Scénario
« Il avait quoi comme diagnostic? » Vous n’en croyez pas vos oreilles.
« La rage », répond votre collègue qui vous raconte une anecdote de ses vacances en famille l’été dernier dans l’Est canadien. « Bien oui, en revenant à la maison un après-midi, nos voisins ont trouvé leurs 2 chiens qui encerclaient un raton laveur dans la cour. Ils ont tué et enterré le raton. Mais, parce que c’était étrange qu’un raton confronte 2 chiens au beau milieu d’une chaude journée d’été, son corps a par la suite été exhumé et les tests ont révélé qu’il avait la rage. » Ce n’est pas rare de nos jours. Entre janvier 2015 et mars 2016, 2 douzaines de ratons laveurs et 1 mouffette, tous atteints de la rage, ont été détectés dans la région du sud-ouest du Nouveau-Brunswick1. « Et ce n’est pas le pire, ajoute votre collègue. La rage ne se limite pas seulement aux régions rurales. En décembre 2015, des ratons laveurs porteurs de rage ont commencé à faire leur apparition autour d’Hamilton en Ontario. On en a aussi trouvé dans le Sud québécois. La rage chez les animaux terrestres émerge à nouveau dans l’Est canadien. »
Données probantes
À la fin des années 2000, l’Ontario, le Québec et le Nouveau-Brunswick avaient éradiqué la souche de la rage du raton laveur grâce à d’excellents programmes de surveillance, de détection précoce et de distribution aérienne d’appâts contenant des vaccins oraux. Toutefois, comme bien des programmes efficaces, une fois les buts atteints, ces programmes cessent progressivement. Mais la rage chez les ratons laveurs a persisté aux États-Unis et a migré vers le nord. Des cas sporadiques ont été observés au Nouveau-Brunswick en 2014, ainsi qu’en Ontario et au Québec en 2015, et le nombre de cas est à la hausse. Heureusement, les programmes de prévention et de contrôle de la rage chez les ratons laveurs ont été réinstaurés1.
Malheureusement, les ratons laveurs ne sont pas les seuls porteurs de la rage. Il existe aussi au Canada des souches endémiques de la mouffette dans l’Ouest, notamment au sud du Manitoba et de la Saskatchewan, et des cas chez les animaux y sont diagnostiqués chaque année. Par ailleurs, les causes les plus fréquentes de rage chez l’humain au Canada sont attribuables aux souches du virus chez la chauve-souris. Entre 2000 et 2010, les 3 cas de rage acquise au pays chez l’humain étaient tous dus aux morsures de chauvesouris2. Le Comité consultatif national de l’immunisation recommande des mesures prophylactiques contre la rage à la suite d’un contact direct avec une chauvesouris lorsqu’il n’est pas possible d’exclure une morsure, une égratignure ou l’exposition d’une lésion ou d’une membrane muqueuse à la salive d’une chauve-souris. Les morsures infligées par une chauve-souris peuvent ne pas être ressenties ou laisser de marques visibles2. Les renards polaires porteurs de rage menacent aussi les personnes et les chiens des communautés nordiques. Depuis 2012, il s’est produit 3 incidents dans lesquels des chiots nés dans le Nord et adoptés par des gens de centres urbains dans le Sud ont subséquemment développé la rage3.
Un des aspects intrigants à propos du virus de la rage se situe dans sa longue période d’incubation, notamment de 3 à 12 semaines en moyenne. Ainsi, si un animal domestique est mordu par un autre porteur de la rage, il peut bien se porter pendant quelques mois. Les premiers signes de la rage sont notoirement non spécifiques et peuvent inclure la léthargie, par exemple. L’état peut progresser en quelques jours et l’animal montrera des signes de dysfonction cérébrale, comme l’ataxie, la faiblesse, une déglutition difficile, une salivation excessive et un comportement anormal. Une fois qu’apparaissent les symptômes, la rage est invariablement fatale.
En définitive
La rage refait son apparition au Canada à titre de risque de santé publique pour les animaux et les personnes4. Il faut signaler aux autorités de la santé publique tout animal qui a mordu un humain ou est soupçonné d’avoir la rage, que l’on sache ou non si la rage terrestre est présente dans la région. Une prophylaxie sans délai après l’exposition peut sauver la vie.
Les gens ont tendance à sous-estimer le risque de rage lorsqu’ils voyagent. Le Comité consultatif national de l’immunisation recommande que les personnes envisagent de se faire immuniser contre la rage avant de voyager dans des pays où la rage est endémique2. L’Organisation mondiale de la Santé a une carte des régions où se produit la transmission de la rage5. Les enfants, surtout ceux qui sont trop jeunes pour comprendre la nécessité d’éviter les animaux ou de signaler un contact traumatique, sont considérés plus à risque d’exposition à un animal porteur de rage et devraient être immunisés avant de voyager vers des régions endémiques2.
Notes
RELEVÉ DES MALADIES TRANSMISSIBLES AU CANADA RMTC
Les faits saillants du RMTC font la synthèse des dernières données probantes sur les maladies transmissibles tirées de récents articles publiés dans le Relevé des maladies transmissibles au Canada, une revue révisée par des pairs publiée en ligne par l’Agence de la santé publique du Canada. Ces faits saillants ont été rédigés par la Dre Patricia Huston, médecin de famille spécialisée en santé publique et rédactrice en chef du Relevé des maladies transmissibles au Canada.
Footnotes
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the June 2016 issue on page 491.
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