Scénario
Votre épouse (également médecin de famille) est bien installée au salon à se mettre à jour dans ses lectures lorsque vous l’entendez dire : « Je me suis toujours demandé ce que c’était ». Vous lui demandez de quoi elle parle. « La phylogénétique. C’est du travail de détective hautement technologique. C’est l’analyse des petits changements génétiques que subissent les virus et les bactéries dans le but de tracer le plan de leur origine. »
« Vraiment? lui répondez-vous, pas certain de savoir comment ce truc fonctionne. Et à quoi cela sert-il? »
« Eh bien, cet article décrit comment la phylogénétique a servi à identifier la source des cas de rougeole au Canada l’année dernière. C’est comme un test de paternité. Si vous vous doutez d’où viennent les cas de rougeole, vous faites des tests génétiques pour confirmer ou exclure vos suspicions. » Vous vous asseyez avec elle pour en lire plus.
Données probantes
Phylo désigne une race, une tribu ou un groupe apparenté. Une figure phylogénétique ressemble beaucoup à un arbre généalogique1. Les racines de l’arbre représentent la lignée ancestrale et les branches montrent les descendants de cet ancêtre. Quand vous montez des racines à la cime, vous avancez dans le temps. La Figure 1 illustre l’arbre phylogénétique de la rougeole au Canada en 20152.
La zone en jaune représente un groupe (génotype B3 de la rougeole) endémique en Afrique qui a développé de nouvelles lignées (ou branches) aux États-Unis. La zone en vert représente un génotype relié à la Chine et celle en bleu, un génotype relié à l’Inde. Cette représentation a été établie par le Laboratoire national de microbiologie qui a examiné le séquençage spécifique des nucléotides des spécimens du virus envoyés aux fins d’analyse. Le Laboratoire a ensuite fait parvenir ces renseignements à l’Organisation mondiale de la Santé, qui maintient une base de données sur les nucléotides de la rougeole3. La zone en turquoise représente une nouvelle lignée dans le génotype D4. Il y a eu 17 cas au Canada venant de cette « nouvelle branche de l’arbre généalogique ». La phylogénétique a fourni la preuve génétique que ces cas étaient reliés, même si des liens ne pouvaient pas être établis à partir des investigations en santé publique et si la véritable source n’a jamais été trouvée4.
La rougeole demeure l’une des infections les plus contagieuses sur la planète et elle est endémique dans de nombreux pays, comme l’Inde et la Chine5. Pour maintenir le statut de pays ayant éradiqué la rougeole, le Canada a besoin de rapports phylogénétiques pour documenter le fait que les quelques cas que nous avons chaque année sont, à répétition, des cas associés à des voyages plutôt qu’à une transmission locale soutenue. Tous les médecins de famille peuvent aider le Canada à maintenir ce statut de rougeole éradiquée en procédant rapidement au diagnostic : demander les antécédents de voyages à toute personne souffrant de fièvre et d’une éruption cutanée, et vérifier les 4 signes annonciateurs, soit la toux, la rhinite, la conjonctivite et les taches de Koplik.
En résumé
La phylogénétique est fascinante en ce sens qu’elle documente l’évolution ou les minuscules changements génétiques chez les virus et les bactéries, et ce, presque en temps réel. Elle sert de plus en plus à approfondir notre compréhension de toutes les maladies infectieuses.
Notes
RELEVÉ DES MALADIES TRANSMISSIBLES AU CANADA RMTC
Les faits saillants du RMTC font la synthèse des dernières données probantes sur les maladies transmissibles tirées de récents articles publiés dans le Relevé des maladies transmissibles au Canada, une revue révisée par des pairs publiée en ligne par l’Agence de la santé publique du Canada. Ces faits saillants ont été rédigés par la Dre Patricia Huston, médecin de famille spécialisée en santé publique et rédactrice en chef du Relevé des maladies transmissibles au Canada.
Footnotes
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the August 2016 issue on page 639.
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