La dépression compte parmi les problèmes de santé chroniques les plus fréquents au Canada. Elle coûte, selon les estimations, 14 milliards de dollars chaque année en dépenses de soins de santé et en perte de productivité1. Elle cause des souffrances considérables et une plus grande vulnérabilité aux maladies physiques2,3, ainsi qu’un risque accru de suicide4. Pour alléger le fardeau que représente la dépression pour la société, il faut des données provenant de la surveillance de la santé publique (SSP) qui peuvent servir à élaborer des politiques et à améliorer les services en santé mentale.
Plus de 90 % de patients ayant reçu un diagnostic de dépression reçoivent leurs soins exclusivement de leur médecin de famille5. Les dossiers médicaux électroniques (DME) des pratiques de soins primaires constituent donc des sources précieuses de données de SSP. Grâce aux travaux facilités par le Réseau canadien de surveillance sentinelle en soins primaires (RCSSSP) des données nationales tirées des DME sur les problèmes de santé chroniques sont maintenant accessibles.
Le RCSSSP a élaboré une définition de la dépression aux fins de ses travaux dans le but d’en estimer la prévalence au cours de la vie. Un patient auquel s’applique l’un ou l’autre des éléments suivants est considéré avoir souffert de dépression: facturation pour dépression en vertu du code 296 ou 311 de la Classification internationale des maladies (CIM-9); dépression inscrite dans la liste des problèmes ou une ordonnance d’antidépresseurs consignée. Une ordonnance d’antidépresseurs accompagnée d’un diagnostic d’anxiété (code 300 de la CIM-9) n’est pas incluse6 s’il n’y a pas d’autre indication de dépression. Pour estimer la prévalence au cours de la vie sur une base annuelle dans une pratique, le nombre total de patients qui répondent aux critères est divisé par le nombre de patients qui ont visité une pratique au moins 1 fois durant la période de 12 mois. Un facteur d’ajustement est appliqué au dénominateur pour tenir compte des patients qui n’ont pas de visite inscrite au cours des 12 mois.
On peut aussi appliquer aisément cette définition aux données des DME. Le RCSSSP a estimé que la prévalence de la dépression au cours de la vie chez les Canadiens de 12 ans et plus se situait à 13,2 % en date de septembre 2012. Cet estimé est comparable à la prévalence au cours de la vie de 12,1 % calculée à la suite d’une enquête épidémiologique auprès des Canadiens de 12 ans et plus effectuée en 2001 dans la communauté7. La légère hausse dans ces estimés n’est pas surprenante, étant donné que le taux de dépression au Canada est demeuré stable8.
La définition du RCSSSP comporte des limites. D’abord, d’autres problèmes peuvent avoir été mal classifiés comme étant de la dépression, étant donné que le code 296 de la CIM-9 englobe les sous-catégories à la fois de la dépression (296,2, 296,3, 296,9) et celles des troubles de bipolarité. Par ailleurs, parce que les troubles bipolaires sont rares (2 %) dans la population en général9, l’utilisation du code à 3 chiffres augmentera minimalement les estimations de la dépression. Deuxièmement, une définition qui sert à surveiller la prévalence au cours de la vie produit probablement des renseignements moins complets pour la planification des services de santé à l’intention des personnes qui souffrent actuellement de la dépression. Une estimation du nombre de patients qui ont reçu des soins continus reliés à la dépression au cours d’une période de 12 mois pourrait remédier à cette limite. Troisièmement, les estimations de la prévalence sont influencées par le nombre d’années pour lesquelles des données sont disponibles. Il est plus probable de trouver des preuves qu’un patient a déjà souffert de dépression dans des données sur une période de 10 ans que sur une période de 2 ans. Pareillement, les pratiques qui ont récemment adopté les DME et n’y ont pas transféré leurs dossiers papier auront des chiffres relativement moins élevés parce que les données électroniques couvrent moins d’années. Étant donné la durée variable d’utilisation des DME par les pratiques, il pourrait être difficile avec la définition du RCSSSP de comparer la prévalence d’une pratique, d’une région ou d’une province à l’autre. Quatrièmement, le diagnostic de la dépression en soins primaires n’est pas standardisé. Peu de cliniciens utilisent des outils d’évaluation normalisés et ceux qui le font ont recours à divers instruments. Les seuils utilisés pour le diagnostic varient aussi selon les cliniciens. Enfin, le recours à la facturation et à d’autres données provenant des médecins pour identifier la dépression pourrait en sous-estimer la prévalence. Généralement, les DME ne contiennent que les problèmes médicaux pour lesquels les patients reçoivent un traitement et pour lesquels les médecins réclament un paiement. Les patients souffrant d’une dépression chronique mais stable qui ne discutent pas de leurs symptômes avec leur médecin ne seraient probablement pas diagnostiqués comme étant dépressifs et, par conséquent, n’apparaîtraient pas dans les estimations de la prévalence. Similairement, la structure de rémunération à l’acte qui exige un diagnostic tel que la dépression pour justifier des visites de counseling plus longues pourrait potentiellement se traduire par une surestimation de la prévalence.
Même si des progrès considérables ont été réalisés, le RCSSSP continue à améliorer l’épuration des données, le codage, l’automatisation, la transposition du savoir et l’exactitude des estimations de la prévalence. Les analyses préliminaires font valoir que la sensibilité et la spécificité des algorithmes actuels des cas de dépression sont acceptables. Ces initiatives et d’autres qu’entreprend le RCSSSP accroîtront l’utilité de sa plateforme de données et des activités de SSP pour gérer et planifier les services de santé maintenant et à l’avenir.
Acknowledgments
L’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) a financé cette publication. Les opinions exprimées ne représentent pas nécessairement celles de l’ASPC.
Notes
L’œil de la sentinelle est coordonné par le RCSSSP, en partenariat avec le CMFC, dans le but de mettre en évidence les activités de surveillance et de recherche entourant la prévalence et la prise en charge des maladies chroniques au Canada. Veuillez faire parvenir vos questions ou commentaires à Anita Lambert Lanning, gestionnaire du projet du RCSSSP, à all{at}cfpc.ca.
Footnotes
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the April 2013 issue on page 445.
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