Scénario clinique
« Alors, docteur, pensez-vous que nous verrons un traitement préventif de l’Alzheimer de notre vivant? » demande un homme d’âge moyen durant un examen de routine. C’est une de ces journées inhabituelles où les rendez-vous se déroulent comme prévu et la salle d’attente est presque vide. Vous décidez de prendre un moment pour lui demander en quoi cette question le préoccupe tant. Vous pensez qu’il a peut-être peur de souffrir de démence; selon ses antécédents familiaux, vous savez que sa mère a la maladie d’Alzheimer (MA). Il vous explique qu’il est chercheur et qu’il est fasciné par les données probantes préliminaires, mais convaincantes qui démontrent que la MA et les autres troubles neurodégénératifs aussi connus sous le nom de troubles de type à prion pourraient être causés par un mauvais repliement des protéines. Cette découverte ouvre la porte à de nouvelles stratégies de prévention et de traitement.
Contexte
Un prion est une protéine anormale qui cause un mauvais repliement progressif des protéines dans les tissus neurologiques chez les humains comme chez les animaux. La première maladie à prion connue fût la tremblante du mouton. Les maladies à prion chez les humains sont communément appelées la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) et peuvent être sporadiques, génétiques ou acquises. La MCJ acquise est la plus rare et la seule du type infectieux; les prions peuvent être transmis soit par voie alimentaire (provenant de l’encéphalopathie spongiforme bovine ou maladie de la vache folle) ou par contamination (habituellement lors de procédures médicales). La maladie de Creutzfeldt-Jakob est une maladie à déclaration obligatoire au plan national et a un taux de mortalité d’à peine plus d’une personne par million par année1. Il y a de plus en plus de preuves que les protéines mal repliées font partie de la pathologie sous-jacente d’autres troubles neurodégénératifs, notamment la MA, la maladie de Parkinson et la sclérose latérale amyotrophique (ou maladie de Lou Gehrig), collectivement connus sous le nom de troubles de type à prion2. La bonne nouvelle, c’est qu’il y a des progrès dans les domaines du diagnostic, de la prévention et des traitements de ces types de maladies.
Données probantes
À l’heure actuelle, un diagnostic définitif de la MCJ nécessite l’examen neuropathique des tissus cérébraux d’un patient décédé. Or, le Laboratoire national de microbiologie du Canada a travaillé avec un consortium international afin de détecter la protéine prion associée à cette maladie dans le liquide céphalorachidien des patients atteints de la MCJ2. Ainsi, nous pourrons bientôt être capables de diagnostiquer la MCJ (et un jour possiblement les autres troubles liés au mauvais repliement des protéines) chez les patients avant qu’ils meurent.
De nombreuses recherches sont effectuées dans le domaine de la prévention et du traitement des troubles liés au mauvais repliement des protéines. Une étude récente a fait connaître les résultats prometteurs d’un vaccin pour prévenir le trouble lié au prion appelé maladie débilitante chronique des cervidés chez les cerfs et les wapitis3. Des recherches en développement de produits pharmaceutiques impliquant le ciblage sélectif des anticorps des protéines mal repliées sont aussi en cours et on a réussi à bloquer les protéines de type à prion et à neutraliser leur capacité de causer de la cytotoxicité4.
Les données préliminaires indiquant que le mauvais repliement des protéines peut être un mécanisme sous-jacent non seulement de la MCJ, mais aussi d’autres troubles neurodégénératifs représentent une découverte scientifique. Elles soulèvent aussi de nouvelles questions. La maladie à prion est reconnue pour avoir de longues périodes d’incubation silencieuse, une résistance à la décontamination et un potentiel de transmission de source à la fois zoonotique et nosocomiale1. Est-ce que ces caractéristiques s’appliquent aussi aux troubles de type à prion? Actuellement, il n’existe pas de données probantes solides faisant valoir que la transmission nosocomiale des troubles liés au mauvais repliement des protéines autres que la MCJ s’est déjà produite4.
En définitive
Neil Cashman, un des plus éminents experts en maladies neurodégénératives du Canada a conclu que nous entrons dans une nouvelle ère en ce qui a trait au diagnostic et au traitement des troubles liés au mauvais repliement des protéines. Nous avons ainsi de nouvelles possibilités de traiter des maladies neurodégénératives autrefois intraitables ou peu traitables4. Sachant que la démence peut être la conséquence de plusieurs causes différentes, de nouvelles données nous permettent de croire que la prévention ou le traitement de la MA sera effectivement une chose possible de notre vivant.
Notes
RELEVÉ DES MALADIES TRANSMISSIBLES AU CANADA RMTC
Les faits saillants du RMTC font la synthèse des dernières données probantes sur les maladies transmissibles tirées de récents articles publiés dans le Relevé des maladies transmissibles au Canada, une revue révisée par des pairs publiée en ligne par l’Agence de la santé publique du Canada. Ces faits saillants ont été rédigés par la Dre Patricia Huston, médecin de famille spécialisée en santé publique et rédactrice en chef du Relevé des maladies transmissibles au Canada.
Footnotes
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the August 2015 issue on page 692.
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