L’âge moyen des médecins canadiens était de 50 ans l’an dernier1. L’obtention du diplôme de ce médecin moyen remonte à 21 ans2, ce qui signifie que bon nombre des membres du milieu médical ont commencé leur carrière professionnelle au milieu des années 1980. La majorité de nos médecins ont commencé leurs études de médecine avant que soient homologués les inhibiteurs de la HMG-CoA réductase et que soit identifié le virus de l’hépatite C; le sida venait tout juste d’être classifié comme une maladie. Pendant que ces médecins suivaient leur formation, des chercheurs travaillaient encore à corriger des bogues de l’imagerie par résonance magnétique et à la coronaro-angioplastie. Ces médecins étaient aux études avant l’arrivée du Web. La photographie numérique était, dans une large mesure, restreinte aux programmes spatiaux. C’était, à bien des égards, un monde très différent. Ces médecins ont suivi leur formation au cours d’un siècle et pratiquent maintenant au cours d’un autre.
Réalité brouillée
Aussi capitales que soient ces découvertes et ces inventions, elles ne représentent probablement pas les plus importantes questions avec lesquelles les médecins canadiens on eu à se débattre depuis que les pénuries dans notre système de santé ont des répercussions bien plus sérieuses sur la pratique médicale. La rareté des ressources, tant matérielles qu’humaines, est une nouvelle réalité. Nous savons que les médecins changent leurs habitudes de travail et de pratique de façon souvent subtile mais néanmoins profonde.
Même le lecteur occasionnel des grands quotidiens pourrait conclure que ces changements ne sont pas particulièrement bien présentés au public. La presse et la télévision couvrent les nouvelles découvertes en médecine clinique, mais les journalistes sont moins portés à faire enquête ou à écrire des articles sur les habitudes de pratique ou les rôles cliniques des médecins. Les gouvernements ne suivent pas non plus de très près ces changements. Les politiciens sont souvent réticents à attirer l’attention sur des dossiers qui donneraient d’eux une mauvaise image.
Vents de changement
Durant la deuxième semaine de janvier 2008, il est vrai que les médias partout au pays ont parlé des problèmes de pénurie d’effectifs médicaux. Dans le Web, à la télévision, à la radio et dans les journaux, on trouvait des reportages en profondeur sur les défis que posent aux médecins canadiens le sous-financement et le manque d’effectif. Puis en mars, des analyses plus détaillées par province et territoire étaient présentées sur les effets des changements dans la main-d’œuvre médicale sur l’accès aux médecins de famille et aux autres spécialistes. En avril, une autre ronde de reportages portaient sur les problèmes des étudiants et des résidents, comme les difficultés rencontrées par les personnes de milieux ruraux pour être admises à la faculté de médecine. Ensuite, en juin, l’attention s’est tournée vers les défis posés par les soins aux patients ayant des maladies chroniques. Les commentaires avisés de dirigeants d’organisations canadiennes de médecins servaient à mettre en évidence ces reportages, tous fondés sur des données convaincantes.
Ces reportages ont suscité beaucoup de discussions sur les enjeux, et des appels ont été lancés pour régler ces problèmes. Les journalistes, et les animateurs d’émissions de radio et de télévision sollicitaient des entrevues avec des médecins, et un noyau de porteparole chevronnés étaient à leur disposition pour accéder à leurs demandes.
Toute cette couverture résultait de la publication des données du Sondage national des médecins (SNM), un projet conjoint du Collège des médecins de famille du Canada, de l’Association médicale canadienne et du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada.
Le SNM semble être le plus grand projet du genre dans le monde. Si les autres pays se fient à des enquêtes sporadiques et à des sondages limités, le Canada a un portrait unique des problèmes auxquels les médecins sont confrontés, comme l’ont exprimé les médecins eux-mêmes. Chaque médecin au pays a la possibilité de contribuer. Parce que les résultats sont comparés à ceux du SNM précédent de 2004, nos organisations respectives sont maintenant fortes de cette précieuse information pour orienter la planification du secteur de la santé. Les travaux continus avec les gouvernements seront éclairés par cette source unique de connaissances sur les responsables directs de la prestation des soins de santé.
En outre, les résultats ne sont pas tenus secrets ou partiellement révélés pour servir à des fins cachées. Ils sont accessibles à tous les membres, chercheurs, médias et au grand public dans le site Web du SNM (www.sondagenationaldesmedecins.ca).
En tête de file
Cette campagne est le fruit d’immenses efforts concertés. Le SNM est planifié des années à l’avance, et les préparatifs incluent le choix des questions, la mise à l’essai des questionnaires et l’examen de la méthodologie pour assurer la fiabilité statistique. Une fois les données recueillies, elles sont analysées en détail pour dégager les tendances importantes et les grands enjeux. Les dirigeants et les porte-parole sont informés des résultats. Leur divulgation au public est coordonnée dans le contexte de nombreuses réunions, par courriels et téléconférences entre le personnel et les dirigeants des 3 associations médicales participantes.
Votre Collège national a agi en chef de file durant tout l’exercice. De fait, le premier SNM, en 2004, s’inspirait d’un sondage antérieur auprès des effectifs, réalisé par le Collège des médecins de famille du Canada. Le Collège, dans son projet Janus et par l’intermédiaire de son comité directeur, a veillé à ce que la perspective de la médecine familiale soit toujours prépondérante dans les résultats.
Certains signes encourageants permettent de croire que les médias portent plus d’attention à ces questions3,4. Par contre, les Canadiens semblent parfois se résigner à la situation de rationnement et de pénurie de soins. Ils ont essayé de s’ajuster aux listes d’attente, puisqu’elles étaient inévitables. Cela plaît à ceux qui préféreraient dissimuler les données.
Le SNM les en empêchera. Les récits contenus dans le supplément du présent numéro sont vos histoires, telles que vous les avez racontées. Le public et les gouvernements vous entendent, grâce au SNM. Prenez quelques instants pour parcourir le supplément; il vous concerne, vous et votre carrière, et vous pouvez en être fiers.
Le SNM en vaut la peine.
Footnotes
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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Les opinions exprimées dans les commentaires sont celles des auteurs. Leur publication ne signifie pas qu’elles sont sanctionnées par le Collège des médecins de famille du Canada.
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This article is also in English on page 1357.
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