L’acétaminophène est un médicament antipyrétique1 et analgésique2 en vente libre (EVL), plus communément utilisé chez les enfants. Quoiqu’un grand nombre de parents donnent une dose insuffisante du médicament contre la fièvre3 et ne sont souvent pas au courant de la disponibilité du médicament par voie d’administration rectale (p. ex. pour les enfants qui vomissent)4, l’acétaminophène est utilisée communément à l’échelle mondiale5–7.
En dépit de son utilisation fréquente et des années de recherche à son sujet, le mécanisme d’action exact de l’acétaminophène est encore inconnu. On a proposé comme mécanisme possible la réduction de la douleur par la suppression des prostaglandines reliées à l’inflammation et on a aussi démontré l’abaissement de la fièvre par l’intermédiaire d’un effet central sur le centre de la température dans le cerveau. Elle est métabolisée par le foie.
Depuis l’homologation de l’acétaminophène par la Food and Drug Administration des États-Unis (FDA) en 1951, des quantités considérables d’études de recherche ont été réalisées sur ce médicament et des milliers de rapports ont été publiés pour documenter ses effets indésirables potentiels.
Effets secondaires d’un médicament courant
Les monographies sur l’acétaminophène pourraient surprendre autant les cliniciens que les parents, car beaucoup considèrent que l’utilisation du médicament est sécuritaire et il procure aux parents un «sentiment de contrôle»8. De nombreux effets indésirables potentiels sont mentionnés dans les directives pour son étiquetage9. Par contre, les effets indésirables les plus sévères sont généralement rares. Dans une étude d’envergure réalisée à Boston, au Massachussetts, des enfants ont été choisis au hasard pour recevoir de l’acétaminophène (12 mg/kg) ou de l’ibuprofène et le taux d’effets indésirables constaté était faible. Parmi les plus de 9 000 enfants qui ont reçu de l’acétaminophène, le risque absolu d’hospitalisation pour cause d’asthme ou de bronchiolite était de 260 enfants par 100 000 et le risque d’hospitalisation pour vomissements ou gastrite était de 24 enfants par 100 00010.
Pendant quelques décennies, les chercheurs ont prévenu les cliniciens de la possibilité d’une association entre l’acétaminophène et le développement de l’asthme, mais les données probantes disponibles à cet effet sont plutôt controversées. La plus grande étude jusqu’à présent, auprès d’un groupe d’enfants de 6 à 7 ans dans le cadre de la phase 3 du programme l’International Study of Asthma and Allergies in Childhood, portait sur l’utilisation antérieure d’acétaminophène et le risque d’asthme. Dans cette étude, qui portait sur plus de 200 000 enfants dans 31 pays, on a constaté que l’usage d’acétaminophène pour la fièvre durant la première année de vie était associé à un risque accru de symptômes d’asthme (rapport des cotes [OR] 1,46, IC à 95 % de 1,36 à 1,56). L’utilisation d’acétaminophène au moment de l’étude était aussi corrélée avec un risque de symptômes d’asthme en fonction de la dose pour un usage modéré (OR 1,61, IC à 95 % de1,46 à 1,77) et élevé (OR 3,23, IC à 95 % de 2,91 à 3,60) par rapport à aucun usage11. Toutefois, dans une étude prospective plus récente d’une cohorte de naissances réalisée en Australie, comptant 620 enfants ayant des antécédents familiaux de maladies allergiques, avec une utilisation d’acétaminophène documentée de manière prospective à 18 occasions, de la naissance jusqu’à l’âge de 2 ans, on n’a pas constaté chez les enfants de 7 ans de risque accru de maladies allergiques subséquentes après ajustements pour les infections respiratoires ou quand l’usage d’acétaminophène était restreint à des infections autres que celles des voies respiratoires12.
Plus tôt en 2013, après un examen des réactions cutanées graves associées à des produits contenant de l’acétaminophène inscrites dans sa base de données sur les rapports d’événements indésirables, la FDA, a émis un avertissement à propos de réactions potentielles graves mais rares reliées à l’acétaminophène13. Plusieurs rapports de cas du syndrome de Stevens-Johnson, de nécrolyse épidermique toxique et de pustulose exanthémateuse aiguë généralisée ont incité la FDA à réagir.
Éléments à prendre en compte en recommandant l’acétaminophène
Parmi les autres éléments dont doivent tenir compte les professionnels de la santé lorsqu’ils recommandent d’utiliser l’acétaminophène figurent les suivants:
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la multitude de dosages disponibles,
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e fait que de nombreux produits pédiatriques sur le marché contiennent de l’acétaminophène,
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les effets secondaires potentiels reliés aux interactions.
L’homologation de l’acétaminophène pour tous les âges a entraîné l’accessibilité du médicament dans une multitude de concentrations et divers emballages. Après plusieurs rapports en 2009 d’erreurs d’administration du médicament chez des nourrissons, notamment des parents ayant administré par inadvertance des doses plus élevées de formule d’acétaminophène, certains fabricants ont décidé de volontairement changer leurs produits d’acétaminophène liquide mis en marché pour les nourrissons et d’utiliser la même concentration (160 mg/5 ml) que celle des produits d’acétaminophène liquide étiquetés pour les enfants14.
De plus, de nombreuses préparations EVL, comme des médicaments contre la toux et le rhume, peuvent contenir de l’acétaminophène comme composante active15 et, par mégarde, les parents peuvent administrer à la fois de l’acétaminophène et ces produits et ainsi donner une dose plus élevée que celle recommandée du médicament antipyrétique.
Enfin, le métabolisme de l’acétaminophène par le foie est une source d’interactions potentielles avec d’autres médicaments sur ordonnance ou EVL, ainsi qu’avec des préparations complémentaires et alternatives16, qui ne sont pas toujours signalées aux professionnels de la santé. Les médicaments susceptibles de causer des interactions incluent, entre autres, les médicaments antiépileptiques17 et la warfarine18; par conséquent, il faut des mesures répétées du ratio international normalisé chez les enfants qui reçoivent ces médicaments.
Notes
PRETx
Mise à jour sur la santé des enfants est produite par le programme de recherche en thérapeutique d’urgence pédiatrique (PRETx à www.pretx.org) du BC Children’s Hospital à Vancouver, en Colombie-Britannique. Dr Goldman est directeur du programme PRETx. Le programme PRETx a pour mission de favoriser la santé des enfants en effectuant de la recherche fondée sur les données probantes en thérapeutique dans le domaine de la médecine d’urgence pédiatrique.
Avez-vous des questions sur les effets des médicaments, des produits chimiques, du rayonnement ou des infections chez les enfants? Nous vous invitons à les poser au programme PRETx par télécopieur au 604 875-2414; nous y répondrons dans de futures Mises à jour sur la santé des enfants. Les Mises à jour sur la santé des enfants publiées sont accessibles dans le site web du Médecin de famille canadien (www.cfp.ca).
Footnotes
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Cet article donne droit à des crédits Mainpro-M1. Pour obtenir des crédits, allez à www.cfp.ca et cliquez sur le lien vers Mainpro.
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the October 2013 issue on page 1065.
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