Au cours des 25 dernières années, nous avons été témoins d’une hausse inquiétante du nombre d’enfants classés comme obèses ou ayant un excès de poids (en fonction des seuils spécifiques de l’indice de massecorporelle selon l’âge etle sexe du Grouped’étude international sur l’obésité)1; 29% des jeunes Canadiens de 12 à 17 ans ont un excès de poids ou sont obèses, ce qui représente le double des 14% observés de 1978 à 19792. Pour l’obésité seulement, les taux dans ce groupe d’âge a en réalité triplé durant cette période, passant de 3% à 9%. Les adolescents en 2004 avaient plus souvent un excès de poids ou de l’obésité (32%) que les adolescentes (26%). Ce problème n’est pas exclusif à l’adolescence. De fait, 26% des enfants de 6 à 11 ans présentaient un excès de poids ou de l’obésité en 2004, ici aussi le double du taux observé il y a 25 ans.
Des effets durant toute la vie
L’obésité peut affecter la santé physique et émotionnelle, tant à court qu’à long terme. Les enfants obèses sont plus susceptibles de souffrir de fatigue, d’apnée du sommeil, de problèmes respiratoires, de douleurs articulaires et d’autres complications orthopédiques et de conséquences psychologiques, comme l’isolement et la stigmatisation3. De plus, les enfants obèses ont tendance à devenir des adultes obèses et l’excès de poids sur une longue période de temps augmente le risque de développer des problèmes de santé chroniques4.
Nous savons qu’une saine alimentation et l’activité physique sont essentielles à un poids santé et que les petits changements s’additionnent avec le temps. Par exemple, si on boit une bouteille de 600 ml de boisson gazeuse ou de jus par jour au lieu d’une cannette de 355 ml (ou une réduction en valeur calorique équivalente en activité), il peut y avoir une différence de 10 à 15 livres à chaque année. Le problème est évidemment plus complexe, mais cet exemple montre combien facilement les problèmes se créent avec le temps sur les plans individuel et collectif.
Pour les enfants, les conséquences peuvent durer toute leur vie. Nous savons que de nombreux facteurs influencent les habitudes alimentaires des enfants et leur pratique d’activités physiques. Nous savons que la vie des enfants est souvent sous le contrôle d’autres personnes - parents, autorités scolaires et autres adultes. Les enfants ne font habituellement pas l’épicerie ni préparentils les repas de la famille. Ils ne remplissent pas les distributrices automatiques dans les écoles, ils n’élaborent pas le programme d’éducation physique ni établissentils les règles qui façonnent le marketing qui les cible. Ce contexte ne fait qu’ajouter à la vulnérabilité des enfants et compliquer encore davantage la solution au problème.
Les facteurs
Compte tenu de ce que nous savons au sujet des conséquences physiques et émotionnelles d’un poids excessif, nous devons agir dès maintenant parce que si nous tardons, le défi n’en sera que plus grand.
De fait, des chercheurs concluent que des facteurs environnementaux, comportementaux, sociaux, culturels et génétiques contribuent tous à l’excès de poids et à l’obésité. Les changements environnementaux accélérés des dernières décennies revêtent tout particulièrement de l’importance. Des changements, comme de plus grosses portions et l’accessibilité omniprésente des prêts-à-manger, ont grandement contribué à la surconsommation d’aliments denses en énergie et faibles en éléments nutritifs naturels. Des changements environnementaux qui découragent l’activité imprévue et le jeu spontané sans danger (comme la conduite automobile au lieu de la marche ou du vélo) sont largement responsables de la réduction de la dépense d’énergie. Il en est de même pour les changements dans nos préférences en matière de loisirs, comme le temps passé à regarder la télévision ou à l’ordinateur. La situation se complique aussi du fait que, si le problème d’excès de poids affecte des Canadiens à tous les niveaux socioéconomiques, les familles moins bien nanties n’ont pas assez d’argent pour acheter des aliments plus sains, du matériel de sports ou s’inscrire à des activités. Les problèmes sont aussi plus accentués dans les régions rurales et éloignées.
Un effort communautaire
Par contre, il se produit des changements positifs, en commençant par la reconnaissance grandissante que la prévention et le traitement de l’excès de poids chez les enfants exigeront une approche multidimensionnelle et multisectorielle en santé de la population qui tient compte de l’éventail des facteurs qui influencent le poids corporel. La hausse récente de l’intérêt du public pour la question représente une étape importante dans la motivation à régler le problème. En plus de cette attention récente, un rapport du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, intitulé Des enfants en santé: Une question de poids, a été rendu public. Ce rapport est digne d’éloges en ce qui a trait à sa portée, puisqu’il a examiné les questions allant au-delà du comportement, comme les effets de la situation économique et les environnements sociaux et physiques, l’éducation et la culture - certains des déterminants mêmes de la santé5.
Nous devons compter sur la communauté pour trouver bon nombre des solutions, en mettant à contribution les parents, les enseignants, les groupes communautaires, les concepteurs urbains, les industries des aliments, des boissons et de la publicité, les responsables de la santé publique, tous les paliers de gouvernement et les promoteurs de la santé. Les médecins jouent un rôle essentiel dans la réussite de telles stratégies. En tant que précieux conseillers dignes de confiance en matière de santé auprès des enfants, de leurs parents et du grand public, les médecins peuvent guider les jeunes patients et leur famille en leur offrant des conseils pratiques qui renforcent les messages de base à propos d’une saine alimentation, d’une vie active et de poids santé. Les avantages de telles brèves interventions sont malheureusement trop souvent sous-estimés, mais leur contribution à la santé générale de la population est bien réelle6,7.
Le Guide alimentaire canadien8 et les Guides d’activité physique canadiens9 peuvent être utiles pour communiquer les messages de base concernant une vie saine aux enfants et à leurs parents. Les deux sont gratuits et peuvent être commandés en ligne. Ce sont des outils importants pour expliquer ce que veulent dire une saine alimentation et une vie active. Le Guide alimentaire canadien a récemment fait l’objet de révisions et comporte maintenant une version adaptée aux Premières nations, aux Inuit et aux Métis, ainsi que de l’information pour les enfants d’âge préscolaire, notamment sur la grosseur appropriée des portions. Le nouveau Guide alimentaire canadien tient aussi compte de la diversité culturelle en évolution au Canada et inclut des aliments d’une variété de traditions ethniques.
Les médecins de famille
Bien sûr, il est particulièrement difficile de déterminer s’il est nécessaire de donner à un enfant plus que des conseils préventifs. Les enfants qui ont un excès de poids peuvent perdre ces livres de trop dans le processus normal de la croissance et du développement. La surveillance devient surtout critique en fonction de la rapidité du gain de poids10,11.
Idéalement, un gain de poids rapide devrait déclencher un protocole thérapeutique complet qui pourrait aider les enfants et leurs parents à apporter les changements nécessaires dans l’alimentation et l’activité physique. En 2003, un rapport canadien exhaustif, intitulé L’obésité chez les enfants: Agir à la lumière des données probantes, concluait que des données probantes corroboraient l’efficacité du traitement pour réduire ou éliminer l’obésité chez les enfants12. Toutefois, jusqu’à la mise en place de guides de pratique clinique appuyés par le système de soins de première ligne au Canada, les médecins doivent se rappeler que les modestes effets de la surveillance des patients et d’un bref counseling, même pour ceux qui ont un excès de poids, peuvent se traduire par des avantages considérables pour la santé de la population6.
Il n’existe pas d’approche ou de programme unique qui, individuellement, peut prévenir ou réduire la prévalence de l’excès de poids malsain chez tous les enfants. Mais, en raison de leur accessibilité et de leur influence, les médecins occupent une position privilégiée pour surveiller les progrès des enfants qu’ils soignent et donner des suggestions importantes sur l’alimentation et l’activité physique durant toute la vie des enfants. En tant que membres respectés de leur communauté, rares sont ceux qui sont mieux placés que les médecins pour devenir promoteurs des changements sociétaux et environnementaux de base qui sont nécessaires pour renverser la tendance à l’obésité.
Acknowledgments
Remerciements
Je tiens à remercier de ses contributions à cet article Dre Margaret de Groh, analyste principale des politiques au Centre de prévention et de contrôle des maladies chroniques de l’Agence de la santé publique du Canada.
Footnotes
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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