La notion de persévérance remonte à des temps immémoriaux. C’est une médaille d’honneur… C’est aussi une façon de penser qui raccourcira leur vie et détruira leur corps. Les hommes resteront des hommes.
Scott Masterton1, fils du regretté Bill Masterton (traduction libre)
En dépit des progrès de la médecine permettant d’améliorer la prévention, le diagnostic et le traitement des commotions cérébrales, les blessures sportives à la tête continuent d’affecter les adeptes du sport et leur entourage dans les arénas, sur les terrains et dans leur vie.
En 1968, Bill Masterton des North Stars du Minnesota est décédé quelques heures après ce qui avait semblé un coup inoffensif durant une partie de la LNH. Une étude rétrospective de ses antécédents médicaux et un examen post mortem ont révélé que Masterton souffrait probablement déjà d’une lésion cérébrale, mais qu’il avait continué à jouer malgré des maux de tête persistants. On croit que sa mort est attribuable à un deuxième coup qui, même moins intense, a aggravé sa blessure cérébrale pas encore guérie.
En janvier 2011, des millions de spectateurs ont vu Sidney Crosby, actuellement l’une des plus grandes vedettes du hockey, absorber un violent coup à la tête. Même s’il était visiblement ébranlé, il est retourné au jeu pour la troisième période. Durant la partie suivante, quelques jours plus tard, il a reçu un autre solide coup lorsqu’il a été écrasé contre la bande. Cette fois, il a quitté la partie. On a diagnostiqué une commotion cérébrale et il a raté le reste de la saison. Sa carrière pourrait être en péril s’il était frappé de nouveau, en partie parce que, comme Masterton il y a 43 ans, 1) il a été victime de coups considérés comme «faisant partie du jeu», 2) une commotion antérieure possible n’a pas été diagnostiquée ni traitée, et 3) il a probablement souffert d’une aggravation de sa lésion cérébrale initiale. Il a fallu des décennies aux décideurs de la LNH (ironiquement appelés brain trust en anglais) pour commencer à changer certaines règles afin de protéger les joueurs contre des blessures à la tête dévastatrices. Espérons que le cas Crosbie a mis en évidence la nécessité de mesures préventives.
Le traumatisme cérébral relié aux sports est une maladie chronique qui commence par un coup initial à la tête causant une commotion, pouvant être aggravé par des coups répétés avant que la lésion initiale ait eu le temps de guérir et dont les symptômes peuvent persister toute la vie durant. Quoiqu’il y ait des différences innées qui rendent certaines personnes plus susceptibles aux commotions, tout le monde est vulnérable. La bonne nouvelle, c’est qu’aujourd’hui, il est possible de prévenir bon nombre de ces blessures. La moins bonne, c’est de douter que nous, en tant que société, voulions vraiment les prévenir. On rejette souvent les mesures de prévention recommandées ou, si elles sont implantées, elles remontent simplement la barre pour ceux qui aspirent à aller là où aucun humain ne s’est encore rendu. De nos jours, les gens sont rivés aux jeux virtuels défiant la mort, à la télé réalité, et ils portent aux nues les «sports» véritablement violents comme les combats extrêmes. Pour certains, la vie est devenue un concours incessant pour voir qui peut surmonter tous les risques, vaincre tous les ennemis et défier les lois de la nature.
Cette incapacité de faire ce qu’il faut pour prévenir les commotions dues aux sports est-elle un signe que nous faisons tous partie d’une société chroniquement confuse et hébétée? Ceux qui résistent aux changements sont-ils victimes de lésions cérébrales non reconnues? Quelle autre raison expliquerait le refus d’adopter des règles rendant certains sports plus sécuritaires? Pourquoi n’acceptons-nous pas les masques et protecteurs buccaux? Pourquoi les protecteurs d’épaules et de coudes durs comme du roc, qui ont pourtant pour but de protéger les joueurs des blessures, demeurent-ils l’équipement standard alors qu’ils transforment les joueurs en véritables missiles vivement propulsés, sûrs de rendre inconscients leurs adversaires s’ils les frappent? Pourquoi les joueurs prêts à prendre plus de risques ou à asséner les coups les plus violents sont-ils récompensés? Les efforts pour apporter des changements et significatifs aux éléments violents et potentiellement mortels de nombreux sports vont-ils enfin l’emporter sur ce trait de la nature humaine qui veut, recherche, adule, vend et acclame l’homme qui met au défi à la fois ses pareils et la nature en risquant sa vie, ses membres et ses capacités mentales? Le monde aura-t-il toujours des gladiateurs et des Romains pour qu’on les acclame?
Les médecins de famille peuvent jouer un rôle important pour aider à mettre un terme à la vague de commotions cérébrales qui balaie notre société. Conformément aux principes de la médecine familiale, les médecins de famille doivent jouer leur rôle d’experts cliniciens en diagnostiquant et en traitant les patients victimes de blessures sportives, mais aussi celui de ressources auprès des personnes et des populations qu’ils desservent - les éduquer sur la prévention et la reconnaissance des commotions cérébrales et préconiser les changements nécessaires dans les sports qui pourraient mettre fin à l’épidémie actuelle de traumatismes cérébraux.
Footnotes
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This article is also in English on page 968.
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