Au début, ce n’est rien, ou si peu.
Une toux persistante; une petite bosse; une douleur de novo, bizarre, tenace; du sang là où il ne devrait pas y en avoir; une fatigue anormale; une perte de poids inexpliquée. Au début, la personne se dit que ce n’est rien, que cette toux va finir par passer; que cette bosse est tellement petite qu’elle est insignifiante; que du sang, il n’y en avait presque pas, à peine 2 ou 3 gouttes. Elle se dit que c’est normal d’être tellement épuisée, vu les responsabilités et le stress. Et puis, perdre quelques livres ne fera pas de tort. Au début, elle se dit que ce n’est rien et que ça va passer. Mais ça ne passe pas. Et le périple commence.
Le rendez-vous chez le médecin.
Pour en avoir le cœur net, elle prend rendez-vous. Elle demeure convaincue que ce n’est pas grand-chose, mais on ne sait jamais. Parfois même, une personne consulte, pour un examen annuel, un examen de routine, sans aucun symptôme annonciateur, même pas un petit avertissement, dans un ciel bleu. Pour cette personne, le périple commence ce jour-là.
Et là, on lui annonce que ça ne va pas.
Les tests ne sont pas normaux et il faudrait passer des examens complémentaires: une scopie, une scintigraphie, une tomodensitométrie, une résonnance, une tomographie par émission de positrons, une biopsie. Il est question de taches, de bosses, de ganglions, de cellules anormales, d’atypies cellulaires. Et bien que l’on ne parle pas de cancer et que l’on tente de la rassurer, le résultat est le même. Le diagnostic n’est pas certain, mais l’inquiétude est à son comble. À preuve, la rapidité avec laquelle on programme les examens complémentaires et les rendez-vous auprès des spécialistes. Et du jour au lendemain la personne est malade, peut-être même gravement malade. Comment cela est-il possible? On lui dit de ne pas s’en faire, qu’il existe maintenant des traitements. Que tout devrait bien aller!
Commencent alors les traitements.
La chirurgie, la chimiothérapie, la radiothérapie, la curiethérapie, l’immunothérapie, le scalpel gamma et autres. Puis elle se trouve dans un des fauteuils de l’oncologie, à recevoir les traitements selon des protocoles bien établis. Tout l’arsenal thérapeutique pour vaincre la maladie. Pour vaincre le mal. Mais surtout pour regagner la santé, le but étant ici de guérir.
L’inconnu.
Puis, arrive l’inconnu où s’entremêlent espoir et inquiétude. Une période marquée par un puissant désir de vivre. Un goût indescriptible pour la vie et pour tous les moments qu’elle nous offre. La confiance d’avoir vécu le mal et d’être passé au travers de l’épreuve. L’espoir que tout cela soit fini, que tout cela n’ait été qu’un mauvais souvenir. Mais aussi l’inquiétude: au moindre symptôme, au moindre signe, l’inquiétude que le mal ne revienne encore. Un long cheminement où rien n’est assuré. Une attente d’une durée indéterminée.
La récidive.
Puis, parfois, souvent, la maladie revient. Commencent alors les chimiothérapies de 2e et 3e intentions. Les traitements expérimentaux. Les protocoles de recherche. L’exploration de l’Internet à l’affût d’une solution miraculeuse, méconnue des spécialistes, non remboursée par le système de santé, offerte à prix fort dans un pays étranger. Et pendant ce temps, la progression de la maladie, la perte d’autonomie, les soins à domicile, la dépendance vis-à-vis des autres.
La fin.
Et puis, arrive la fin. L’évidence que la maladie ne peut ne pas être guérie. L’épuisement des aidants naturels. L’incapacité de rester à la maison. Le besoin d’aide. La demande de ne pas trop souffrir. La détermination des niveaux de soins. Le désespoir. La sédation palliative. L’aide médicale à mourir.
Le cheminement des personnes atteintes de cancer ne suit pas toujours ce tracé.
Des progrès phénoménaux ont été accomplis dans le traitement de plusieurs cancers. Il arrive que certains s’en sortent. Mais, pour la plupart, ce parcours peut s’étirer sur de nombreuses années. La maladie est tellement puissante, tellement tentaculaire, elle fait tellement peur, qu’il est rare que l’on ose parler de guérison. On parle plutôt de rémission.
Où sont les médecins de famille dans ce périple? On les retrouve principalement au début et à la fin de la maladie. Pourquoi cela? Certes, les traitements sont hautement spécialisés et dépassent la compétence de la plupart des médecins de famille. Mais pourquoi ne sont-ils pas là tout au long du cheminement de leurs patients, pour les aider, pour les conseiller, pour les guider?
Incidemment, Le Médecin de famille canadien publie ce mois-ci une série d’articles sur le cancer. Je vous conseille de lire l’étude CanIMPACT sur les expériences des patients avec la continuité des soins au Canada en page 821 Les résultats montrent l’importance d’une bonne communication et d’une relation positive avec les soignants de première ligne.
Les médecins de famille ont définitivement une place tout au long du périple des patients cancéreux.
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