La fin de la race humaine viendra du fait qu’elle mourra éventuellement de civilisation.
Ralph Waldo Emerson (traduction libre)
Description du cas
J.E. est un homme d’affaires de 55 ans en consultation de suivi pour une légère hypertension. Il n’est pas actif physiquement et il admet «trop manger». Il ne consomme pas d’alcool à l’excès. Il n’a pas de nouveaux problèmes de santé. Son indice de masse corporelle est de 27 kg/m2 et la circonférence de sa taille est maintenant de 100 cm. Sa tension artérielle se situe à 130/85 mm Hg alors qu’il prend 25 mg d’hydrochlorothiazide par jour. Il ne fume pas et n’a pas d’antécédents familiaux de maladies cardiaques. Sa mère est décédée à l’âge de 71 ans, elle avait un surpoids et le diabète. Les résultats du laboratoire se lisent comme suit: glycémie à jeun, 5,5 mmol/l; cholestérol total (CT), 5,19 mmol/l; niveau de lipoprotéines de basse densité (LDL), 3,17 mmol/l; niveau de lipoprotéines de haute densité (HDL), 0,75 mmol/l; niveau de triglycérides (TG), 2,54 mmol/l. Quelles seraient votre évaluation du risque de maladies cardiovasculaires (MCV) et vos recommandations de traitement?
Bon nombre de nos patients sont obèses et ont le diabète ou une intolérance au glucose et il devient évident que la proportion de la population ayant de tels problèmes est à la hausse. La prise en charge de leurs profils de risque particuliers revêt une importance accrue pour les médecins de famille. Ce profil métabolique consiste en des niveaux de LDL à la limite ou élevés, des particules LDL petites, des niveaux élevés de TG et de faibles niveaux de HDL, caractéristiques de la dyslipidémie athérogène ou mixte1. L’évaluation de tels patients n’est pas faite adéquatement si on se fie aux seuils de traitement et aux valeurs visées actuels qui font seulement référence au cholestérol LDL2–4. Ces patients sont à risque cardiométabolique accru et peuvent être identifiés en fonction de paramètres physiques et de résultats de laboratoire particuliers. Des changements dans leur prise en charge peuvent réduire davantage les incidents de MCV5.
Les taux de mortalité de causes cardiovasculaires ont chuté de presque 40 % au cours des dernières décennies6,7 et la moitié de cette réduction est attribuable à la modification des facteurs de risque connus fondés sur des niveaux de LDL ciblés8. Se cache cependant dans ces données une tendance à un ralentissement marqué dans les taux de déclin des incidents et de la mortalité cardiovasculaires documentés aux États-Unis9, au Royaume-Uni10 et en Australie11. Cette tendance pourrait être le reflet d’une augmentation constante de l’obésité depuis les années 1970 dans les pays développés, ainsi que des augmentations parallèles du diabète et du syndrome métabolique qui en résultent12. Les personnes qui ont un excès de poids ou sont obèses représentent maintenant 66 % de la population aux États-Unis et une proportion un peu plus basse au Canada, à 52 %13. La prévalence du syndrome métabolique chez les adultes se situe actuellement à 34,3 % aux États-Unis14 et à 19,1 % au Canada15.
Tandis que l’obésité, le syndrome métabolique et le diabète peuvent accroître le risque cardiométabolique par l’intermédiaire des facteurs de risque conventionnels, on a identifié des facteurs de risque émergents qui pourraient jouer un rôle grandissant dans le risque résiduel et non reconnu de MCV. Certains de ces facteurs sont implicites dans la définition du syndrome métabolique lui-même, qui est un facteur de prédiction particulièrement puissant de risque chez les femmes16. Une définition harmonisée du syndrome métabolique se trouve au Tableau 117. D’autres facteurs de risque émergents de MCV et de décès ont été cernés dans l’étude INTERHEART18 qui comparait plus de 15 000 patients à la suite d’un infarctus du myocarde avec un groupe témoin jumelé. Les facteurs de risque conventionnels et émergents sont résumés au Tableau 26,7,17,18.
Il a été reconnu que les facteurs de risque conventionnels sont moins prédicteurs des incidents chez les jeunes et les femmes18,19. De fait, chez les adultes, la moitié des incidents cardiovasculaires se produisent chez des patients ne présentant pas de facteurs de risque conventionnels20,21. On peut préciser davantage le risque du patient si nous tenons compte du concept émergent du risque à long terme de développer des problèmes cardiovasculaires. Les scores de risque à court terme conventionnels, comme le score de Framingham, sont considérablement influencés par des facteurs fixes comme l’âge et le sexe22. Au cours d’une vie, de multiples facteurs à la limite peuvent interagir. Parmi les gens dont les scores de risque de Framingham sont de 10 ou moins sur une période de 10 ans, entre la moitié et les 2 tiers sont à risque élevé à vie19,21 et bon nombre d’entre eux sont des femmes et de jeunes hommes. D’autre part, si un patient maintient un score de Framingham faible à l’âge de 50 ans, son risque à vie sera probablement minime23–25. Les éléments caractéristiques du syndrome métabolique pourraient être particulièrement utiles comme indicateurs relatifs du risque à vie6,7,26,27, étant donné que l’obésité grandissante commence à neutraliser les améliorations obtenues dans les taux de mortalité due aux coronaropathies au cours des dernières décennies21
Sources des données
Les références fournies dans les guides de pratique existants sur les lipides en Amérique du Nord et en Europe6,7,28,29 ont initialement fait l’objet d’un examen. Une recension a été faite dans les bases de données PubMed et Cochrane à l’aide des mots clés atherogenic ou mixed et dyslipidemia, se limitant aux études cliniques, aux études randomisées contrôlées et aux méta-analyses publiées en anglais sur les humains. Les articles faisant référence à des paramètres de substitution ont été exclus. Les références des articles extraits appropriés ont aussi été examinées. Des données probantes de bonne qualité étaient accessibles sous forme d’études randomisées et de méta-analyses pour répondre à la plupart des question.
Message principal
Physiologie de la dyslipidémie athérogène
On croit généralement que la triade lipidique composée de niveaux élevés de LDL, de faibles niveaux de HDL et de niveaux élevés de TG entraîne un développement accru de MCV. Par ailleurs, on sait qu’à mesure que les niveaux de LDL ont tendance à baisser, les niveaux de HDL et de TG deviennent relativement plus prédictifs d’incidents de MCV2,4,30–32. En présence d’adiposité abdominale ou de diabète, qui accompagnent habituellement ces combinaisons lipidiques, le glucose n’est pas facilement utilisé en raison de la résistance à l’insuline33. L’énergie doit donc être obtenue des réserves de gras, avec une libération des acides gras libres, ce qui déclenche une production hépatique accrue de TG contenus dans de grandes particules de lipoprotéines de très basse densité (VLDL) hautement athérogènes. Les VLDL échangent ces TG pour du cholestérol avec des particules à la fois de LDL et de HDL et les TG dans ces plus petites particules sont ensuite hydrolysés, produisant de grands nombres de particules encore plus petites et plus denses (Figure 1). Les particules petites et denses de LDL contiennent moins de cholestérol (d’où des mesures de LDL plus basses), mais elles pénètrent aisément l’endothélium vasculaire, sont facilement oxydées et sont intensément athérogènes34–37. Le faible niveau de LDL masque l’importance du nombre accru de particules, ce qui est le paramètre le plus fortement associé aux incidents vasculaires31,38. Les petites particules de HDL ne fonctionnent pas bien, ce qui cause une certaine perte de la fonction protectrice des HDL39–41. En raison de la taille des petites particules, un nombre considérable de particules de HLD sont perdus par les reins, ce qui entraîne des niveaux de LDL mesurés plus bas.
Le véritable marqueur d’un risque cardiométabolique accru devient donc la triade de la dyslipidémie athérogène42,43 d’un nombre plus élevé de particules de LDL, d’un faible niveau de HDL et d’un niveau élevé de TG. Par ailleurs, les LDL mesurés peuvent être bas mais faussent l’évaluation du véritable risque. Le niveau de LDL reflète simplement le montant de cholestérol dans les particules de LDL et n’est pas une mesure fiable lorsque ces particules deviennent petites et plus nombreuses ou lorsqu’un cholestérol substantiel est transporté dans les VLDL et les lipoprotéines résiduelles44.
Parmi les solutions de rechange à la mesure des LDL figurent le ratio CT/HDL et celle du cholestérol non HDL, qui reflètent tout le cholestérol contenu dans les particules contenant des apolipoprotéines B (Apo B) (LDL, VLDL, lipoprotéines de densité intermédiaire et lipoprotéines résiduelles). La meilleure estimation disponible du nombre de particules est l’Apo B, étant donné qu’elle est partie constituante de toutes les particules athérogènes37,44.
Identification en cabinet de la dyslipidémie athérogène
De bas niveaux de HDL et des niveaux élevés de TG laissent présager une dyslipidémie athérogène et pourraient indiquer un risque indépendant des niveaux de LDL. D’autres estimations du cholestérol athérogène ou du nombre de particules peuvent donner des renseignements plus exacts. Les lignes directrices canadiennes endossent l’utilisation du ratio TC/HDL ou du cholestérol non HDL, qui sont des dosages du cholestérol ou encore des Apo B, qui est une mesure du nombre de particules6,7, comme options de rechange à la mesure des LDL lorsque les niveaux de TG sont élevés. Les lignes directrices américaines recommandent la mesure du cholestérol non HDL (CT moins HDL)28. Les lignes directrices européennes suggèrent que la mesure soit des Apo B ou du cholestérol non HDL est acceptable29. La mesure des Apo B, parce qu’il s’agit en réalité de la mesure du nombre de particules, est jugée supérieure par plusieurs31,37,38,44–48 et les lignes directrices canadiennes la préconisent. Toutefois, les lignes directrices très attendues dont la publication est éminente, l’Adult Treatment Panel (ATP) IV, pourraient endosser le calcul du cholestérol non HDL3,45. Le manque constant d’harmonisation entre les lignes directrices nord-américaines et européennes pourraient perpétuer la confusion et possiblement entraîner une faible adoption de toutes nouvelles recommandations49,50. Dans un effort pour éviter une telle situation, de nombreux auteurs maintiennent que le calcul du cholestérol non HDL est une mesure aussi sensible que celle des Apo B et comporte aussi comme avantages qu’il n’exige pas d’analyses additionnelles, qu’il existe des seuils thérapeutiques et des objectifs établis et qu’il est un reflet adéquat du nombre de particules3,51–53. Tous ces tests ne nécessitent pas d’être à jeun car, à l’encontre du calcul des LDL, les niveaux de TG ne sont pas nécessaires (Tableau 3)6,7,28,29.
Pour ceux qui préfèrent suivre les seuils thérapeutiques et les valeurs ciblées des lignes directrices (Tableau 4)6,7,28,29, la mesure du cholestérol non HDL pourrait être le test à privilégier. Il peut se calculer facilement à partir des résultats d’un bilan lipidique non à jeun et les seuils et cibles visés sont simplement de 0,8 mmol/l plus élevés que les objectifs pour les LDL29. Même si ce n’est qu’une mesure indirecte du nombre de particules31, elle fait le dosage de tout le cholestérol dans les particules contenant des Apo B. Les niveaux de non HDL transmettent tous les renseignements contenus dans le dosage des LDL, ainsi que des informations additionnelles sur la présence d’une dyslipidémie athérogène sans avoir à mesurer les niveaux des TG54.
Attribution du risque et seuils thérapeutiques
Le risque conventionnel sur 10 ans de MCV est calculé à l’aide des scores de risque de Framingham. Les lignes directrices de la Société canadienne de cardiologie6,7 sont celles qui sont le plus fondées sur des données probantes55 et une calculatrice est maintenant disponible pour les appareils mobiles.
La Figure 26,7,17,18 présente une illustration qui fait le lien entre les caractéristiques des divers facteurs de risque et les dosages appropriés effectués en laboratoire. Une calculatrice de bureau pour les scores de Framingham en fonction des lignes directrices canadiennes et offrant un soutien en option pour ce modèle élargi est accessible en ligne (www.palmedpage.com/Framingham/Framingham%20Risk%20Calculator.htm). Cet outil informatique calcule les niveaux de cholestérol non HDL et le ratio CT/HDL, estime le ratio interventions/bénéfices et offre un soutien pour la détection de la dyslipidémie athérogène et une aide à la décision.
Afin de tenir compte de l’influence relative accrue des facteurs de risque émergents, il existe 4 plans d’action possibles. Les meilleures données probantes pour chaque approche sont évaluées au Tableau 516,53,56–63.
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Calculer le score de risque conventionnel et, si un syndrome métabolique est présent, multiplier le score par 1,5 pour les hommes et par 2,0 pour les femmes. Cette multiplication provient d’une méta-analyse d’études prospectives de cohortes16 et son utilisation est endossée par les lignes directrices canadiennes. La présence d’un syndrome métabolique place habituellement le patient dans la catégorie des risques élevés.
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Utiliser le ratio CT/HDL pour le calcul des seuils thérapeutiques et des cibles visées au lieu des valeurs des LDL. Les lignes directrices canadiennes entérinent cette approche qui est d’ailleurs bien corroborée dans les ouvrages scientifiques55,64–67.
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Calculer le cholestérol non HDL à partir des résultats du bilan lipidique et décider des seuils thérapeutiques en ajoutant 0,8 mmol/l aux niveaux donnés pour les LDL. La littérature médicale soutient cette démarche et les nouvelles lignes directrices de l’ATP IV la recommanderont probablement.
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Prescrire un dosage des niveaux d’Apo B si le patient a des facteurs de risque émergents multiples ou encore des niveaux faibles de HDL et élevés de TG. Les lignes directrices canadiennes donnent un seul seuil thérapeutique et une seule valeur ciblée pour tous les niveaux de risque. La couverture des coûts de cette analyse n’est pas la même partout.
À l’exception de l’option 1, ces approches ne nécessitent pas de tests à jeun et sont valides en lieu et place de la mesure des LDL pour tous les patients à tous les niveaux de risque. Le simple calcul du niveau du cholestérol non HDL et du ratio CT/HDL pourrait être fait facilement pour tous les bilans lipidiques à jeun ou non. Il demeure incertain si les lignes directrices de l’ATP IV adopteront comme norme l’utilisation du niveau non HDL.
Décision concernant le traitement
Une fois que le risque a été calculé et qu’on a établi un seuil thérapeutique, il est important d’en arriver à une décision éclairée conjointe avec le patient. Il pourrait être utile de comprendre le ratio interventions/bénéfices, en particulier parce que les statines offrent des bienfaits à tous les niveaux de risque68, quoique les bénéfices diminuent progressivement quand le risque est faible, surtout lorsqu’on les évalue en contrepartie des effets indésirables et du ratio interventions/préjudices (Tableau 6)69–80. Si certains patients à risque élevé ayant de faibles niveaux de LDL pourraient devenir des candidats à une thérapie hypolipidémiante en suivant cette stratégie, certains autres patients pourraient d’autre part éviter une pharmacothérapie malgré des niveaux plus élevés de LDL en raison de niveaux de HDL élevés acquis par hérédité ou par l’exercice. La présence d’un nombre de facteurs de risque émergents, en particulier l’obésité abdominale et l’intolérance au glucose, pourrait ajouter des risques à vie considérables et devrait aussi être prise en compte.
Une intense thérapie aux statines semble être appuyée par les données probantes les plus solides comme moyen d’améliorer la dyslipidémie athérogène81. Il existe des données probantes depuis un certain temps tirées d’études sur les statines à fortes doses20,82–86 ainsi que des méta-analyses83,87–91 à l’effet que la diminution du cholestérol chez des patients ayant des taux «normaux» de LDL permet de réduire encore davantage la mortalité liée aux MCV à la fois dans la prévention primaire et secondaire. Il existe aussi une incidence résiduelle de 20 % d’incidents cardiovasculaires itératifs chez des patients victimes d’incidents initiaux, même si on croyait que les niveaux lipidiques et les facteurs de risque étaient contrôlés84. Ces constatations laissent entendre qu’il y a un potentiel d’amélioration additionnelle de la mortalité de causes cardiovasculaires grâce à une thérapie aux statines même lorsque les niveaux de LDL se conforment aux cibles visées selon les lignes directrices actuelles. Certains de ces bienfaits pourraient être attribuables à une réduction des risques non reconnus causés par la dyslipidémie athérogène. Il y a de nombreuses données probantes tirées d’études importantes à l’effet que les patients ayant un syndrome métabolique tirent le plus de bienfaits absolus de l’utilisation des statines92–96, en partie peut-être parce que leur risque initial d’incidents liés aux MCV initiaux sont plus élevés.
Une option possible pour simplifier l’administration des statines est d’accorder moins d’importance aux cibles visées. Les études sur les statines ont été randomisées en fonction des traitements ou des doses, mais jamais en fonction des niveaux de LDL ciblés87,97. Reconnaissant ce fait, la principale priorité est d’assurer que le patient prend effectivement le médicament55, étant donné que les 2 tiers des bienfaits du recours aux statines se produisent avec l’administration de la dose initiale98. Une fois l’observance établie, la dose peut être graduellement titrée à un niveau déterminé par la tolérance du patient99 plutôt que par un seuil thérapeutique.
Ajouts à une thérapie aux statines
L’ajout d’un deuxième médicament à une statine pourrait améliorer le profil lipidique mais, sauf une seule exception, il n’y a pas de bonnes données probantes que cette pratique améliore les résultats concrets. Il existe actuellement des données probantes à l’appui de l’utilisation du fénofibrate en plus des statines pour réduire les incidents cardiovasculaires ou la mortalité, mais seulement chez les patients ayant des niveaux faibles de HDL et élevés de TG100–103. Les interactions médicamenteuses entre les statines et le fénofibrate81,104,105 semblent minimales. De récentes études sur des combinaisons avec la niacine, les acides gras oméga-3, l’ézétimibe et les inhibiteurs de la protéine de transfert des esters de cholestérol n’ont montré aucun bienfait ou ont été arrêtées peu après en raison de leur futilité (Tableau 7)93,100,101,103,104,106–119. Aucune étude sur une combinaison avec des résines n’a été réalisée119. Par conséquent, les seules données probantes à l’appui d’une réduction du risque de décès ou de MCV résultant d’une thérapie combinée à un traitement optimisé aux statines à l’heure actuelle concernent le fénofibrate et seulement chez ceux ayant un profil de dyslipidémie spécifique102.
Intolérance à une thérapie aux statines
Les statines confèrent de tels bienfaits considérables aux patients à risque élevé que, chez les patients qui ne peuvent pas tolérer une thérapie aux statines, il est important d’essayer de changer la dose et les moments d’administration et d’envisager d’autres statines avant de passer à d’autres médicaments. Une augmentation de 3 fois plus d’enzymes hépatiques peut être tolérée et, dans l’éventualité d’enzymes élevés causés par une stéatose hépatique, on peut s’attendre à une amélioration avec une utilisation continue des statines120. En l’absence de symptômes d’une myopathie, on peut suivre la règle d’une augmentation de moins de 10 fois du niveau de créatine kinase69.
Dans le cas d’une intolérance absolue aux statines, des données probantes solides tirées d’études plus anciennes corroborent les bienfaits considérables à la fois de la niacine et des fibrates utilisés seuls. Ces bienfaits concernent autant les incidents liés aux MCV que la mortalité chez tous les patients qui répondent aux critères de ces traitements (Tableau 7)93,100,101,103,104,106–119. Les données à l’appui des bienfaits des huiles de poisson viennent d’études observationnelles et de cohortes plus anciennes, mais de récentes méta-analyses115–117 n’ont pas pu démontrer d’améliorations dans les résultats. Pareillement, les données supportant les avantages d’utiliser les résines sont peu convaincantes119. On n’a pas étudié l’ézétimibe en tant qu’agent seul ni a-t-il été évalué sans être accompagné d’une statine. Toutes les études faisant valoir des bienfaits faisaient référence aux niveaux de lipides ou à d’autres paramètres de substitution121. Les études sur les inhibiteurs de la protéine de transferts des esters de cholestérol, en dépit d’une hausse remarquable des niveaux de HDL, n’ont démontré jusqu’à présent aucune amélioration dans les résultats1222
Recommandations de traitements
Envisager les recommandations de traitements suivantes:
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HDL—lipoprotéines de haute densité, LDL—lipoprotéines de basse densité, CT—cholestérol total, TG—triglycérides.
Cas revisité
Le score de risque de Framingham de J.E. est de 15,6 % sur 10 ans selon la calculatrice des lignes directrices canadiennes. Son dosage de LDL est de 3,17 mmol/l, ce qui est en deçà du seuil thérapeutique établi à plus de 3,5 mmol/l. Il fait de l’obésité abdominale et ses taux de HDL et de TG sont respectivement faibles et élevés, ce qui constitue un syndrome métabolique et, par conséquent, il a un risque cardiométabolique relatif accru. Le calcul de son cholestérol non HDL se situe à 4,44 mmol/l (5,19 − 0,75 = 4,44 mmol/l). Cette valeur est supérieure au seuil thérapeutique calculé pour le cholestérol non HDL (3,50 + 0,80 = 4,30 mmol/l). Son ratio CT/HDL est de 6,8, ce qui excède le seuil thérapeutique de 5 mmol/l. Selon l’un ou l’autre de ces calculs, tout le cholestérol se cachant dans les particules Apo B à l’extérieur du LDL est pris en compte et un traitement serait indiqué, même si les niveaux de LDL sont normaux. Une décision aurait pu être prise sans mesure des TG à jeun.
Le patient a consulté une diététicienne et a commencé un programme d’activité physique sous la supervision d’un entraîneur certifié il y a 2 semaines. Son poids est inchangé mais la circonférence de sa taille a baissé à 98 cm. Le médecin lui parle de son risque modéré sur 10 ans et de son risque relatif accru à long terme dû au syndrome métabolique, ce qui le place à risque élevé sur 10 ans et à long terme. Il accepte d’essayer une thérapie aux statines et est capable de tolérer 80 mg d’atorvastatine par jour.
Une année après l’intervention, il se conforme aux recommandations sur le plan de l’activité physique, mais moins bien à celles relatives à l’alimentation. Son poids et sa tension artérielle demeurent les mêmes, mais la circonférence de sa taille mesure maintenant 94 cm. Les résultats de laboratoire se lisent comme suit: CT, 3,5 mmol/l; HDL, 0,95 mmol/l; non HDL, 2,55 mmol/l; ratio CT/ HDL, 3,6 (non à jeun). Il n’y a pas de changement dans les enzymes hépatiques. Ces valeurs atteignent les objectifs du traitement pourvu qu’il continue de se conformer à sa diète et à ses exercices. On l’encourage à continuer à prendre des statines et à faire un suivi auprès de la diététicienne. Il pourrait envisager de passer à une dose de statine plus modérée de 40 mg s’il peut mieux suivre le régime alimentaire prescrit.
Les recommandations de traitement sont résumées à l’Encadré 16,7,17,18,28,29,109,123.
Conclusion
Les niveaux de lipoprotéines de basse densité ont été utiles pour calculer le risque de Framingham, qui est une estimation à court terme, fortement influencée par l’âge. L’incidence accrue de l’obésité s’accompagne d’une plus grande fréquence de l’intolérance au glucose et du syndrome métabolique, entraînant un risque cardiométabolique à plus long terme, ce que les niveaux de LDL ne permettent pas de bien prédire. Cette dyslipidémie athérogène qui en résulte se caractérise par de nouveaux facteurs de risque, y compris les caractéristiques diagnostiques du syndrome métabolique, le régime alimentaire athérogène et le manque d’activité physique. Ces facteurs se combinent avec le temps pour augmenter le risque à plus long terme de MCV et sont particulièrement prédicteurs chez les femmes et les personnes plus jeunes. Le niveau de cholestérol non HDL ou le ratio CT/HDL peut être utilisé au lieu du dosage des LDL pour établir les seuils thérapeutiques et les cibles visées. Ils se calculent facilement à partir de l’analyse sérique sans être à jeun et devraient systématiquement être signalés dans les bilans lipidiques.
La dyslipidémie athérogène, une fois identifiée, exige une attention renouvelée aux mauvaises habitudes alimentaires, au manque d’activité physique et au tabagisme, étant donné que ces habitudes ont des effets considérables sur la réduction du risque. La pharmacothérapie comporte d’optimiser l’observance du traitement aux statines dont la dose est fondée sur la tolérance au médicament plutôt qu’en fonction des valeurs lipidiques ciblées. Le fénofibrate peut procurer des bienfaits additionnels si les niveaux de TG sont élevés et les niveaux de HDL sont bas. Il a été démontré que les fibrates ou la niacine pris seuls ont été bénéfiques dans les cas d’intolérance absolue aux statines.
Notes
POINTS DE REPÈRE DU RÉDACTEUR
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Les taux de mortalité de causes cardiovasculaires ont chuté de presque 40 % au cours des dernières décennies; toutefois, la prévalence grandissante de l’obésité, qui entraîne une dyslipidémie athérogène, a commencé à neutraliser ces améliorations.
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Chez les adultes, la moitié des incidents cardiovasculaires se produisent chez des patients qui n’ont pas de facteurs de risque conventionnels. Les mesures traditionnelles à court terme du risque sont influencées de manière considérable par des facteurs fixes comme l’âge et le sexe et sont moins prédictives des incidents, en particulier chez les jeunes personnes et les femmes. Les risques du patient peuvent être précisés davantage si on prend en considération le concept émergent du risque à long terme de développer des problèmes cardiovasculaires.
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Parmi les façons d’évaluer la dyslipidémie athérogène menant à un risque à long terme, on peut mentionner les scores de risque conventionnels dans le contexte du syndrome métabolique (multipliés par 1,5 pour les hommes et par 2,0 pour les femmes); l’utilisation du ratio cholestérol total/lipoprotéines de haute densité (HDL) pour calculer les seuils thérapeutiques et les cibles visées; le calcul du cholestérol non HDL à partir des résultats du bilan lipidique et la détermination des seuils thérapeutiques en ajoutant 0,8 mmol/l aux niveaux donnés pour les lipoprotéines de basse densité; ou la mesure des niveaux d’apolipoprotéines B si le patient a des facteurs de risque émergents multiples ou encore des niveaux faibles de HDL et des niveaux élevés de triglycérides.
Footnotes
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Cet article donne droit à des crédits Mainpro-M1.Pour obtenir des crédits, allez à www.cfp.ca et cliquez sur le lien vers Mainpro.
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Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the November 2013 issue on page 1169.
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré.
- Copyright© the College of Family Physicians of Canada
Références
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