Abstract
OBJECTIVE Alzheimer disease (AD) is the most common form of dementia. There have been many advances in the pharmacological treatment of AD in recent years. This article discusses 2 of these advances: vascular prevention and a new molecule, memantine.
QUALITY OF EVIDENCE The conclusions and recommendations in this article are based on data from studies providing level I and level II evidence.
MAIN MESSAGE Recent data suggest that vascular disease plays an important role in the physiopathology of AD. Memantine is a non-competitive, low-affinity N-methyl-d-aspartate receptor antagonist of glutamate that offers a very attractive efficacy and safety profile for treating moderate to severe AD.
CONCLUSION The prevention and treatment of vascular risk factors should be an integral part of the management of AD. For the treatment of moderate to severe AD, memantine is a new option that is effective and well tolerated.
La démence est une maladie prévalente chez les personnes âgées. Selon l’Étude Santé Vieillissement Canada, 10% des individus de 65 ans et plus souffrent de démence et ce chiffre augmente à 35% après l’âge de 85 ans1. La maladie d’Alzheimer (MA) représente 67% des cas de démence, ce qui en fait la cause la plus fréquente. Actuellement, la prise en charge pharmacologique de la MA se base sur le remplacement cholinergique avec des inhibiteurs de la cholinestérase dont 3 sont offerts sur le marché canadien: donépézil, rivastigmine et galantamine. Les effets optimaux de ces traitements sont obtenus lorsqu’ils sont débutés précocement dans l’évolution de la maladie. Une dizaine d’études randomisées contrôlées à double insu ont démontré de façon constante des bénéfices aux niveaux cognitif et global (selon l’impression de l’aidant et du médecin), ainsi qu’au niveau du fonctionnement quotidien et du comportement2. Par ailleurs, certaines études suggèrent des bénéfices pharmacoéconomiques à l’utilisation précoce des ces médicaments dont une diminution de la charge des aidants3, des coûts associés à la maladie4,5 et possiblement des risques d’institution-nalisation6. Plusieurs nouveautés ont marqué la prise en charge pharmacologique de la MA au cours des dernières années. Nous traitons de 2 de ces éléments dans cet article, soit le rôle de la prévention vasculaire et celui d’une nouvelle molécule, la mémantine, dans la MA.
Qualité des données
La base de données PubMed a été interrogée en croisant les mots clés (MeSH) suivants: dementia, Alzheimer’s disease, prevention, vascular et memantine. Pour la section sur la prévention vasculaire, les articles épidémiologiques et physiopathologiques sont de niveau I ou de niveau II. Les données de prévention primaire, secondaire et tertiaire sont principalement de niveau I. Quant à la section sur la mémantine, les données traitant de la pharmacologie proviennent d’études de niveau I ou II et celles sur l’efficacité proviennent d’études de niveau I.
Rôle de la prévention vasculaire
Plusieurs données suggèrent que la maladie vasculaire joue un rôle important dans la physiopathologie de la MA7,8. Ces données se basent sur les similitudes épidémiologiques, cliniques et pathologiques avec la démence vasculaire, le fait qu’il existe une hypoperfusion régionale dans les phases précoces de la MA (au stade des troubles cognitifs légers) et que l’hypoperfusion cérébrale peut induire un état d’hypométabolisme, des changements cérébraux dégénératifs et des atteintes cognitives. La théorie la plus souvent évoquée pour soutenir cette hypothèse est celle de CATCH (Critically Attained Threshold of Cerebral Hypoperfusion)9. Selon cette hypothèse, une hypoperfusion régionale serait le facteur déclencheur de la cascade d’évènements physiopathologiques (incluant la déposition de plaques séniles et d’enchevêtrements neurofibrillaires) qui mène éventuellement aux manifestations cliniques de la MA. Nous abordons le rôle de la prévention vasculaire primaire, secondaire et tertiaire dans la MA.
Prévention vasculaire primaire
La prévention primaire touche les individus ayant un facteur de risque, mais, qui n’ont aucune manifestation de la maladie ciblée, soit des déficits cognitifs dans la MA. En prévention primaire, des données existent sur le rôle des antihypertenseurs et des hypocholestérolémiants. Trois études démontrent que l’utilisation optimale d’antihypertenseurs dans l’hypertension systolique ou diastolique ainsi qu’après un événement cérébrovasculaire est associée à une réduction de l’incidence de déficits cognitifs10–12. La plus importante de ces études est l’essai SYST-EUR (Systolic Hypertension in Europe Trial) incluant 2418 individus dont l’âge moyen est de 70 ans et qui démontre que l’utilisation d’un bloquant des canaux calciques (nitrendipine) avec ou sans de l’hydrochlorothiazide ou de l’énalapril, réduit l’incidence de démence à 2 ans de 50%10. Pour ce qui est des hypocholestérolémiants, 2 études d’envergure, l’étude PROSPER (Prospective Study of Pravastatin in the Elderly at Risk: pravastatine vs placebo chez 5804 individus pendant une durée moyenne de 3,2 ans)13 et l’étude MRC/HPS (Heart Protection Study: simvastatine vs placebo chez 20536 individus pendant une durée moyenne de 5 ans)14 ont évalué le rôle des statines dans la prévention des déficits cognitifs chez des individus avec des facteurs de risque ou des maladies cardiovasculaires et cérébrovasculaires. Les 2 études sont parvenues à des conclusions similaires: l’utilisation des statines en prévention primaire réduit les évènements cardiovasculaires et cérébrovasculaires, mais n’entraîne aucun effet sur les fonctions cognitives. Ces résultats contre-intuitifs de prime abord pourraient s’expliquer par certaines limitations méthodologiques de ces études notamment la durée relativement courte et l’évaluation très sommaire voire insuffisante des fonctions cognitives.
Prévention vasculaire secondaire
La prévention secondaire concerne les individus qui ont des manifestations précoces de la maladie ciblée. Une seule étude (Hypertensive Old People in Edinburgh) s’est attardée sur le rôle du traitement de l’hypertension systolo-diastolique avec du captopril vs bendrofluazide chez des individus ayant des déficits cognitifs légers tels que définis par un score entre 20 et 28 sur le Mini-Mental State Examination. Aux termes de l’étude, il n’y avait pas de différence importante entre les 2 médicaments. Cependant, les individus avec la meilleure réponse en termes de réduction de tension artérielle diastolique démontrent une amélioration de leur mémoire de travail.
Prévention vasculaire tertiaire
La prévention tertiaire concerne les individus atteints de la maladie ciblée. Aucune étude ne s’est attardée sur le rôle de la prévention vasculaire chez des individus porteurs d’un diagnostic de MA. Cependant, 2 études ont évalué le rôle de la prévention vasculaire dans la démence vasculaire. La première démontre une amélioration cognitive avec le contrôle de l’hypertension artérielle et l’arrêt du tabagisme chez les individus avec démence vasculaire à infarctus multiples16. La deuxième démontre une amélioration cognitive et de la perfusion cérébrale avec l’utilisation d’aspirines chez des individus avec démence vasculaire à infarctus multiples17.
Prévention vasculaire: controverse
Un des éléments de la prévention vasculaire qui demeure controversé est celui de la limite inférieure de tension artérielle à viser. En général, les bénéfices cardiovasculaires et cérébrovasculaires semblent inversement proportionnels aux chiffres de tension artérielle obtenus. Cependant, une étude de population suggère que le risque de déficits cognitifs importants ou de démence augmente quand le chiffre de tension artérielle systolique dépasse 180 mm Hg ou quand celui de la tension artérielle diastolique est inférieur à 65 mm Hg18. Le risque semble donc associé aux 2 extrêmes du spectre de la tension artérielle. Ainsi, même si les résultats de l’étude Hypertensive Old People in Edinburgh suggèrent que la réduction de la tension artérielle est relativement sécuritaire, il y a un risque potentiel de détérioration cognitive si les chiffres diminuent de façon marquée par diminution associée de la perfusion cérébrale. À cet effet, quand il s’agit de déterminer les chiffres de tension artérielle à cibler, il est suggéré de suivre les recommandations du groupe canadien sur le traitement de l’hypertension19,20.
Prévention vasculaire: conclusions
Nous assistons actuellement à une certaine évolution de paradigme dans la compréhension de la MA. D’une maladie dégénérative avec des facteurs de risques principalement non modifiables, on semble s’orienter vers une maladie avec une composante vasculaire importante avec plusieurs facteurs de risque modifiables. Ceci suggère que la prévention et le traitement des facteurs de risque vasculaires devraient faire partie intégrante de la prise en charge de la MA (voir le tableau 1).
Approche thérapeutique de la maladie d’Alzheimer
La mémantine: vers une nouvelle option thérapeutique dans le traitement de la maladie d’Alzheimer
La mémantine a fait son entrée sur le marché canadien en 2004. Il s’agit d’un antagoniste non-compétitif avec faible affinité du récepteur N-méthyl-d-Aspartate (NMDA) du glutamate21,22. Le glutamate représente le neurotransmetteur stimulant le plus abondant dans le système nerveux central et joue un rôle important dans l’apprentissage et la rétention mnésiques (plasticité synaptique). Paradoxalement, une surstimulation des récepteurs à glutamate entraîne une dysfonction de la transmission neuronale et des dommages avec éventuellement la mort neuronale par influx intracellulaire excessif de calcium. Ce phénomène baptisé «excitotoxicité» a été évoqué dans plusieurs processus pathologiques tels que l’ischémie et les maladies neurodégénératives. Selon cette hypothèse, dans la MA, il y a stimulation tonique continue plutôt que phasique du récepteur NMDA. Ceci entraîne un excès de glutamate endogène et pourrait contribuer à la physiopathologie de la maladie. Par son effet antagoniste non-compétitif du récepteur NMDA, la mémantine agit de façon symptomatique en modulant la neurotransmission glutamatergique et pourrait potentiellement atténuer le phénomène d’excitotoxicité.
Pharmacologie23
La mémantine est absorbée complètement après l’administration orale. La concentration maximale est obtenue entre 3 et 8 heures après l’ingestion. Elle est liée aux protéines plasmatiques à 45% et est éliminée entre 60% à 80% de façon inchangée dans les urines. Des ajustements de doses sont donc nécessaires chez les individus avec fonction rénale compromise. La demivie d’élimination varie entre 54 et 104 heures. La dose de départ recommandée est de 5 mg 1 fois par jour à augmenter jusqu’à 10 mg 2 fois par jour par paliers de 5 mg/semaine. Chez les individus avec une clairance de la créatinine entre 40 et 60 ml/min la dose quotidienne devrait être limitée à 10 mg par jour. Il n’y a pas de données pour les individus dont la clairance est en dessous de 40 ml/min (voir le tableau 2). La mémantine est relativement bien tolérée. Les effets secondaires les plus souvent rapportés sont la confusion, les étourdissements, les céphalées, la fatigue, la somnolence et la nausée. La seule contre-indication absolue est l’hypersensibilité au produit. Des précautions sont de mise chez les patients épileptiques et avec maladie cardiovasculaire décompensée. Des examens ophthalmologiques périodiques sont recommandés en raison de dépôts cornéens déjà rapportés. Il faut éviter l’utilisation de la mémantine avec d’autres antagonistes du récepteur NMDA (p. ex., amantadine, dextrometorphan ou kétamine).
Schéma posologique de la mémantine
Efficacité
Une étude chez des individus avec démence vasculaire ou MA modérée à grave, en milieu de soins de longue durée, a démontré un bénéfice au niveau fonctionnel et de l’évaluation globale à 3 mois dans le groupe ayant reçu de la mémantine par rapport au groupe placebo24. Il n’y a pas eu de différence importante en termes d’effets adverses par rapport au groupe placebo.
Deux études similaires sur la démence vasculaire légère à modérée démontrent des bénéfices aux niveaux cognitif et comportemental à 7 mois dans le groupe ayant reçu de la mémantine par rapport au groupe placebo25,26. Étonnamment, l’intensité de la réponse semblait proportionnelle à la gravité de la démence. Là encore, il n’y a pas plus d’effets adverses dans le groupe mémantine que dans le groupe placebo.
Une étude récente chez des individus avec MA modérée à grave (Mini-Mental State Examination score entre 3 et 14) demeurant en communauté a comparé la mémantine à 20 mg par jour au placebo chez 252 patients pour une durée de 28 semaines27. Cette étude démontre des bénéfices dans le groupe mémantine au niveau cognitif ainsi qu’au niveau du fonctionnement quotidien et de l’évaluation globale. Par ailleurs, dans le groupe ayant reçu la mémantine, les aidants naturels ont passé en moyenne 1,4 heures de moins à superviser les activités des patients ce qui pourrait contribuer à diminuer leur charge. Dans cette étude, les patients sous mémantine ont rapporté un peu plus d’insomnie et de diarrhées que les patients sous placebo.
Finalement, l’étude la plus récente avait pour but d’évaluer l’effet additif de la mémantine sur un inhibiteur de la cholinestérase28. Dans cette étude, 404 patients avec maladie d’Alzheimer modérée à sévère (MMSE entre 5 et 14) à des doses stables de donépézil ont reçu de la mémantine versus placebo pendant 24 semaines. Le groupe avec le traitement combiné a obtenu des bénéfices au niveau cognitif, ainsi qu’au niveau du fonctionnement quotidien, du comportement et de l’évaluation globale en comparaison au groupe sous donépézil seul. Les patients sous donépézil et mémantine combinés ont eu un peu plus de confusion et de céphalées que le groupe sous donépézil seul.
D’autres études en cours ou récemment complétées visent à valider les résultats dans la MA modérée à grave. Actuellement, la mémantine est approuvée au Canada pour la MA modérée à grave en monothérapie ou en association avec un inhibiteur de la cholinestérase.
Mémantine: perspectives d’avenir
Quelques questions demeurent en suspens quant au rôle de la mémantine dans la MA, notamment l’efficacité comparativement aux inhibiteurs de la cholinestérase, l’efficacité additive des inhibiteurs de la cholinestérase, l’efficacité dans les phases légère à modérée de la maladie et l’analyse pharmacoéconomique de ce médicament surtout lorsqu’il est utilisé en ajout aux inhibiteurs de la cholinestérase. Des études en cours tentent de répondre à certaines de ces questions.
Mémantine: conclusions
La mémantine est une nouvelle option thérapeutique dans la MA modérée à grave. Elle offre un potentiel modificateur de la maladie quoique cette propriété n’ait pas été évaluée dans les études publiées. Elle est bien tolérée et est efficace en monothérapie ou en association avec un inhibiteur de la cholinestérase.
Notes
POINTS DE REPÈRE DU RÉDACTEUR
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Cet article traite de 2 nouveautés dans le traitement de la maladie d’Alzheimer: la prévention vasculaire et la mémantine.
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Les données suggèrent que la prévention et le traitement des facteurs de risque vasculaires devraient faire partie intégrante de la prise en charge de la maladie d’Alzheimer.
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La mémantine est une nouvelle option thérapeutique dans la maladie d’Alzheimer modérée à grave.
EDITOR’S KEY POINTS
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This article describes 2 advances in the treatment of Alzheimer disease: vascular prevention and memantine.
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The data suggest that the prevention and treatment of vascular risk factors should be an integral part of Alzheimer disease management.
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Memantine is a new option in the treatment of moderate to severe Alzheimer disease.
Footnotes
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This article has been peer reviewed.
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