Depuis les 30 derniers mois, notre Collège discute d’une directive de notre conseil d’administration d’explorer la reconnaissance de la médecine familiale à titre de spécialité. Nous avons entendu les commentaires exprimés par de nombreux médecins de famille, d’autres médecins et professionnels de la santé, des étudiants en médecine, des résidents, des doyens de facultés de médecine, des représentants du gouvernement et des ordres de médecins, des médias et du grand public. Chacun de ces groupes d’intervenants s’est montré très favorable à la reconnaissance de la médecine familiale comme une spécialité. De fait, certains pensaient que c’était chose faite depuis plusieurs années.
Dans de nombreux pays, incluant ceux où la discipline est désignée sous le nom de pratique générale, la médecine familiale est reconnue comme une spécialité depuis des décennies. Lorsque la formation postdoctorale et la certification en médecine familiale ont été instaurées, durant les années 1970, nombreux étaient ceux qui croyaient que la discipline devenait par le fait même une spécialité.
Beaucoup de ceux que nous avons rencontrés ont signalé que la médecine familiale, comme les spécialités déjà reconnues, a un ensemble défini de savoir, d’habiletés et d’attitudes; une base de recherche en croissance; un programme de formation postdoctorale et un processus de certification. De plus, nous ontils dit, les médecins de famille exercent un rôle grandement valo-risé dans la prestation des soins de santé au Canada.
Par ailleurs, ces mêmes personnes ont aussi indiqué que la médecine familiale ne jouissait pas actuellement de l’image, du respect et de la crédibilité qu’elle méritait. La situation s’expliquerait, en partie du moins, du fait que la médecine familiale ne soit pas reconnue comme la spécialité qu’elle est en réalité.
Les récentes années ont été la scène d’un revirement dans la popularité de la médecine familiale comme choix de carrière auprès des étudiants en médecine. Les médecins de famille en pratique active, surtout ceux qui essaient d’offrir des soins complets continus, ont signalé un fléchissement dans leur degré de satisfaction.
Pour régler ces problèmes et rehausser l’image de la médecine familiale, notre Collège a tenu des réunions, des discussions de groupes témoins, des séances de remue-méninges et des sondages qui nous ont aidés à identifier divers facteurs qui contribuent aux défis que doit relever la médecine familiale.
Les étudiants en médecine ont laissé entendre que l’un des facteurs qui ternissent le profil de la médecine familiale selon leurs collègues se situe dans le fait que, dès les premières années d’études en médecine, la médecine familiale ne soit pas considérée comme une spécialité. Par conséquent, elle semble moins respectée et moins crédible comme discipline universitaire que les spécialités reconnues qui leur sont présentées en même temps.
De nombreux anciens certifiés qui ont mis un terme à leur adhésion au Collège et ont abandonné leur certification nous ont expliqué leur geste du fait que leur désignation de CCMF ne les avait pas distingués de leurs collègues non certifiés, mis à part l’obligation de détenir la certification pour une nomination universitaire.
Bon nombre de certifiés nous ont dit qu’ils aime-raient beaucoup que notre Collège fasse quelque chose pour accroître la valeur et la signification de la désignation de CCMF.
Même si les effets de la reconnaissance de la médecine familiale comme une spécialité sont imprévisibles, les médecins d’autres disciplines ont traditionnellement observé que des avantages comme des nominations, des promotions et une plus grande rémunération ont souvent découlé de la reconnaissance de leur champ de pratique comme une spécialité.
Des préoccupations ont été soulevées à l’effet que la reconnaissance de la médecine familiale comme une spécialité pourrait nuire au rôle précieux des médecins de famille non certifiés dans leurs pratiques et leurs collectivités. Bon nombre de ces médecins de famille qui exercent depuis longtemps nous ont dit qu’ils n’avaient jamais tenté d’obtenir la certification parce qu’ils jugeaient que l’examen du CMFC n’était pas une façon appropriée ou équitable d’évaluer les compétences de praticiens expérimentés comme eux.
Le Collège valorise grandement et respecte la contribution de ces collègues dans les soins aux patients par-tout au pays. Notre conseil d’administration a précisé sa position voulant que les médecins de famille qualifiés qui exercent au Canada depuis de nombreuses années et qui choisissent de ne pas obtenir la certification ne devraient pas faire l’objet de pressions pour qu’ils changent leur rôle ou que leur soient refusés les privilèges qu’ils se sont mérités jusqu’à présent dans leur carrière. Par contre, pour ceux qui désirent toujours obtenir la désignation de CCMF, un groupe de travail spécial élabore une proposition ponctuelle d’un autre cheminement menant à la certification sans examen. À plus long terme, un autre groupe travaille à la conception d’un nouvel examen auquel seraient admissibles les médecins de famille expérimentés en pratique active.
Certains collègues s’inquiètent aussi de la perte éventuelle de l’angle généraliste si nous reconnaissions la médecine familiale comme une spécialité. Comme il s’est produit dans d’autres pays où la médecine familiale est maintenant une spécialité, la plupart des gens comprennent que ce n’est pas un débat à propos du généralisme par rapport à la spécialisation ou concernant l’abandon de l’angle généraliste essentiel qui définit la pratique familiale.
De nombreuses spécialités du Collège royal examinent aussi maintenant l’accroissement du généralisme des médecins dans leurs disciplines. Par conséquent, le moment n’aura jamais été plus propice pour que la médecine familiale soit reconnue comme une spécialité qui peut et devrait assumer un rôle de chef de file dans l’enseignement, la pratique et la formation continue associés aux habiletés généralistes. En dépit de son importance vitale dans notre discipline, le généralisme n’appartient pas à la médecine familiale, ni la spécialisation devraitelle appartenir exclusivement aux disciplines du Collège royal.
Des défis se posent aujourd’hui à la médecine familiale qui exigent de nouvelles façons de penser pour définir et assurer son rôle significatif dans l’avenir. Différentes solutions sont recommandées et mises en œuvre. La reconnaissance de la médecine familiale compte parmi bien d’autres. Mais c’est une solution importante et la majorité d’entre nous qui avons été consultés croient qu’elle améliorera le profil et la valeur de la médecine familiale et des médecins de famille au Canada. Elle contribuera à inspirer de la fierté aux médecins de famille qui exercent, enseignent et font de la recherche. Elle livrera un message aux étudiants en médecine voulant que la médecine familiale soit un choix de carrière égal à n’importe quelle autre spécialité.
Le temps est venu de reconnaître une réalité qui existe depuis des décennies - la médecine familiale est et mérite d’être une spécialité au Canada.
Notes
POINTS DE REPÈRE
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La médecine familiale est reconnue comme une spécialité depuis des décennies dans de nombreux pays.
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Comme les spécialités reconnues, la médecine familiale comporte un ensemble défini de savoir, d’habiletés et d’attitudes, ainsi qu’une base de recherche et un programme de formation postdoctorale.
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En dépit de son importance vitale dans notre discipline, le généralisme n’appartient pas à la médecine familiale.
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La reconnaissance de la médecine familiale comme une spécialité rehaussera le profil de notre discipline au Canada auprès de tous, y compris les étudiants de médecine qui envisagent le choix de leur future carrière.
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