A près la tenue d’un examen, il n’est pas nécessaire d’aller bien loin pour entendre les résidents commenter (illicitement) les diverses rencontres cliniques simulées, plus ou moins réalistement, dans les multiples stations de l’examen. Si on écoute bien, un refrain familier se fait entendre. Le débat se poursuitentre les résidents et dans tous les programmes - sur les mérites relatifs des connaissances et des habiletés intuitives par opposition au soi-disant savoir factuel (juste les faits, madame).
Les résidents à ce stade de leur carrière ressentent un besoin ardent d’apprendre et ont hâte de commencer à guérir la planète. Ils ont soif de pouvoir thérapeutique - un besoin d’agir, de régler les problèmes. Ces nouveaux cliniciens en devenir sont très conscients de ce qu’ils savent et ont besoin de savoir. Souvent sceptiques à propos de ce que les médecins traitants ont à leur offrir, ils s’attendent de leurs professeurs qu’ils connaissent les faits sur le champ et soient au courant des plus récents guides de pratique clinique.
Par ailleurs, je maintiens qu’il y a une certaine confusion paradoxale dans tout cela. Autrement dit, étant donné que bon nombre des faits médicaux d’aujourd’hui deviendront les erreurs et les malentendus de demain, ce soi-disant savoir factuel devrait peut-être être considéré, si ce n’est intuitif, certainement malléable et sensible à l’érosion.
Et que dire du soi-disant savoir intuitif, l’aspect flexible du savoir? Si les faits, les guides de pratique et la thérapeutique fondés sur des données scientifiques sont carrément volatiles, et donc à juste titre flexibles, ce qui ne change assurément pas, c’est la nature humaine.
Le vrai savoir factuel, la connaissance de l’humanité des facteurs narratifs, économiques et spirituels des maladies de nos patients, est difficile à mémoriser, à enseigner et impossible à maîtriser. Néanmoins, sans ce savoir, comment pouvons-nous véritablement aider nos patients et, plus important peut-être, comment pouvons-nous ne pas leur nuire?
Proposons donc que si les médecins néophytes doivent utiliser leur savoir flexible difficilement acquis des faits et des chiffres, de l’anatomie et de la physiologie, des guides de pratique et des traitements, au meilleur de leur connaissance, ils réussiront s’ils suivent les suggestions suivantes, tirées du savoir factuel.
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Se connaître soi-même. En tant que médecin, chacun de nous ressemble beaucoup, pour ses patients, à un médicament puissant, avec ses indications, ses contre-indications et même ses réactions anaphylactiques possibles.
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Se méfier de la combinaison du pouvoir et de la confiance. Ce mélange peut être la recette de l’abus de pouvoir et du développement du syndrome du «MDéisme».
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Comprendre le patient est ce qui compte. Les patients ont universellement besoin d’être respectés, écoutés, compris et crus; sans cela, ils ne peu-vent pas être soignés. Sans compréhension, nous ne sommes rien. Si vous comprenez votre patient, vous avez le courage de dire l’inavouable: «je ne sais pas» et «je suis désolé».
Ensemble, nous portons les fardeaux et nous pro-fitons des satisfactions de travailler ensemble en tant que professeurs et qu’apprenants. La formation de jeunes cliniciens en agents efficaces de guérison exige de confronter le concept traditionnel du savoir factuel. Notre tâche est davantage formative qu’informatrice. Nos préoccupations conjointes concernent la médecine en tant qu’entreprise morale, le fait de faire les bons choix dans l’intérêt de ceux que nous servons. Assurons-nous que les résidents quittent nos programmes avec l’esprit de curiosité, d’imagination et de compassion qui les soutiendra toute leur vie, pendant laquelle, avec la pratique, ils pourraient éventuellement acquérir un savoir factuel ou une sagesse persistante qu’ils pourront transmettre à leurs étudiants.
Footnotes
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