Scénario clinique
Cet après-midi, un étudiant de quatrième année en médecine s’intéressant au VIH vient se joindre à vous à la clinique. La dernière fois que vous l’avez vu, vous lui avez demandé de trouver les plus récentes statistiques sur le VIH au Canada. Les taux augmentent-ils ou sont-ils en déclin? Quelles sont les tendances quant aux groupes d’âge et aux catégories d’exposition? L’étudiant vous dit qu’il a fait ses recherches. Vous remarquez un patient de 34 ans atteint du VIH dans la salle d’attente et vous vous rappelez qu’il a manqué son dernier rendez-vous. Vous suggérez à l’étudiant de voir le patient d’abord, puis vous discuterez ensuite des statistiques et du cas. Il voit donc le patient et revient dans votre bureau visiblement frustré. Il vous dit que l’homme ne suit plus ses traitements depuis au moins 2 mois. Pire encore, il semble prendre des drogues illicites. L’étudiant estime les conséquences qu’aura ce comportement sur la charge virale du patient. Quelle sera votre approche thérapeutique avec votre patient et comment pouvez-vous faire de ce cas une possibilité d’apprentissage pour votre étudiant?
L’étudiant vous signale que les taux d’infection au VIH sont en baisse au Canada. Au début des années 2000, environ 2500 cas étaient rapportés chaque année; depuis 2008, les taux connaissent un déclin graduel. En 2014, les rapports font état de 2044 cas, soit le nombre le plus bas depuis que ce bilan est produit1. La plus grande part des nouveaux cas (33 %) continue de se situer chez les 30 à 39 ans, mais la proportion des cas chez les 50 ans et plus est passée de 15 % en 2009 à plus de 20 % en 2014. Environ 75 % des nouveaux cas sont des hommes. La catégorie d’exposition la plus courante (63 %) se retrouve chez les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes. L’utilisation de drogues intraveineuses et les relations sexuelles non protégées avec des partenaires multiples représentent aussi des facteurs de risque importants1. Vous dites à votre étudiant qu’il a bien fait sa recherche et vous lui communiquez les récents objectifs ambitieux que s’est fixés ONUSIDA (le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida) pour contribuer à mettre un terme à l’épidémie de sida : 90 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur diagnostic, 90 % des personnes diagnostiquées reçoivent un traitement et 90 % des personnes sous traitement ont une charge virale supprimée2. Les efforts pour atteindre ces objectifs réduiront considérablement la transmission. Vous faites remarquer à votre étudiant qu’il sera difficile d’atteindre l’objectif de suppression du virus sans approche thérapeutique pour régler le problème fréquent de la non-conformité et qu’il pourrait être utile d’envisager le VIH comme faisant partie d’une syndémie plus large. L’étudiant vous demande ce qu’est une syndémie.
Approche thérapeutique à la syndémie de VIH
Une syndémie est une épidémie qui se caractérise par la convergence de problèmes sociaux et de santé qui agissent de manière synergique. Un résumé de récentes études de recherche démontre que les déterminants de la santé et les facteurs psychosociaux influencent fortement la possibilité d’être infecté par le VIH, la recherche d’un diagnostic et la conformité au traitement3. Parmi ces facteurs figurent les problèmes de logement, l’insécurité alimentaire, le harcèlement, la discrimination professionnelle, la dépression, la consommation abusive d’alcool et de drogues, la violence conjugale et sexuelle. Votre étudiant vous avoue que sa frustration semble soudainement très simpliste. Il se rend compte maintenant que la non-conformité est un symptôme et qu’il est nécessaire de trouver les causes sousjacentes. Sa réponse vous satisfait et vous lui demandez ce qui pourrait être en cause dans le cas présent. L’étudiant soupçonne la toxicomanie et dit qu’il pourrait aussi faire un dépistage de la dépression et d’autres facteurs, mais il se demande ce qu’il est possible de faire à propos du logement et de l’insécurité alimentaire dans une clinique de soins primaires. Vous le rassurez que l’évaluation et un aiguillage approprié sont des éléments essentiels. Un tout nouveau domaine des sciences de la mise en oeuvre s’intéresse aux agencements d’interventions sociales et médicales qui pourraient être les plus efficaces pour les personnes touchées par une syndémie3. Vous suggérez à l’étudiant, que s’il comprend la situation du patient et s’il l’aide à se sentir en sécurité et à trouver une certaine stabilité sociale, il se pourrait que le patient reprenne son traitement. L’étudiant accepte d’explorer avec tact les causes potentielles amenant le patient à ne pas se conformer au traitement et de rechercher ensuite des options de demandes de consultation.
Les prochaines étapes
La Commission ONUSIDA-Lancet a affirmé que nous ne serons pas en mesure de contrôler le VIH si nous ne réglons pas la stigmatisation, la discrimination et les autres pressions sociales et structurelles qui ont transformé l’épidémie en syndémie4. Mais, il y a lieu de rester optimistes. Des chercheurs canadiens ont récemment conclu que, grâce à des efforts concertés et ciblés, à une insistance sur les programmes et les sciences de la mise en oeuvre et à une volonté de voir et de traiter le VIH comme un problème social autant qui biomédical, la quatrième décennie de VIH au Canada pourrait bien être la dernière3.
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