
ΔpΔq ≥ ħ/2*
En 1927, Heisenberg a rédigé un ouvrage historique dans lequel il remettait en question la doctrine de la physique classique. Les physiciens avaient cru jusque là qu’il était possible de prédire infiniment le comportement d’un système, en autant que le système initial avait été mesuré avec une précision infinie. Au contraire, Heisenberg maintenait que plus la position d’une particule quantique était déterminée avec précision, le moins précisément on pouvait connaître son impulsion à l’instant même.
Quel rapport, s’il en existe, le principe de l’incertitude de Heisenberg a-t-il avec la pratique de la médecine familiale? Peut-être aucun. Après tout, ce principe s’applique au monde des particules subatomiques et non pas au monde macroscopique (microscopique) dans lequel nous vivons. Le monde que nous voyons est peut-être régi par un ensemble de règles différentes. Un ensemble de règles plus prévisibles. Par ailleurs, certains scientifiques pré-tendent que la frontière entre les mondes subatomiques et macroscopiques est floue. Ils croient que les règles qui gouvernent le monde subatomique pourraient aussi être en jeu dans notre monde macroscopique d’arbres, de rivières, de personnes et de papillons.
J’ai déjà soigné une patiente âgée et frêle dans un hôpital gériatrique. Tard une nuit, elle est soudainement plongée dans un profond choc septique. Les infirmières et moi-même avons tout tenté pour renverser ce choc, mais il est devenu évident au milieu de la matinée que tous nos efforts avaient été vains. Pas de pression sanguine. Pas d’urine. J’ai rencontré les membres de la famille et leur ai expliqué les mauvaises nouvelles. Dès le milieu de l’après-midi, toutefois, elle avait une pression sanguine mesurable. Au début de la soirée, elle produisait de l’urine et, au moment de mon départ pour la maison ce soir-là, elle mangeait une collation. Pourquoi avait-elle survécu? Je ne sais pas. Selon les règles de notre monde macroscopique, elle aurait dû mourir. Mais selon les règles du monde quantique, qui sait?
Quelques articles du présent numéro du Médecin de famille canadien donnent une perspective entièrement nouvelle de la médecine familiale. Bawa ( page 390) explore plus à fond la relation entre la physique quantique et la pratique de la médecine familiale, en insistant plus particulièrement sur l’incertitude et le probabilisme. Smith ( page 496) décrit les difficultés que pose l’incertitude dans la pratique au quotidien et Reynolds ( page 389) présente une image toute chamboulée de la notion du «savoir factuel» en médecine.
Des idées stimulantes qu’il vaut la peine de lire.
Footnotes
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↵* Dans l’expression de la relation d’incertitude de Werner Karl Heisenberg, p est l’incertitude dans l’impulsion, q est l’incertitude dans la position et ħ est dérivé de la constante de Planck.
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