La chimiothérapie en fin de vie : quand cesser « de se battre » ?
L’explosion des coûts en oncologie liée au vieillissement de la population nous amènent à réfléchir à la pertinence des traitements de chimiothérapie et de radiothérapies de 2ième, 3ième, voire même de 4ième ligne.
Quand devrait-on cesser les traitements oncologiques ?
Les nombreux éléments en jeu dans la décision clinique en faveur ou non d’un traitement oncologique pour un cancer avancé sont le statut de performance, la réponse préalable aux traitements oncologiques (habituellement les chimiothérapies ultérieures sont moins efficaces que la 1e), le type de cancer, la progression tumorale, l’âge du patient et les comorbidités.
L’espoir n’est pas linéaire mais « circulaire »
L’évolution clinique des cancers est rarement linéaire : l’état du patient oscille entre des « bonnes journées » qui redonnent espoir et courage, et des journées pénibles. Le patient dont la maladie progresse alterne entre le désespoir et l’acceptation, un défi pour les cliniciens qui cherchent à supporter l’espoir, celui-ci étant déterminant pour la qualité de vie du patient.1
La chimiothérapie en fin de vie : un désastre pour plusieurs
Les traitements de chimiothérapie peuvent provoquer des effets pénibles ainsi que des complications sérieuses, conséquences inacceptables lorsque la guérison n’est pas l’objectif de traitement et que la qualité de vie devrait être la priorité.2, 3, 4
Certains oncologues proposent une chimiothérapie sur la base d’une possible prolongation de l’espérance de vie alors que les données cliniques ne supportent pas cet espoir pour la grande majorité des cas similaires.5 Une des rares études portant sur les facteurs décisionnels rapportés par les oncologues révèle leur grande difficulté à refuser le traitement face à des patients désespérés. Pour certains oncologues le désir de continuer à « se battre » des patients est un facteur prédominant pour continuer la chimiothérapie.6
La plupart des patients qui veulent vivre coûte que coûte ont de la difficulté à « entendre » nos explications, que les bénéfices d’une chimiothérapie de derniers recours sont très minces et que les complications peuvent être fréquentes et sérieuses.7
Soigner ou « abandonner » ?
La communication avec le patient est un stress quotidien pour certains oncologues entrainés à « sauver des vies ». Plusieurs laissent le patient « décider », approche nourrie par l’impossibilité de prédire les résultats du traitement pour un patient précis, ce qui ouvre la porte à « l’espoir insensé » : tous les oncologues ont rencontré un cas « miraculeux » qui a défié les pronostics. Pourtant, les chimiothérapies avec bénéfice « marginal » sont déconseillées par l’Association américaine d’oncologie clinique (ASCO).8 9
Comment les médecins de famille peuvent-ils aider les oncologues à suivre ces recommandations ?
1) Par un suivi conjoint du patient
2) Par le travail d’équipe précoce des oncologues avec les équipes de soins palliatifs.
Le médecin de famille doit jouer un rôle actif durant toute l’évolution de la maladie de son patient, y compris à la phase palliative. Il ne devrait pas hésiter à contacter l’oncologue pour discuter des éléments décisionnels concernant son patient. À chaque étape de la maladie, il devrait encourager l’espoir, un « espoir réaliste », pour aider le patient et ses proches à prendre les décisions appropriées à situation.
Références
1. Serge Daneault, Véronique Lussier, Suzanne Mongeau, Louise Yelle, Andréanne Côté, Claude Sicotte, Pierre Paillé, Dominique Dion and Manon Coulombe; Ultimate journey of the terminally ill- Ways and pathways of hope; Canadian Family Physician August 2016, 62 (8) 648-656;
2. Prigerson HG et al. Chemotherapy use, performance status, and quality of life at the end of life. JAMA Oncol 1 :778-784, 2015
3. National Cancer Institute: Side effects. http://www.cancer.gov/about-cancer/treatment/side-effects
4. Hassett, MJ et al; Frequency and cost of chemotherapy-related serious adverse effects in a population sample of women with breast cancer. J Natl Cancer Inst 1998 :1108-1117, 2006
5. Braga S. Why do our patients get chemotherapy until the end of life? Ann Oncol. 2011; 22(11): 2345-2348.
6. Bluhm, M et al; Paradox of prescribing late chemotherapy: oncologists explain; J Oncol Pract 2016 :12(12) ;e1006-1015
7. Kelly RJ, Smith TJ. Delivering maximum clinical benefit at an affordable price: engaging stakeholders in cancer care. Lancet Oncol. 2014; 15 (3): e112-e118
8. Schnipper, LE et al. American Society of Clinical Oncology identifies five key opportunities to improve care and reduce costs: The top five lists for oncology. J Clin Oncol 30 :1715-1724, 2012
9. Smith, TJ et al. American Society of Clinical Oncology provisional clinical opinion: The integration of palliative care into standard oncology care J Clin Oncol 30 :880-887, 2012