Vous ne faites que de la médecine familiale? Ce programme de résidence vous offre-t-il vraiment assez de formation pour faire quelque chose d’utile? Ce furent les premiers mots de Dre X - ma préceptrice pour une longue semaine, en janvier 2006. Mon premier stage, cette année-là, était dans un département où les médecins traitants habituels étaient en vacances et je devais travailler avec deux médecins remplaçants. Avant que j’aie pu prononcer un seul mot, Dre X m’avait clairement fait comprendre qu’à son avis, je n’étais pas la plus brillante. Elle a dû penser qu’après tout, je n’étais seulement qu’une résidente en médecine familiale à Thunder Bay, en Ontario, et qui si j’étais ici, c’était certainement que je n’avais pas eu mon premier, deuxième et troisième choix dans la ronde du Service canadien de jumelage des résidents. À cause de son parti-pris, je n’ai presque pas eu le privilège d’écrire dans le dossier des patients cette semaine-là. Ce que Dre X n’avait pas compris, c’était que son manque de respect à l’endroit de la pratique familiale était le genre même de comportement qui m’avait amenée ici, au programme de Thunder Bay.
Au début de mes études de médecine, je voulais être neurologue en milieu universitaire. Après une année ou 2, je me suis rendu compte que je ne serais pas heureuse dans cette spécialité: 3 facteurs ont influencé ma décision. D’abord, je n’étais pas (et ne serais jamais) gauchère. (Pensez à votre neurologue local - voyez ce que je veux dire!) Deuxièmement, je me demandais à quoi servait un examen neurologique détaillé alors que vous pouvez obtenir la réponse par l’imagerie par résonance magnétique (IRM). (Comme preuve, chaque patient pour qui j’ai demandé une consultation en neurologie a fini par passer un examen en IRM à la demande du neurologue - n’est pas tricher un peu?) Enfin, j’ai trouvé que des consultations heures après heures étaient trop longues et répétitives pour garder mon attention.
Lorsque j’ai décidé que la médecine familiale était plus stimulante et plus conforme à ma personnalité que la neurologie, j’ai initialement eu de la difficulté à m’adapter psychologiquement à mon nouveau cheminement professionnel. Le problème venait surtout du fait que j’entendais mes collègues et professeurs faire des remarques comme «Vous voulez faire seulement de la médecine familiale?» ou «Un bon médecin de famille, n’est-ce pas une contradiction?» Pire encore, j’ai commencé à entendre des résidents en médecine familiale parler de leur future carrière comme «seulement de la médecine familiale». Je ne sais pas vraiment pourquoi les résidents en médecine familiale qualifiaient (et continuent de le faire) leur choix de résidence comme «seulement de la médecine familiale». Je ne peux que spéculer que c’est en raison de leur humilité intrinsèque ou de leur désir de ne pas rendre jaloux les résidents du Collège royal!
Avec le temps, j’en suis venue à réaliser que, oui, j’allais seulement devenir médecin de famille. J’allais seulement transiger avec des patients qui présentent des symptômes vagues mais potentiellement mortels. J’allais seulement apprendre à prendre en charge tous les genres de patients en soins postopératoires. J’allais seulement avoir l’obstétrique, la médecine d’urgence et la gériatrie dans mon domaine de pratique. J’ai décidé que la pratique diversifiée de la médecine familiale était le seul genre de médecine qui m’intéressait. Je vais être un vrai médecin. J’en saurai plus qu’un petit volet de médecine surspécialisée. Je vais connaître mes patients et leur famille, et j’adorerai mon travail. Je suis convaincue que la médecine familiale est le travail le plus facile à mal faire et le plus difficile à bien faire.
Cette pénible semaine passée avec Dre X est une rare exception durant ma résidence. J’ai été choyée de travailler à Thunder Bay, un endroit où les spécialistes valorisent les résidents en médecine familiale et redoublent d’efforts pour faire de nous les meilleurs médecins possibles - malgré notre décision de poursuivre une carrière en dehors de leur domaine de spécialité. En bout de ligne, je suis sûre que les spécialistes comprennent que si nous faisons du bon travail plus tard comme médecins de famille, nous allégerons leur charge de travail! Thunder Bay n’est certainement pas un endroit où on nous fait sentir que nous ne sommes seulement que des résidents en pratique familiale.
J’aime le défi et je ne peux penser à aucune autre carrière plus stimulante que la médecine familiale en milieu rural. Je suis résidente en médecine familiale: entendezmoi rugir!
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