies pour rendre la pratique obstétricale plus optimale et plus sécuritaire pour les femmes canadiennes (GESTA, AMPRO). Comment, dans un tel contexte, peut-on en arriver à accepter la césarienne sur demande?
Morbidité maternelle
Liu et ses collaborateurs1 ont comparé l’accouchement par césarienne élective et l’accouchement vaginal planifié. Je dis « planifié » car ils ont inclus dans le groupe de l’accouchement vaginal les risques liés à la césarienne d’urgence faite pendant le travail chez les femmes qui souhaitaient accoucher par voie vaginale. Ils ont démontré une augmentation du risque de morbidité sévère maternelle avec la césarienne élective. L’hémorragie post-partum nécessitant une hystérectomie, l’arrêt cardiaque, l’hématome de la plaie, la thrombo-embolie veineuse et les infections majeures sont tous augmentés dans le groupe césarienne élective1,2. Cette augmentation du risque est faible, bien sûr, mais avec plus de 3 millions de patientes étudiées, l’étude comporte suffisamment de force pour tirer de telles conclusions. De surcroît, il m’apparaît intéressant de noter que cette étude est canadienne.
Il ne faut pas non plus oublier les complications lors de grossesses subséquentes, risques principalement liés à la placentation. Placenta praevia et accreta s’en trouvent accrus, avec une conséquence directe sur le risque d’hystérectomie. Les chirurgies multiples provoquent des adhérences, augmentant du coup le risque de lacération à la vessie ou à l’intestin.
On me dira qu’il faut de ce fait limiter la césarienne sur demande à celles qui ne désirent pas beaucoup d’enfants. Comme si on pouvait absolument être sûr de ce choix! Dites-moi, combien d’hommes qui ont subi une vasectomie souhaite une micro-recanalisation? Ils avaient pourtant tous décidé, définitivement et formellement, qu’ils n’en voulaient plus!
Morbidité néonatale
Plusieurs études le démontrent et ce sujet ne prête même plus à controverse: les bébés nés par césarienne sont plus enclins à souffrir de problèmes respiratoires, que ce soit pour la tachypnée transitoire du nouveau-né ou le syndrome de détresse respiratoire3,4. Bien sûr, on invoquera que la détresse respiratoire liée à la prématurité est à toutes fins pratiques éliminée si on pratique la césarienne au-delà de la 39e semaine de gestation, date qui doit impérativement être documentée par une étude échographique avant la 20e semaine3,4. Mais la tachypnée transitoire du nouveau-né demeure plus fréquente. Bénin, vous croyez? Parlez-en à la mère qui a vu son bébé lui être retiré, admis dans une unité néonatale quand ce n’est pas carrément transféré par avion ambulance faute de ressources dans les milieux de premier niveau de soins obstétricaux, avec impossibilité d’allaiter son bébé! Sans oublier tous les risques iatrogéniques de traitement un peu trop « zélé » menant aux diverses complications du soluté, de l’intubation (pneumothorax), de l’antibiothérapie empirique et de l’admission dans une unité de soins intensifs néonataux.
Mortalité néonatale
Que dire de cette étude récente, avec plus de 8 millions de naissances, qui démontre une augmentation de 69 % de mortalité néonatale chez les bébés nés par césarienne élective sans travail actif versus le groupe d’accouchement vaginal planifié, et ce, chez des femmes considérées à faible risque5. On pourra reprocher à cette étude de n’avoir pas fourni les causes de décès néonataux et l’absence d’information sur les indications de césarienne. Il n’en demeure pas moins que, pour le moment, elle porte à réflexion. À défaut d’autres données infirmant cette étude, il m’apparaît clair qu’actuellement, pour un counselling approprié, cette information doit être transmise à toute femme demandant une césarienne sans indication médicale.
Impacts psychosociaux
J’ai eu beaucoup de mal à repérer dans la littérature des données probantes concernant les impacts à long terme pour le nouveau-né et pour la mère d’une naissance par césarienne. Il est toutefois permis de se questionner. Le bébé né par césarienne ne peut profiter du même contact avec sa mère que son homonyme né par voie vaginale. Le contact est différent, l’ambiance est différente, le contact au sein est retardé, la lumière y est plus imposante, la température ambiante n’est pas la même. Bref, ça ne se ressemble pas du tout au tout! Croire que ces nombreuses différences n’affectent en rien le nouveau-né est illusoire. Il ne peut tout simplement pas ne pas y avoir d’effet. Jusqu’à quelle intensité et pour combien de temps, on n’en sait rien. Il serait plus que temps que quelqu’un s’y mette quelque part, avant que notre taux de césarienne dépasse les 50 %!
Conclusion
La césarienne sur demande constitue une nouvelle entrave au processus de démédicalisation de l’accouchement et entraînera à coup sûr une augmentation encore plus importante du taux de césarienne dans un futur plus ou moins rapproché. Elle comporte des risques à la fois pour la mère et son bébé, sans oublier une augmentation des coûts de santé et du séjour hospitalier6. Le clinicien devrait plutôt chercher à connaître ce qui se cache derrière cette demande et apporter les solutions requises plutôt que d’y acquiescer les yeux fermés.
Notes
CONCLUSIONS FINALES
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Liu et ses collaborateurs ont comparé l’accouchement par césarienne élective et l’accouchement vaginal planifié. Ils ont démontré une augmentation du risque de morbidité sévère maternelle avec la césarienne élective.
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La césarienne sur demande constitue une nouvelle entrave au processus de démédicalisation de l’accouchement.
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Le clinicien devrait chercher à connaître ce qui se cache derrière une demande de césarienne et apporter les solutions requises plutôt que d’y acquiescer les yeux fermés.
Footnotes
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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