Le Réseau canadien de surveillance sentinelle en soins primaires (RCSSSP) maintient une base de données informatisée sur la santé qui contient maintenant les données des dossiers médicaux électroniques (DME) de plus de 1 million de patients, fournies par 1000 médecins sentinelles utilisant 12 produits différents de DME. Cette base de données a pour but de servir de plateforme nationale pour la surveillance, la recherche, l’évaluation et l’amélioration de la qualité de la pratique. Par exemple, le RCSSSP peut cerner les patients atteints de diabète en analysant les codes CIM-9, les listes de médicaments et les résultats des analyses de laboratoire pour créer une définition validée de cas de diabète pouvant servir à signaler les estimés de la prévalence nationale1,2. Le RCSSSP crée des registres synoptiques des maladies chroniques au moyen des informations contenues dans les DME des cliniques en épurant, en codant et en calculant les variables dérivées, qui sont ensuite communiqués aux médecins et cliniques participants. La création d’un registre des maladies est le fondement de l’amélioration de la qualité dans une clinique et, à cet égard, le RCSSSP est précieux aux yeux des cliniques qui ont une « faible discipline sur le plan des données »3.
Le RCSSSP est aussi capable d’analyser les données longitudinales, dont certaines ont été recueillies avant 2006, afin de faire ressortir les changements avec le temps. Les données longitudinales fournissent des renseignements qui peuvent servir à prédire les résultats cliniques et à créer des outils d’aide à la décision clinique (analyse prédictive). L’analyse prédictive, un sujet de grand intérêt dans le monde de la technologie de l’information sur la santé, utilise des techniques d’exploration des données, comme l’apprentissage automatique, l’analyse statistique et la modélisation, pour déterminer les tendances et les relations subtiles au sein des données, puis infère des règles qui révéleront des liens complexes et autrement invisibles dans de grandes quantités de données4.
Par exemple, ne serait-il pas utile d’être capables de dire aux patients quel est leur risque à 5 ans de développer un diabète, comme c’est le cas avec le risque cardiovasculaire? À l’aide des données longitudinales, les chercheurs du RCSSSP sont en mesure de dégager des variables associées avec le développement du diabète, comme l’augmentation de l’hémoglobine A1c à des taux qui ne sont pas encore anormaux, des changements pondéraux et les schémas de prescription. Ces variables pourraient servir à leur tour à élaborer des alertes informatisées ou des rappels dans le coin d’un DME qui signaleraient le risque à 5 ans du patient de développer le diabète. Cette information sur le risque pourrait favoriser un dialogue entre les patients et leurs médecins et contribuer à motiver les patients à apporter des changements à leur mode de vie susceptibles de réduire leur risque de diabète.
Un autre exemple de la puissance des données longitudinales a été remarqué dans l’une de nos cliniques. Un patient âgé a développé un cancer du côlon et, à la suite de l’examen des données de son dossier, on a remarqué que son volume corpusculaire moyen (VCM) avait fléchi sur une période de 2 ans, laissant présager une perte de sang constante due au cancer. Un VCM à la baisse chez une personne âgée devrait-il lancer un signal au médecin? Par le passé, sans un accès direct aux données sur les soins primaires, il aurait été difficile de répondre à cette question. Maintenant, grâce à l’accès à de telles données et à la capacité de faire des liens avec les bases de données provinciales, on peut et on devrait répondre à cette question. Si la tendance à la baisse du VCM est considérable, un outil d’aide à la décision peut être mis au point dans les DME et alerter le professionnel de la santé de manière appropriée.
Ces scénarios de « laboratoire au chevet du patient » illustrent les façons dont les données longitudinales en soins primaires peuvent alimenter les analyses prédictives et se traduire par des interventions concrètes sous forme d’outils d’aide à la décision clinique. La production de modèles de prédiction à l’aide d’une vaste base de données comme celle du RCSSSP permettra de mieux comprendre les populations de patients et d’habiliter les médecins de soins primaires à cerner et atténuer les risques dans ces populations.
Remerciements
L’Agence de la santé publique du Canada a financé cette publication. Les opinions exprimées ne représentent pas nécessairement celles de l’Agence de la santé publique du Canada.
Notes
L’œil de la sentinelle est coordonné par le RCSSSP, en partenariat avec le CMFC, dans le but de mettre en évidence les initiatives de surveillance et de recherche entourant la prévalence et la prise en charge des maladies chroniques au Canada. Veuillez faire parvenir vos questions ou commentaires au Dr Richard Birtwhistle, président du RCSSSP à richard.birtwhistle{at}dfm.queensu.ca.
Footnotes
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