La migraine est une céphalée primitive pouvant affecter sérieusement la qualité de vie des enfants et des adultes1. Dans une revue de 64 études transversales menées dans 32 pays et totalisant plus de 200 000 sujets, la prévalence de la migraine chez les enfants et les adolescents âgés d’au plus 20 ans serait de 9,1 %. La migraine est plus fréquente chez les femmes, avec une prévalence de 10,5 % comparativement à 7,6 % chez les hommes1.
La migraine survient avec ou sans aura2. La migraine avec aura se caractérise par des symptômes neurologiques focaux transitoires qui précèdent habituellement, mais accompagnent aussi parfois la céphalée, tels que : vision brouillée, scotome scintillant (lignes en zigzag), scotome, picotements, engourdissement ou trouble de la parole2. Les céphalées sont habituellement récidivantes, unilatérales, pulsatiles et aggravées par l’activité normale comme la marche ou la montée d’escaliers. Les symptômes connexes sont les suivants : nausée, vomissements, photophobie ou phonophobie. Chez les enfants cependant, les symptômes seraient atypiques : la céphalée est plus souvent bilatérale et les parents pourraient déduire la présence de photophobie et phonophobie chez les jeunes enfants d’après leur comportement2. La norme des critères diagnostiques de migraine est clinique et se base sur la Classification internationale des céphalées, 3e édition2.
La prise en charge de la migraine consiste à éviter les déclencheurs connus (aliments, privation de sommeil, déshydratation, etc.), à administrer des médicaments abortifs contre la céphalée aiguë et à envisager la prophylaxie contre les céphalées fréquentes3,4. Les options de médicaments abortifs sont l’acétaminophène, l’ibuprofène, le naproxène, les triptans et les antagonistes dopaminergiques4.
Certaines lignes directrices proposent d’envisager la prophylaxie chez les enfants qui souffrent de plus de 3 crises migraineuses par mois et chez ceux qui sont considérablement affectés par les migraines5. Les catégories des agents utilisés en prophylaxie sont les nutraceutiques (coenzyme Q10, riboflavine, magnésium), les inhibiteurs des canaux calciques ou β-bloquants, les antidépresseurs (amitriptyline) et les anticonvulsivants, y compris le valproate, le lévétiracétam ou le topiramate6.
Le topiramate en prévention de la migraine
Le topiramate préviendrait la migraine en inhibant les canaux sodiques, en augmentant le débit de chlorure induit par l’acide γ-aminobutyrique, et en inhibant le glutamate et l’anhydrase carbonique6. Le topiramate a reçu l’homologation officielle de Santé Canada et de la FDA en prophylaxie de la migraine chez les adultes3,7,8. En 2014, le topiramate a aussi été le premier médicament à recevoir l’homologation de la FDA en prévention de la migraine chez les adolescents de 12 à 17 ans8.
Efficacité du topiramate
Dans une étude menée auprès de 100 enfants iraniens de 5 à 15 ans atteints de migraines et traités par le topiramate (3 mg/kg par jour) depuis 3 mois, une réduction de 50 % de la fréquence mensuelle des céphalées a été observée chez 74 % des enfants9. La fréquence mensuelle des céphalées a chuté, passant d’une moyenne (ET) de 15,34 (7,28) à 6,07 (3,16) crises; l’intensité des céphalées est passée de 6,21 (1,74) à 3,15 (2,22); et la durée des céphalées est passée de 2,28 h (1,55) à 0,94 h (0,35) (toutes des valeurs significatives, valeur p < 0,05). Le score à l’échelle PedMIDAS (Pediatric Migraine Disability Assessment) est passé d’une moyenne (ET) de 32,48 (9,33) à 15,54 (6,16) (p < 0,05). Les effets indésirables, y compris l’hyperthermie, l’anorexie, la perte pondérale et la somnolence, ont été observés chez 21 % des patients et sont disparus en 1 ou 2 semaines. Bien que les résultats soient prometteurs, l’étude était dépourvue d’un groupe témoin nécessaire à la comparaison.
Topiramate par rapport à un placebo
Plusieurs essais randomisés contrôlés ont comparé l’efficacité du topiramate à celle du placebo dans la prévention de la migraine chez les enfants. Parmi 44 enfants indiens de 8 à 14 ans, la baisse de la fréquence mensuelle moyenne des migraines entre le départ et 4 mois de traitement était significativement plus marquée dans le groupe sous topiramate (100 mg/j) que dans le groupe sous placebo (p = 0,025)10. Une réduction d’au moins 50 % des jours de migraine par mois a été observée chez 95 % des sujets du groupe topiramate comparativement à 52 % des sujets du groupe placebo (p = 0,002). La réduction du score PedMIDAS et de l’absentéisme scolaire était aussi significative (p < 0,05). Les effets indésirables signalés dans le groupe topiramate étaient : perte pondérale, perte d’appétit, baisse de la concentration à l’école, paresthésie, sédation et douleur abdominale. La plupart de ces effets indésirables n’ont pas entraîné l’abandon du traitement ni la perturbation des activités quotidiennes.
Une étude multicentrique menée aux États-Unis (É.‑U.) a donné lieu à des résultats contradictoires lors de la comparaison de l’amitriptyline (1 mg/kg par jour), du topiramate (2 mg/kg par jour) et d’un placebo chez 328 enfants et adolescents de 8 à 17 ans souffrant de migraine11. La proportion des enfants ayant présenté une baisse de 50 % de la fréquence des migraines entre le point de départ et les 28 derniers jours d’un essai de 24 semaines était de 55 % dans le groupe topiramate par rapport à 52 % dans le groupe amitriptyline et par rapport à 61 % dans le groupe placebo (p = 0,48), et aucune différence significative n’a été observée entre les groupes topiramate et placebo en ce qui a trait à l’invalidité causée par les céphalées, le nombre de jours de céphalée ou le pourcentage de patients ayant terminé la période de traitement de 24 semaines. Les effets indésirables rapportés dans le groupe topiramate étaient une paresthésie et une perte pondérale.
Le topiramate par rapport à d’autres agents
Plusieurs études ont comparé l’efficacité du topiramate à celle d’autres médicaments utilisés en prophylaxie contre la migraine.
Une étude menée auprès de 48 enfants qui suivaient un traitement contre les céphalées par le topiramate (2 mg/kg) ou le valproate sodique (15 mg/kg)12 a fait ressortir des différences significatives dans la réduction de la fréquence, l’intensité et la durée mensuelle moyenne des migraines, et le score PedMIDAS après un traitement par les 2 agents (p < 0,05), mais les résultats n’ont pas significativement varié entre le topiramate et le valproate sodique.
Une étude rétrospective a été menée en Corée du Sud auprès de 261 enfants et adolescents de 6 à 18 ans qui recevaient le topiramate (1 mg/kg par jour) ou la flunarizine (5 mg/j) depuis au moins 3 mois après avoir reçu un diagnostic de migraine13. La proportion des enfants ayant présenté une réduction d’au moins 50 % des jours de migraine par mois était comparable entre les groupes (81 c. 80 % respectivement; p = 0,71). Des troubles de somnolence, de paresthésie, de déficit de la mémoire ou du langage et d’anorexie ont été observés chez 10 % des enfants du groupe topiramate, alors que 6 % des enfants sous flunarizine ont présenté un gain pondéral, de la somnolence et des étourdissements. Les effets indésirables étaient légers et transitoires dans les 2 groupes.
Deux études menées en Iran ont comparé l’efficacité du topiramate à celle du propranolol. La première étude comptait 100 enfants de 5 à 15 ans qui avaient reçu le topiramate (3 mg/kg par jour) ou le propranolol (1 mg/kg par jour) pendant 3 mois14. Parmi les enfants du groupe topiramate, 82 % ont obtenu une réduction d’au moins 50 % de la fréquence mensuelle des migraines comparativement à 62 % des enfants du groupe propranolol, ce qui laisse croire que le topiramate (p = 0,02) serait plus efficace que le propranolol en prophylaxie de la migraine chez les enfants. Les 2 médicaments ont été efficaces pour réduire la fréquence, l’intensité et la durée des céphalées mensuelles, de même que le score PedMIDAS. Les 2 médicaments ont été liés à des effets indésirables légers et transitoires, lesquels sont survenus chez 18 % des sujets du groupe topiramate (hyperthermie, anorexie, perte pondérale et somnolence) et chez 10 % des sujets du groupe propranolol (hypotension et étourdissements) (p = 0,249). Une autre étude ayant comparé le topiramate au propranolol auprès d’enfants de 3 à 15 ans a conclu que les 2 agents étaient efficaces pour réduire la fréquence, l’intensité et la durée des céphalées (p = 0,001), mais n’a pas donné lieu à des différences significatives dans les résultats entre les groupes (p > 0,05)15.
Finalement, un vaste essai multicentrique, randomisé et contrôlé ayant comparé le topiramate à l’amitriptyline n’a pas donné lieu à des différences significatives entre les 2 agents pour ce qui est de la proportion des enfants ayant obtenu une réduction d’au moins 50 % du nombre de jours de céphalées par rapport au point de départ (55 % pour le topiramate et 52 % pour l’amitriptyline; p = 0,49), et aucune différence entre l’un ou l’autre des médicaments et le placebo11. Les paramètres d’évaluation secondaires étaient également comparables dans les 3 groupes à l’étude.
Innocuité et tolérabilité
Le topiramate est doté d’un bon profil d’innocuité. Parmi des participants de 12 à 65 ans de plusieurs pays, les manifestations indésirables proportionnelles à la dose associées au topiramate étaient les suivantes : paresthésie, fatigue, nausée et troubles de concentration16. La plupart des abandons en raison de ces effets ont eu lieu durant la phase d’ajustement de la dose (23 %) comparativement à la phase d’entretien (5 %), ce qui laisse croire que ces symptômes sont transitoires.
La paresthésie est fréquente chez les patients sous topiramate contre la migraine et l’épilepsie. Deux études ont cependant rapporté que les patients migraineux avaient plus tendance que les patients épileptiques à rapporter la paresthésie17,18.
Le topiramate perturbe aussi la fonction neurocognitive. Une étude menée aux É.‑U. a analysé ces effets à l’aide du test Cambridge Neuropsychological Test Automated Battery et a rapporté que le topiramate (100 mg/j) contre la migraine était lié à une légère hausse du score, ce qui indique un ralentissement par rapport au point de départ comparativement au placebo pour 3 mesures du test : temps de réaction à 5 choix (p = 0,028), perméabilité correcte moyenne de la mémoire de reconnaissance des formes (p = 0,027) et latence moyenne du traitement rapide de l’information visuelle (p = 0,040)19. Parmi les autres effets indésirables cognitifs et neuropsychiatriques courants, mentionnons l’anorexie, l’insomnie et les étourdissements. Les fonctions d’apprentissage, de mémorisation et de fonction exécutive étaient intactes.
Dose appropriée de topiramate
Plusieurs études ont cherché à déterminer la dose la plus efficace et la plus sûre de topiramate en prophylaxie de la migraine chez les enfants. Une étude rétrospective menée aux É.‑U. a rapporté que la plupart des effets indésirables sont survenus chez les enfants et les adolescents qui prenaient des doses de topiramate de plus de 2 mg/kg par jour20. Des résultats semblables ont aussi été observés dans une étude prospective subséquente menée en Iran21. La fréquence, l’intensité et la durée de la migraine après le traitement n’étaient pas statistiquement différentes entre les enfants sous une dose de topiramate de moins de 2 mg/kg par jour et ceux sous une dose de plus de 2 mg/kg par jour.
Une étude ayant comparé les doses de 100 mg/jour et de 50 mg/jour de topiramate en prophylaxie de la migraine a donné lieu à une réduction statistiquement significative du taux mensuel de crises de migraine et du nombre total de jours de migraine par mois chez les adolescents sous le topiramate à 100 mg/jour comparativement au placebo; ces résultats n’étaient pas différents entre les sujets sous le topiramate à 50 mg/jour comparativement au placebo22. Finalement, une étude ayant comparé les doses de 100 et de 200 mg/jour de topiramate n’a donné lieu à aucune différence entre les 2 doses, mais a observé que les 2 doses étaient significativement plus efficaces sur le plan statistique que le placebo en ce qui a trait à la fréquence mensuelle moyenne des migraines23. Ensemble, ces études laissent croire que si le topiramate est administré, la dose cible doit être de 100 mg/jour.
Conclusion
Bien que le topiramate ait reçu l’homologation en prophylaxie de la migraine au Canada et aux É.‑U., son emploi chez les adolescents de 12 à 17 ans est auto-risé aux É.‑U. seulement. Alors qu’un certain nombre d’études ont rapporté que le topiramate est efficace en prophylaxie de la migraine, il pourrait être tout aussi efficace que d’autres agents administrés en prophylaxie, et un essai randomisé et à double insu mené récemment laisse croire qu’il n’est pas plus efficace qu’un placebo. Les effets indésirables sont habituellement légers et disparaissent au fil du temps. La posologie recommandée de topiramate ne doit pas dépasser 2 mg/kg ou 100 mg par jour afin d’éviter les effets indésirables.
Notes
PRETx Pediatric Research in Emergency Therapeutics
Cette Mise à jour sur la santé des enfants est produite par le programme de recherche en thérapeutique d’urgence pédiatrique (PRETx à www.pretx.org) du BC Children’s Hospital à Vancouver, en Colombie-Britannique. Les Drs Sakulchit et Meckler sont membres du programme PRETx et le Dr Goldman en est le directeur. Le programme PRETx a pour mission de favoriser la santé des enfants en effectuant de la recherche fondée sur les données probantes en thérapeutique dans le domaine de la médecine d’urgence pédiatrique.
Avez-vous des questions sur les effets des médicaments, des produits chimiques, du rayonnement ou des infections chez les enfants? Nous vous invitons à les poser au programme PRETx, par télécopieur, au 604 875-2414; nous y répondrons dans de futures Mises à jour sur la santé des enfants. Les Mises à jour sur la santé des enfants publiées sont accessibles dans le site web du Médecin de famille canadien (www.cfp.ca).
Footnotes
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Intérêts concurrents
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Références
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