Il y a 3 mois, dans cette rubrique, je vous parlais de la continuité de la communauté. J’expliquais comment chacun des 4 principes de la médecine familiale est relié à la communauté.
Les médecins en général, et les médecins de famille en particulier, constituent une communauté au sein d’une communauté. Nous représentons un «ensemble de personnes occupant une même profession». Par ailleurs, à titre individuel, nous vivons aussi dans un milieu particulier et partageons avec notre communauté locale certaines caractéristiques culturelles et des intérêts communs. Comme la relation patient-médecin se bâtit par contacts répétés avec le temps, il en va de même pour la relation entre le médecin et la communauté, créant ce qu’on pourrait appeler la relation communauté-médecin. Partager la vie d’une communauté établit des liens réciproques entre le médecin et la communauté, qui sont distincts de ceux du rôle de médecin.
La communauté valorise souvent le rôle professionnel du médecin de famille bien plus que ne le font les médecins eux-mêmes. La valorisation et le respect peuvent être exprimés avant même qu’un médecin de famille n’arrive dans une communauté, surtout si cette communauté a été privée de la présence d’un médecin de famille! Par contre, ce respect s’accompagne d’attentes élevées.
Les communautés imposent une responsabilité aux médecins, et pas simplement parce qu’ils appartiennent à une même «profession». On ne s’attend pas de la part de bien d’autres professionnels très compétents et qualifiés qu’ils servent leur communauté comme on s’attend que les médecins le fassent. Les médecins sont appelés à utiliser leur savoir et leurs habiletés pour le mieux-être de la population tant sur le plan collectif qu’individuel.
En cas de pénurie de médecins de famille, la relation entre le médecin et la communauté subira des pressions susceptibles de dégénérer en conflit. Les attentes de la communauté peuvent excéder la capacité des médecins individuels de les satisfaire. Les médecins peuvent se sentir obligés par les circonstances de restreindre les services d’une façon ou d’une autre. De telles réductions peuvent réduire non seulement l’éventail des services offerts aux patients, mais aussi le respect que portent les communautés envers les médecins.
Il existe de nombreuses solutions à ce genre de conflit, dont l’augmentation des ressources offertes aux médecins de famille, des fonds pour la transition en santé, des soutiens pour la prise en charge des maladies chroniques, la technologie de l’information et l’augmentation des admissions dans les facultés de médecine, pour n’en nommer que quelques-unes. Même si ces changements sont importants, les réformes n’ont pas encore répondu aux besoins fondamentaux de certains médecins de famille ni à ceux des communautés.
Bon nombre des solutions proposées ont été élaborées ou négociées de bonne foi à un haut niveau par des établissements, des organisations ou des gouvernements, mais rares sont celles qui ont eu un effet immédiat. Les solutions sont souvent des semences qui prendront un certain temps à produire. Par exemple, il faudra du temps avant que nous ressentions au niveau de la communauté l’effet des admissions plus nombreuses dans les facultés de médecine (ironiquement, par contre, cette augmentation exerce plus de pressions sur les enseignants en médecine familiale et autres spécialités). Au nombre des autres exemples, on peut mentionner le déploiement des dossiers médicaux électroniques, dont les bienfaits ne seront perçus que dans un certain temps, tant par les médecins que les patients.
Dans certains cas, les solutions n’ont pas semblé assez flexibles pour qu’on puisse les implanter dans les communautés, et dans d’autres, les stratégies n’ont pas bien été communiquées aux communautés. Nombreux aussi sont les médecins qui ont été trop occupés à dispenser des services à leurs patients pour prendre le temps d’identifier et d’exprimer leurs propres besoins ou d’examiner les solutions offertes.
À mesure que s’érodent plusieurs modèles de soins traditionnels, il devient de plus en plus urgent d’aider les médecins de famille à répondre aux besoins de leurs patients. Des modèles flexibles doivent permettre aux médecins de famille d’offrir un large éventail de services et de soutien aux patients de leurs communautés. Le modèle le plus prometteur est celui qui se fonde sur des principes globaux, mais qui est élaboré localement avec la contribution et l’appui des membres de la communauté et des dispensateurs de services de santé.
Les médecins de famille qui ont une compréhension approfondie du système de santé, des liens communautaires et des valeurs locales occupent une position privilégiée pour diriger le dialogue continu menant à un système de santé plus viable, un système qui peut favoriser à la fois la santé de la communauté et la santé de ses dispensateurs de soins de santé!
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