Plus de 4 millions de Canadiens n’ont pas de médecin de famille1. Pour combler cette pénurie et permettre au système de santé canadien de bien fonctionner, on estime qu’il faudrait que de 50% à 55 % des étudiants en médecine choisissent une carrière en médecine familiale2. En 2006, quelque 31,7% des étudiants en médecine ont opté pour la médecine familiale comme premier choix, soit une hausse par rapport aux 27,9% en 2005, 26,4% en 2004 et 24,8% en 20033. Cette récente tendance à la hausse est encourageante, puisqu’elle donne suite à un fléchissement constant, pendant une décennie, du nombre d’étudiants choisissant une résidence en médecine familiale4; par contre, l’apport en nouveaux médecins de famille ne répond toujours pas à la demande.
Selon des études, divers obstacles empêchent les étudiants de choisir la pratique familiale, notamment le manque d’exposition à des modèles exemplaires de médecins de famille, le manque de connaissance des possibilités offertes par la pratique de la médecine familiale, les commentaires désobligeants exprimés par les superviseurs cliniques d’autres disciplines médicales concernant la médecine familiale, la perception d’un prestige et d’une rémunération moins élevés, et l’inquiétude que les possibilités de recherche en médecine familiale soient rares3,5.
Augmenter l’exposition
Au nombre des stratégies pour augmenter le nombre de diplômés en médecine qui choisissent une résidence en médecine familiale figure une plus grande exposition des étudiants en médecine aux soins de première ligne et aux médecins de famille. Le Collège des médecins de famille du Canada appuie la réalisation de cet objectif en soutenant des groupes d’intérêts en médecine familiale pour les étudiants (GIMF).
Ces GIMF sont dirigés par des étudiants et appuyés par le corps professoral. Ils ont pour but de promouvoir la médecine familiale comme choix de carrière auprès des étudiants en médecine6. Ils organisent des activités comme des conférences prononcées par des médecins de famille, des programmes de mentorat sous l’égide de résidents et de médecins actifs en médecine familiale, ainsi que des ateliers sur la recherche et les habiletés cliniques. En informant les étudiants des possibilités en médecine familiale par l’intermédiaire des GIMF, ils sont mieux sensibilisés à la diversité des choix de carrière. Les GIMF peuvent recevoir des fonds pour ce faire.
Notre expérience à l’Université McGill à Montréal, au Québec, démontre que les GIMF pourraient être efficaces pour susciter plus d’intérêt à l’endroit de la médecine familiale chez les étudiants et pourraient avoir contribué à la récente tendance à la hausse du nombre d’étudiants qui choisissent une résidence en médecine familiale. Par ailleurs, les données probantes étayant cette conclusion sont peu nombreuses. Des recherches sur l’efficacité des GIMF pourraient confirmer leur influence sur le choix des étudiants en médecine de la médecine familiale et valider leur rentabilité.
Effacer les stigmates
Reconnaissant la nécessité de telles recherches, la direction de l’Université McGill a entrepris un sondage préliminaire auprès d’un groupe d’étudiants en médecine de première et deuxième années, avant et après leur participation à une séance du GIMF durant l’année universitaire. La séance comportait une présentation audiovisuelle dont le titre traduit se lirait comme suit: La médecine familiale: Tout ce que vous vouliez savoir, mais sur quoi vous n’en connaissiez pas assez pour poser des questions.
Cette présentation interactive de 20 minutes, donnée par l’un des auteurs (E.C.), résident en médecine familiale à l’époque, portait sur les méprises fréquentes à propos des médecins de famille, expliquant qu’ils peuvent travailler en médecine d’urgence, et qu’ils font des interventions obstétricales et dispensent des soins pédiatriques de première ligne. La présentation insistait aussi sur les raisons positives de choisir la médecine familiale (comme celles liées au mode de vie, à la flexibilité et aux soins à la personne dans son ensemble), ainsi que sur les satisfactions et les défis propres aux médecins de famille de nos jours. Notre sondage a révélé qu’une brève intervention peu coûteuse pouvait mieux faire connaître aux étudiants l’envergure et la portée de la médecine familiale. Par exemple, le nombre d’étudiants qui savaient que la majorité des services d’urgence au Canada avaient comme personnel des médecins de famille est passé de 62% avant la présentation à 91% après celle-ci. De plus, avant la présentation, seulement 58% des participants savaient que les médecins de famille pouvaient travailler dans les unités desoins intensifs néonatals; cette proportion est passée à 91% après.
Il reste à savoir si cette plus grande sensibilisation s’est traduite par un intérêt accru. Des études semblables dans d’autres universités pourraient jeter plus de lumière sur le rôle des GIMF dans le règlement de la pénurie de médecins de famille au Canada. Un dérivé de cette initiative pourrait prendre la forme de possibilités pour les étudiants en médecine et les résidents en médecine familiale d’effectuer des recherches selon une méthodologie reconnue, ce qui contribuerait en retour à leur formation en tant que futurs cliniciens-chercheurs.
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