Ces derniers mois, j’ai réfléchi à la pratique de la médecine familiale et à son sens pour moi en tant que personne et que professionnelle. Alors que je songeais au sujet de ma rubrique, j’étais sans cesse distraite par le chant des oiseaux et la lumière qui scintillait sur le lac. C’est l’été en Saskatchewan, l’un des moments que je me réserve chaque année pour m’aider à faire un juste équilibre entre ma vie personnelle et professionnelle.
Récemment, j’ai été frappée par le commentaire d’un collègue qui me disait ne plus avoir d’équilibre entre ses vacances et son travail et commencer à ressentir des répercussions familiales. Malheureusement, ce n’est pas un commentaire inhabituel venant de personnes avec qui je travaille, mais il m’a particulièrement fait réagir parce que j’étais en train de préparer une présentation sur la santé et le bien-être à l’intention d’un groupe de nouveaux résidents.
Le médecin en tant que personne
Le projet Educating Future Physicians for Ontario a été lancé dans les années 1990 pour comprendre ce que voulaient les Ontariens de leurs médecins et comment les facultés de médecine devraient changer leur formation en conséquence. Ce matériel a servi de fondement à CanMEDS et CanMEDS–Médecine familiale. Dans les travaux originaux, l’un des rôles était le médecin en tant que personne. Il insistait sur la capacité d’une personne de faire un juste équilibre entre ses rôles professionnels et personnels, de faire face au stress de la pratique médicale et de partager un peu de soi avec ses patients1. Ce concept demeure dans les rôles CanMEDS et fait aussi partie de la définition de la compétence aux fins de la Certification accordée par notre Collège2. Toutefois, je me demande si nous ne devrions pas être plus explicites dans nos discussions sur cette dimension.
La capacité de partager un peu de soi avec ses patients est un aspect important de la relation patient-médecin; nous devrions l’utiliser avec la même compétence que celle avec laquelle nous utilisons nos autres habiletés, telles que le raisonnement clinique ou les compétences techniques. Nous savons qu’il y a un équilibre délicat entre une saine ouverture aux autres et le non-respect des limites. Il est important de demeurer en santé physique et émotionnelle pour faire en sorte de s’ouvrir aux autres quand il en va du meilleur intérêt de nos patients et non pour répondre à nos propres besoins.
Là où se situe l’équilibre
Je reconnais le visage, mais j’ai oublié votre nom—parfois, après une journée particulièrement longue et difficile, c’est ainsi qu’on se sent en se regardant dans le miroir. Pour certains de nos collègues, c’est une expérience quotidienne—ils se rendent compte que leurs interactions avec les autres ne correspondent pas à la personne qu’ils sont ou veulent être. On décrit l’épuisement professionnel comme un syndrome relié au travail et caractérisé par une fatigue émotionnelle, une dépersonnalisation et des sentiments de réussite professionnelle affaiblis3. Nous souffrons d’épuisement professionnel lorsque nous sommes incapables de concilier ce que nous faisons avec ce que nous attendons de nousmêmes et ce que les autres attendent de nous3.
J’ai souvent entendu des médecins dire que ce n’est que lorsqu’ils ont changé la nature de leur pratique qu’ils ont pris conscience de l’effet de leur carrière sur eux et leur famille. Pour bon nombre d’entre eux, il a fallu des années pour se rétablir de ce genre de pratique. Ces médecins disent que personne ne devrait exercer la médecine comme ils l’ont fait. J’ai aussi vu des membres de notre profession s’inquiéter du fait que les pratiques qui sont limitées dans leur portée et leur engagement – et qu’on croit donc procurer un meilleur équilibre – ne soient pas dans le meilleur intérêt de notre discipline ou de nos patients. Je crois qu’il devrait y avoir de sérieuses discussions pour comprendre où se situe l’équilibre entre ces 2 points de vue. Par ailleurs, dans ces discussions, nous devons tenir compte de nos devoirs envers nousmêmes tout autant que de ceux que nous avons envers la société.
Dans mon programme de formation, nous orientons nos résidents vers un ensemble de ressources électroniques sur la santé et la sécurité, et ils ont au moins 4 options différentes pour obtenir de l’aide en cas de détresse physique ou mentale. Dans quelle mesure le faisons-nous pour nous-mêmes dans la pratique? Dans quelle mesure aidons-nous nos collègues à le reconnaître s’ils ont besoin d’aide et, par la suite, à accéder à cette assistance? Il existe un certain nombre de précieuses ressources à la disposition des médecins par l’intermédiaire de leur association médicale provinciale, ainsi qu’à http://e-santedesmedecins.com, un site conçu spécifiquement pour les médecins canadiens. Que vous pensiez ou non être en détresse, je vous encourage à consulter des ressources pour vous aider à rester aussi en santé que possible pour vous-même, votre famille et vos patients.
En passant…nous préconisons que tous les Canadiens aient accès à un médecin de famille. En avez-vous un?
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