Le congé hospitalier : une période dangereuse pour nos patients
Les taux de retours aux urgences et en hôpital moins de 30 jours après le congé sont élevés chez les patients souffrant de conditions chroniques sévères.1,2 Ce groupe de patients est en croissance rapide au Canada en ces années de vieillissement de la population. Le suivi en 1e ligne de ces patients se donne pourtant comme objectif de réduire les « hospitalisations évitables». Mais comment cette 1e ligne peut-elle prendre charge lorsqu’elle n’est pas informée du passage de ses patients à l’hôpital et surtout du congé de ceux-ci ?
En effet, nombreux sont les patients vulnérables qui ont leur congé hospitalier sans appel au médecin de famille, ni télécopie immédiate du sommaire et de la médication. Nombreux sont les congés sans recommandation formelle de la part du médecin hospitalier de revoir rapidement son médecin de famille. Nous suivons ainsi le « mauvais » exemple nord-américain : à peine 30% des médecins de famille canadiens et américains sont avisés au congé de leurs patients de l’hôpital, contre 49 à 69% au Royaume-Uni, en Hollande et en Nouvelle Zélande.3
Quels sont les éléments d’instabilité à craindre au congé ?
Un diabète équilibré en milieu hospitalier sera vite déséquilibré lorsque le patient retourne sans supervision à ses « bonnes habitudes » alimentaires.
Une hypertension lourdement médicamentée chez un patient anxieux en milieu hospitalier fait place à des chutes hypotensives lorsque le patient sera détendu et plus actif chez lui.
La restriction hydro sodée des insuffisants cardiaques sera vite négligée si elle n’est pas encadrée.
Le malade pulmonaire qui avait cessé de fumer en milieu hospitalier risque de rechuter puis présenter des difficultés respiratoires traitables en 1e ligne lorsque détectées rapidement.
L’œdème chronique sévère surinfecté des jambes détériore dès que le patient est seul chez lui à accomplir debout ses tâches quotidiennes en négligeant ses bas de contention.
Un patient qui a son congé de l’hôpital est instable
Un nouveau paradigme devrait prendre place dans notre système de santé, celui de l’instabilité du patient qui sort d’une hospitalisation.4 Inquiétons nous de ce patient et priorisons le en 1e ligne comme une « urgence ».
Avec le vieillissement de la population et l’alourdissement des clientèles, le congé hospitalier est devenu un processus complexe qui devrait viser la prévention des retours à l’hôpital.5,6 Les évidences supportent donc la mise en place de communications rapides au médecin de famille et à l’équipe à domicile au congé des patients. Ceci devrait faire l’objet de directives organisationnelles systématiques dans tous nos hôpitaux.
Le duo personnalisé médecin hospitalier/médecin de famille doit reprendre sa place, avec respect et encouragement de chacune des deux missions médicales, celle de stabiliser le patient puis celle de le garder stable. La sécurité de nos patients en dépend, tout comme la survie financière de notre système de santé surchargé.
Docteurs, parlez vous au congé de vos patients !
Références
1. Hansen LO, Young RS, Hinami K, Leung A, Williams MV ; Interventions to reduce 30 day rehospitalization: a systematic review. Ann Intern Med. 2011; 155 (8):520.
2. Krumholz HM. Perspective: post-hospital syndrome—an acquired, transient condition of generalized risk. N Engl J Med. 2013; 368:100-102.
3. The Commonwealth Fund ; Primary Care Physicians in Ten Countries Report Challenges Caring for Patients with Complex Health Needs. Dec 2015. www.commonwealthfund.org
4. Cynthia Feltner, MD, MPH; Transitional Care Interventions to Prevent Readmissions for Persons With Heart Failure: A Systematic Review and Meta-analysis Transitional Care for Persons With Heart Failure
5. Shepperd S1, Lannin NA, Clemson LM, McCluskey A, Cameron ID, Barras SL. Discharge planning from hospital to home. Cochrane Database Syst Rev. 2013 Jan 31; 1: CD000313.
6. Charles E., Christopher, S; Transitions of Care: Optimizing the Handoff from Hospital-Based Teams to Primary Care Physicians ; American Family Physician 2014 ; 89 (9) ; 706-707