Les arachides sont souvent interdites dans les écoles afin de prévenir l’anaphylaxie déclenchée par cet aliment chez les enfants qui lui sont allergiques. Par ailleurs, la probabilité d’une réaction en milieu scolaire est faible et il n’a pas été démontré que l’interdiction des arachides dans les écoles prévenait les réactions allergiques alimentaires. Par conséquent, les arachides devraient être permises dans les écoles.
Risques et solutions de rechange
Il est improbable que l’exposition à des arachides en milieu scolaire cause une réaction à moins que l’arachide soit ingérée.
Les expositions accidentelles aux arachides à l’école sont très rares. À la suite d’une enquête auprès de 252 enfants allergiques aux arachides, on a constaté qu’il s’était produit 35 expositions accidentelles, dont seulement 1 en milieu scolaire (même si seulement 20 % de ces enfants fréquentaient des écoles où les arachides étaient permises)1. D’autres études ont signalé un phénomène semblable selon lequel la plupart des expositions accidentelles se produisaient à la maison, dans les restaurants, ou chez des amis ou des proches2,3.
La contamination aux arachides dans les environnements scolaires, à un degré suffisant pour provoquer une réaction, est faible. Une étude portant sur 6 maternelles et écoles (dont 3 permettaient les arachides, 2 interdisaient les arachides aux tables et 1 était sans arachides) n’a trouvé aucune protéine d’arachides détectable dans 36 aires de repas et sur 22 pupitres, y compris les endroits où des arachides avaient été consommées4.
De plus, il a aussi été démontré que le type d’exposition aux arachides susceptible de se produire dans les écoles (p. ex. exposition cutanée ou par inhalation) ne causerait probablement pas de réaction grave chez les enfants allergiques aux arachides. Lors d’une étude dans laquelle 30 enfants gravement allergiques aux arachides ont été exposés au beurre d’arachides, soit par contact avec la peau intacte ou par inhalation, aucune réaction systémique ne s’est produite5. Dans une autre étude, on n’a trouvé aucune protéine d’arachides détectable dans l’air dans des situations qui surpasseraient de loin l’exposition typique à des arachides dans une école, y compris après que des bénévoles eurent dansé sur un plancher jonché d’arachides dans une salle mal aérée4. Aucune réaction anaphylactique par contact salivaire à des arachides n’a été documentée dans une école6.
Ces études corroborent la notion selon laquelle l’exposition aux arachides dans les écoles, à moins que les arachides ne soient ingérées, ne causera probablement pas de réaction.
Les politiques d’interdiction des arachides n’atteignent pas l’objectif de prévention des réactions systémiques.
Une étude sur les réactions aux arachides n’a signalé aucune différence significative dans les taux d’expositions accidentelles qui se sont produites dans les écoles qui interdisaient les arachides par rapport à celles qui les permettaient (4,9 %, IC à 95 % de 3,3 à 7,1 %, c. 3,0 %, IC à 95 % de 1,8 à 4,8 %)3.
Même dans les écoles sans arachides, il y a une certaine exposition à cet aliment, qui pourrait expliquer partiellement le risque persistant, en dépit des politiques qui visent à limiter les expositions. Une étude se penchant sur les directives d’interdiction des arachides a signalé une réduction, mais non une élimination, des arachides dans les lunchs, dans les écoles ayant de telles politiques7. Dans cette étude, 5 des 861 lunches dans les écoles ayant une politique interdisant les arachides contenaient encore des arachides. Il est même probable que cette statistique soit artificiellement faible, parce que les parents dans cette étude avaient accepté les inspections des repas et de répondre aux questionnaires.
Il a été proposé comme hypothèse que les politiques d’interdiction des arachides créent un faux sentiment de sécurité parce que les familles croient que le partage d’aliments est sécuritaire et qu’on pourrait observer des niveaux de vigilance moins élevés3.
Des politiques plus efficaces pourraient prévenir une réaction grave chez les enfants allergiques aux arachides.
L’encouragement à bien se laver les mains est très efficace pour prévenir une exposition accidentelle aux arachides. Des études ont démontré que se laver les mains avec n’importe quel agent de nettoyage, sauf les désinfectants à base d’alcool, enlèvera toutes les protéines d’arachides sur les mains4. Une politique interdisant le partage d’aliments partout dans l’école préviendrait une ingestion accidentelle d’arachides. De plus, la plupart des réactions qui se produisent à l’école arrivent ailleurs qu’à la cafétéria. Par exemple, selon un registre national des incidents liés aux arachides et aux noix aux États-Unis, 79 % des réactions en milieu scolaire se sont produites en salle de classe et seulement 12 % à la cafétéria8. La plupart de ces réactions étant associées à des bricolages (comme des mangeoires à oiseaux contenant du beurre d’arachides), l’élimination de tels projets avec des arachides pourrait aussi se révéler une intervention utile.
Traitement des réactions.
Il est tout aussi important de se préoccuper du traitement des réactions lorsqu’elles se produisent. Des études sur les mortalités dues à l’anaphylaxie ont clairement documenté que le risque est relié à l’omission d’utiliser l’épinéphrine9. Il serait primordial d’assurer que le personnel scolaire soit capable de prendre en charge l’anaphylaxie de manière appropriée dans les écoles, au moyen d’un auto-injecteur d’épinéphrine. Un sondage auprès des infirmières scolaires dans 73 établissements aux États-Unis a révélé que 53 % des écoles à l’étude n’avaient aucune politique concernant la prise en charge de l’anaphylaxie et que 38 % des infirmières scolaires étaient réticentes à administrer de l’épinéphrine en cas d’urgence10. Il est essentiel de veiller à ce que l’épinéphrine soit accessible et que le personnel soit à l’aise de l’utiliser. Une telle politique serait certainement bien plus importante pour prévenir des réactions menaçantes pour la vie des enfants allergiques aux arachides qu’une politique d’interdiction de cet aliment.
Conclusion
Il est improbable que l’exposition aux arachides dans les écoles, à moins que les arachides ne soient ingérées, cause une réaction. De plus, aucune différence significative n’a été observée entre le pourcentage des expositions accidentelles à des arachides dans les écoles qui les interdisent et celui des écoles où elles sont permises. D’autres politiques, comme celles portant sur le lavage approprié des mains et sur l’interdiction du partage des aliments, pourraient être tout aussi efficaces. En outre, nous devrions plutôt nous concentrer sur une bonne éducation quant à la façon de reconnaître et de traiter les réactions allergiques lorsqu’elles se produisent.
Les arachides comptent parmi de nombreux autres allergènes courants. De fait, un sondage portant sur 132 enfants a révélé que le lait était la cause la plus fréquente des allergies alimentaires chez les enfants11. Il n’est peut-être pas possible d’éliminer tous les allergènes déclencheurs dans les écoles fréquentées par des enfants allergiques. Par ailleurs, il serait possible de mettre en œuvre des politiques qui protègent nos enfants et d’éduquer le personnel scolaire sur la façon de traiter une réaction s’il s’en produisait.
Notes
CONCLUSIONS FINALES — OUI
Elissa M. Abrams md frcpc Wade Watson md med frcpc
Il est improbable que l’exposition aux arachides cause une réaction systémique, à moins d’en avoir ingéré.
Le taux des expositions accidentelles et des réactions aux arachides dans les écoles n’est pas différent, que les arachides soient permises ou interdites
Les politiques d’interdiction des arachides peuvent créer un faux sentiment de sécurité.
Il est plus probable que d’autres politiques (comme l’interdiction du partage d’aliments et un bon lavage des mains) réussissent à réduire le risque d’exposition accidentelle.
Footnotes
Cet article ont fait l’objet d’une révision par des pairs.
The English version of this article is available at www.cfp.ca on the table of contents for the October 2017 issue on page 750.
Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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