Alors que les coupures dans les soins aux réfugiés affectent leur état de santé, la confusion qui entoure les changements au programme complique aussi l’accès aux soins pour ces patients, même ceux dont la protection est valide.
Le Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI), un programme fédéral qui offre temporairement une protection en matière de santé aux réfugiés au Canada, a fait l’objet de changements majeurs au cours de la dernière année1. Durant cette période, un programme relativement simple et complet a été remplacé par un régime dans lequel il est bien plus difficile de naviguer et qui exige du travail administratif additionnel de la part des établissements de santé qui reçoivent des réfugiés comme patients. Nous espérons que cet article aidera les professionnels de la santé à comprendre les changements aux PFSI, réduira la confusion et améliorera les résultats sur le plan de la santé pour les réfugiés et les demandeurs d’asile.
Types de couverture
Avant le 30 juin 2012, le PFSI n’avait qu’un seul genre de protection en matière de soins de santé pour toutes les catégories de réfugiés. Les services hospitaliers et médicaux étaient couverts, ainsi que certains autres bénéfices, notamment les soins dentaires et de la vue d’urgence, les vaccinations et les médicaments, semblables à ceux offerts par les régimes provinciaux d’aide sociale. Les réfugiés recevaient des prestations équivalentes à celles des personnes bénéficiant de l’aide sociale. Depuis le 30 juin 2012, il y a maintenant 3 types de couverture dans le PFSI.
La couverture des soins de santé élargis
Ce genre de protection est principalement accessible aux réfugiés pris en charge par le gouvernement2. Les réfugiés protégés par le gouvernement sont ceux dont la réinstallation initiale est prise en charge par le gouvernement du Canada3. La couverture offerte est équivalente à celle de l’ancien PFSI et, selon le site web de Citoyenneté et Immigration Canada, «le niveau de protection offert dans le cadre du PFSI pour ces [bénéfices] est semblable à celui que reçoivent les Canadiens prestataires de l’aide sociale dans le cadre de régimes publics provinciaux et territoriaux»4.
La couverture des soins de santé
Cette protection est offerte aux réfugiés parrainés par le secteur privé et aux demandeurs d’asile qui ne sont pas ressortissants de pays d’origine désignés (POD)2, qui sont des pays jugés «sûrs» et, par conséquent, d’où ne proviennent normalement pas des réfugiés. Les personnes admissibles à la «couverture des soins de santé» peuvent recevoir des services d’hôpitaux, de médecins, de laboratoires et de diagnostic. Les médicaments et les vaccins ne sont généralement pas couverts, à moins qu’ils soient nécessaires pour prévenir ou traiter une maladie qui pose des risques pour la santé ou la sécurité publiques, par exemple, des médicaments pour le VIH ou la tuberculose.
La couverture des soins de santé pour la santé ou la sécurité publiques
Ce dernier type de protection est accessible aux demandeurs d’asile refusés ou aux demandeurs venant de POD2. On compte actuellement 35 pays sur la liste et d’autres peuvent s’y ajouter à la discrétion du gouvernement fédéral5. Cette liste inclut la Hongrie qui, jusqu’à tout récemment, était l’un des principaux pays d’origine des réfugiés au Canada, ainsi que le Mexique. La liste complète se trouve à www.cic.gc.ca/francais/refugies/reforme-surs.asp5. Les demandeurs venant de ces pays ne sont pas admissibles à des visites chez le médecin, à l’hôpital ou aux médicaments à moins que ce soit pour prévenir, diagnostiquer ou traiter un très petit nombre de problèmes qui sont définis comme étant une menace à la santé ou à la sécurité publiques6. Ces problèmes incluent les maladies à déclaration obligatoire nationalement7. Toutes les maladies infectieuses ne sont pas couvertes; par exemple, une pneumonie typique acquise dans la collectivité ou une pyélonéphrite ne seraient pas couvertes. D’autres problèmes, même s’ils menacent la vie, et les visites prénatales ou l’examen des bébés bien portants, ne sont pas couverts non plus dans cette nouvelle catégorie.
Le gouvernement fédéral n’a pas précisé quelles présentations ou symptômes cliniques justifieraient une investigation pour exclure la possibilité d’une infection par un organisme transmissible (et, par conséquent, les services couverts dans la catégorie de la santé publique), même si le diagnostic éventuel n’est pas une maladie à déclarer. Par conséquent, quand vous appelez la Croix Bleue, il est important de mettre en évidence que la visite est pour investiguer une maladie transmissible possible, par exemple, évaluer la toux pour exclure la possibilité d’une tuberculose.
Les effets de la couverture réduite
Les changements au PFSI ont dramatiquement réduit la protection pour de nombreux réfugiés. Parmi les événements indésirables à cause de ces coupures figure, par exemple, une demandeuse d’asile acceptée qui a dû se rendre à l’urgence et être hospitalisée à la suite d’une crise d’asthme, alors que c’était évitable, parce qu’elle n’avait pas la couverture voulue pour payer ses bronchodilatateurs8. Parallèlement, nous sommes témoins des mauvais résultats sur le plan de la santé reliés à la confusion entourant ces nouvelles catégories de réfugiés et les différents niveaux de couverture du PFSI. Le manque de clarté et les étapes additionnelles pour naviguer dans le système se sont traduits par le refus de certains médecins de voir des réfugiés en dépit qu’ils aient une documentation et une couverture valides du PFSI pour les visites. Des enfants et des femmes enceintes sont renvoyés des cliniques même s’ils ont une protection valide8. On demande à des patients de payer leur visite sur le champ même s’ils sont couverts. Des courriels obtenus du CMAJ ont révélé que seulement 9 des 33 cliniques sans rendez-vous à Ottawa, en Ontario, acceptaient des réfugiés comme patients et, dans les cas où les réfugiés étaient vus par le médecin, on leur chargeait des frais allant jusqu’à 60 $9. Des préjudices sont causés aux réfugiés presque autant par la confusion que par les coupures elles-mêmes.
Si nous ne pouvons pas directement et immédiatement influencer les politiques fédérales, nous pouvons avoir un effet direct sur la vie des réfugiés dans nos pratiques respectives. Pour mieux traiter les réfugiés dans le cadre du système actuel, nous devons comprendre les catégories de couverture et savoir comment naviguer en conséquence dans le PFSI.
Que faire si un réfugié vient à votre clinique
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Enregistrez-vous auprès de la Croix Bleue (888 614-1880) aux fins de la facturation pour les patients couverts par le PFSI. Vous pouvez vous inscrire auprès de la Croix Bleue après avoir vu des réfugiés et facturer rétroactivement pour les patients que vous avez vus.
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Dans l’incertitude, confirmez la couverture du patient en vertu du PFSI à son arrivée à la pratique et communiquez avec la Croix Bleue (866 614-1880) pour confirmer que la visite du patient sera couverte.
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-Une fois inscrit, vous pouvez aussi obtenir un mot de passe sécuritaire et vérifier en ligne la couverture du patient par le PFSI sans avoir à téléphoner à la Croix Bleue.
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- Sachez qu’il y a eu des cas où la Croix Bleue a refusé, mais à tort, de couvrir des patients, probablement à cause de la confusion entourant leur statut.
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Les demandeurs d’asile de pays autres que les POD devraient être couverts pour les visites médicales et les services diagnostiques semblables à ceux couverts par les régimes provinciaux d’assurance-santé.
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-Les médicaments et les vaccins ne sont couverts que s’ils sont jugés nécessaires pour prévenir une menace à la santé ou à la sécurité publiques.
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Les demandeurs d’asile en provenance d’un POD ne sont couverts que si leur problème pose une menace à la santé ou à la sécurité publiques.
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-Si le but de la visite est une maladie transmissible possible, le réfugié devrait être couvert pour la visite, les diagnostics et le traitement, au besoin.
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- Quand vous parlez du cas avec la Croix Bleue, précisez la maladie transmissible que vous tentez d’évaluer en fonction du but principal de la visite.
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Un résumé des genres de couverture se trouve sur le site web de Citoyenneté et Immigration Canada à www.cic.gc.ca/francais/refugies/exterieur/resume-pfsi.asp10.
Pour offrir les meilleurs soins possible aux réfugiés dans notre régime actuel, nous devons assurer que les patients couverts reçoivent une attention médicale et qu’ils ne sont pas refusés à tort. Pour ceux qui n’ont plus d’assurance-médicaments, prescrivez des marques génériques et offrez des échantillons s’ils sont disponibles; pour ceux qui n’ont plus de couverture des soins médicaux, envisagez la possibilité de charger vos honoraires en fonction de leurs revenus et de leurs moyens. Tandis que nous continuons à faire des représentations pour faire annuler les coupures au PFSI, il importe que nous, en tant que communauté médicale, nous continuions à défendre les intérêts de nos patients comme étant des personnes qui ont besoin de soins médicaux.
Footnotes
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Cet article donne droit à des crédits Mainpro-M1. Pour obtenir des crédits, allez à www.cfp.ca et cliquez sur le lien vers Mainpro
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The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the June 2012 issue on page 605.
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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