
Les recommandations émises par les sociétés savantes et les groupes d’experts sont fort précieuses pour les médecins de famille. Elles permettent de faire rapidement le point sur un sujet et nous suggèrent des conduites à tenir sous forme de recommandations claires et précises. Elles nous évitent ainsi de parcourir toute la littérature en soupesant les preuves scientifiques. À maints égards, elles ont remplacé les manuels en étant beaucoup plus rigoureuses et fiables. Elles créent chez les praticiens un sentiment de solidarité et de cohésion. On leur accorde généralement beaucoup de crédibilité.
Peut-être même trop!
En effet, l’effet pervers des lignes directrices est que quiconque les ignore s’expose à l’opprobre. Gare au malheureux médecin qui n’aura pas suivi intégralement les règles édictées si un malheur vient à survenir. Il risque fort d’être blâmé et devra justifier sa conduite. Il devra expliquer pourquoiil n’a pas suivi les recommandations émises.
Pourtant malgré leur immense popularité, rien n’indique que les lignes directrices détiennent le monopole de la vérité voire même permettent d’améliorer la santé de la population. En tout cas, c’est ce qui ressort de 3 articles publiés dans ce mois-ci dans Le Médecin de famille canadien. McIvor et coll. ( page 672) observe que malgré une large diffusion des lignes directrices du Consensus Canadien sur l’Asthme émises en 2001, l’effet sur le bien-être des patients asthmatiques a été nul puisque aucune amélioration dans le contrôle de la maladie n’a été observée. Worrall et coll. ( page 666) démontre que la meilleure façon de prescrire adéquatement les antibiotiques pour la pharyngite est de disposer d’un test diagnostique rapide et non pas de suivre les lignes directrices. Quant à McCormack ( page 618), il s’insurge dans le cadre du débat contre l’utilisation des bêtabloqueurs dans le traitement de l’hypertension pourtant recommandés par la Société Canadienne d’Hypertension Artérielle.
Comme quoi, malgré leur utilité et popularité, les lignes directrices ne sont pas infaillibles et ne représentent pas la solution à tous les maux. D’autant plus qu’il existe toutes sortes de lignes directrices: des bonnes et des moins bonnes. Si certaines sont rigoureuses, résultent d’une analyse exhaustive de la littérature et sont exemptes d’influences externes, d’autres semblent biaisés, noyautées par des groupes d’intérêt et commanditées par l’industrie. Les premières proviennent habituellement d’organismes renommés et sont publiées dans des revues sérieuses dotées de comités de pairs alors que les autres sont souvent l’œuvre d’une poignée de pseudo-champions soumis à l’influence de puissants commanditaires.
Comme quoi, les recommandations des lignes directrices devraient demeurer ce qu’elles sont: des avis et non pas des ordres.
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