
«Pourquoi pas une histoire?» dit Christopher Robin.
«Que voulez-vous dire, une histoire?» lui ai-je répondu.
«Seriez-vous assez gentil pour en raconter une à Winnie l’Ourson?»
«C’est bien possible, dis-je, mais quelle sorte d’histoire aime-t-il?»
«À propos de lui-même. Parce qu’il est ce genre d’ourson.»
—A.A. Milne. Winnie-the-Pooh. Toronto, Ont: McClelland & Stewart Ltd; 1926 (traduction libre).
Au moment où j’écris cet éditorial, je me trouve dans un chalet au nord de l’Ontario. Par la fenêtre, je vois des traces d’histoires, certaines très anciennes, d’autres nouvelles.
Il y a très longtemps, les Iroquois et les Algonquins se battaient sur cette plage. La légende raconte que l’eau était rouge de sang. On trouve encore aujourd’hui des pointes de flèche enfouies sous le sable. Puis sont venus les voyageurs, leurs canots remplis de peaux de castor destinées aux grands de l’Europe. Leurs pas ont graduellement érodé le sol du portage tout près etont tracé unsentier encoreutilisé de nos jours.
Vinrent ensuite les barons du bois. Ce chalet fut jadis un pavillon de chasse pour leurs riches amis. De longs trains de billots descendaient sur le lac jusqu’au moulin à scie, dont les ruines pittoresques ont maintenant disparu. Même plus tard, des familles apportaient leurs richesses dans cette sauvage nature: un étang à poissons rouges, un terrain de tennis, un pavillon. Les couples qui dansaient à la lueur des lanternes sont morts depuis longtemps. L’étang est rempli de mauvaises herbes et le pavillon a été démoli.
En marchant le long de la plage, je perçois des histoires plus récentes. Chaque chalet est rempli d’un mélange de bonheur et de tristesse, de déceptions et d’attentes. Le bonheur des jeunes mariés. Un couple âgé s’adaptant à la perte de capacité fonctionnelle. Le petit-fils qui a obtenu son diplôme de l’université. La fortune diluée dans l’alcool. L’excitation à lavenue d’une naissance. La perte d’une conjointe.
Nous avons tous une histoire. Un souvenir de notre passé, une image de notre présent, une vision de notre avenir. Nos histoires s’entremêlent et s’influencent les unes les autres. En tant que médecins, nous sommes invités à participer à l’histoire de nos patients. Nos patients influencent tout autant nos propres récits. De fait, notre réaction à leurs histoires en dit long sur nous-mêmes.
Dans ce numéro estival, vous trouverez des commentaires sur des histoires, des recherches sur des histoires et, bien sûr, des histoires. Bonne lecture et bonne réflexion.
- Copyright© the College of Family Physicians of Canada