En 1995, l’Organisation mondiale de la Santé1 a officiellement défini la responsabilité sociale dans le contexte de l’éducation médicale comme étant l’obligation des facultés de médecine de répondre aux besoins prioritaires en matière de santé des collectivités qu’elles desservent. Cette définition met en évidence le fait que le rôle joué par les médecins pour combler les lacunes dans la prestation des soins et l’état de santé est central à la profession. Cet énoncé a tellement de sens qu’il est presque évident en soi: une profession qui a pour rôle pivot de traiter les malades est par définition réceptive aux besoins en matière de santé. Pourquoi alors l’Organisation mondiale de la Santé1, l’Association des facultés de médecine du Canada2, de nombreuses facultés de médecine et, maintenant, le Collège des médecins de famille du Canada (CMFC)3 ont-il récemment le besoin d’accorder de l’attention à ce concept?
Regard vers l’extérieur
Au cours des dernières décennies, la formation médicale a insisté sur la compétence technique et la spécialisation. L’adoption de cette perspective tournée vers l’intérieur, quoiqu’elle ait réussi à produire des médecins compétents, pourrait être décrite comme étant centrée sur le médecin plutôt que comme une approche centrée sur la communauté et le patient dans la formation et la pratique. L’appel à la responsabilité sociale incite la profession à regarder vers l’extérieur et à examiner comment la pratique médicale peut entraîner des résultats plus significatifs en matière de santé pour les communautés.
Deux importants documents nous donnent un aperçu plus précis de l’orientation que prend l’éducation médicale. Le premier est L’Avenir de l’éducation médicale au Canada (AEMC): une vision collective pour les études médicales prédoctorales4, qui présente 10 recommandations clés s’appliquant à l’éducation médicale prédoctorale (Encadré 1)4. Le concept de la responsabilité sociale y est présent partout et sert d’assise à l’ensemble du document.
Les recommandations du volet prédoctoral du projet sur l’AEMC
Voici les recommandations concernant les études médicales prédoctorales du projet sur l’AEMC:
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AEMC—Avenir de l’éducation médicale au Canada
Données provenant de l’Association des facultés de médecine du Canada4
Le deuxième est L’Avenir de l’éducation médicale au Canada - Projet postdoctoral: une vision collective pour les études médicales postdoctorales au Canada (Encadré 2)5, qui est le fruit d’un effort de collaboration de l’Association des facultés de médecine du Canada, du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, du Collège des médecins du Québec et du CMFC. Les 2 premières recommandations—assurer un mélange judicieux, une répartition appropriée et un nombre suffisant de médecins pour répondre aux besoins de la société, et cultiver la responsabilité sociale par le biais de l’expérience acquise dans divers milieux d’apprentissage et de travail5—situent explicitement ce concept à l’avant-plan. Reconnaissant la médecine familiale et les soins primaires comme étant essentiels à la santé et au bien-être de la population, le document soutient que, pour bien répondre aux besoins des Canadiens en matière de santé, le Canada doit trouver un juste équilibre dans la répartition des effectifs entre les médecins de famille généralistes à vaste champ de pratique et les autres spécialistes, y compris les scientifiques, les enseignants et les administrateurs cliniciens. Cette recommandation est fondamentale et donne le ton au reste du document. Cultiver la responsabilité sociale exige un engagement de la part de toutes les facultés de médecine au Canada. Les programmes postdoctoraux doivent élaborer des expériences éducatives dans des milieux qui, en répondant aux besoins des populations diversifiées du Canada, font la démonstration de la responsabilité sociale exigée des médecins individuellement et collectivement. La formation postdoctorale doit se dérouler au-delà des environnements des centres hospitaliers universitaires et se rendre dans les pratiques communautaires de soins ambulatoires où sont dispensés en réalité la très grande majorité de soins de santé au Canada. Ces expériences éclaireront assurément les choix de carrières futures des médecins et serviront en définitive à créer l’agencement judicieux et la répartition des médecins de famille et des autres spécialistes dans toutes les régions du pays.
Les recommandations du volet postdoctoral du projet sur l’AEMC
Voici les recommandations concernant les études médicales postdoctorales du projet sur l’AEMC:
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AEMC—Avenir de l’éducation médicale au Canada
Données provenant de l’Association des facultés de médecine du Canada5
Générer le changement
La production des rapports sur l’AEMC fut l’étape facile. Le défi se situera dans leur mise en œuvre, étant donné que la structure, le cursus et, avant tout, la culture de la formation médicale sont lents à réagir au changement.
Parmi les efforts déployés pour créer une culture de responsabilité sociale au sein d’une faculté de médecine, on peut mentionner ceux du Collège de médecine de la University of Saskatchewan à Saskatoon. Cette faculté a décidé de former un comité qui se consacre exclusivement à la responsabilité sociale et s’emploie à intégrer ces concepts dans chaque aspect du travail à la faculté6. Ce comité utilise l’acronyme CARE pour décrire les 4 principaux domaines du travail d’une faculté de médecine: clinique, action revendicatrice, recherche et éducation. Les éléments de l’acronyme CARE servent aux travaux du comité concernant des domaines d’intérêt particuliers, comme la santé des Autochtones, la santé mondiale, la santé des immigrants et des réfugiés, et, dans les départements au sein de la faculté, à l’évaluation de la mesure dans laquelle les besoins prioritaires en matière de santé sont satisfaits; ils servent aussi à expolrer de nouveaux domaines éventuels dans lesquels s’engager.
Cette initiative s’est traduite par l’élaboration de nombreux programmes et a conduit à l’établissement de liens plus étroits avec des organisations dans la communauté. Fait intéressant, des étudiants ont pris eux-mêmes l’initiative de mettre en œuvre diverses activités allant d’une clinique interdisciplinaire sous leur direction (p. ex. l’initiative des étudiants pour le bien-être visant la santé communautaire) à un comité de représentation sur le plan politique, en passant par des groupes d’intérêt en santé de la reproduction et en soins aux aînés. Cet élan d’activité a été attribué à divers facteurs, dont l’insistance sur la responsabilité sociale à tous les niveaux au sein du Collège de médecine.
Si on a observé une certaine réussite au niveau prédoctoral, les facultés de médecine au Canada ont eu de la difficulté à intégrer des possibilités d’expérience de la pratique socialement responsable dans les programmes de résidence durant la pratique active et la formation continue. Le cadre du volet postdoctoral de l’AEMC offre un certain espoir de combler ces lacunes, mais il faudra des efforts soutenus de la part des facultés et de leurs organisations nationales.
À cette fin, le CMFC a établi un groupe de travail sur la responsabilité sociale. Ce groupe se rapporte au Comité de direction et explore comment le Collège devrait s’impliquer en ce qui a trait à la responsabilité sociale, ainsi que les besoins, les possibilités et les obstacles associés à son intégration dans la formation et la pratique en médecine familiale. Ce groupe travaille à des stratégies pour mieux incorporer ces concepts dans les programmes et les activités du CMFC. On prévoit la tenue d’un forum sur invitation en 2014 pour faire participer les membres du CMFC à la définition des orientations de cette initiative à l’avenir. Si ce sujet vous intéresse, veuillez communiquer avec le président du Groupe de travail sur la responsabilité sociale, Dr Sandy Buchman, ancien président du CMFC, à sbuchman{at}cfpc.ca, pour obtenir plus de renseignements sur les façons de vous impliquer pour rendre la médecine familiale plus socialement réceptive et responsable envers les Canadiens.
Footnotes
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Cet article a fait l’objet d’une révision par des pairs.
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This article is also in English on page 335.
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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