
La politique n’est rien d’autre que de la médecine à grande échelle.
Rudolph Virchow (traduction libre)
À juste titre, les Canadiens sont fiers de leur système de santé, qui accorde plus d’importance à l’équité et à la justice qu’au privilège et à la capacité de payer. Parallèlement, les médecins de famille canadiens peuvent s’enorgueillir du fait que de nombreuses études démontrent que les médecins de famille offrent le genre de soins de santé que les décideurs veulent et dont la population a besoin - des soins centrés sur les patients par des médecins engagés à l’endroit de soins continus complets1. La discipline de la médecine familiale épouse les principes valorisés par les systèmes de santé partout dans le monde1.
Pourtant, 2 articles du présent numéro du Médecin de famille canadien (MFC) révèlent et préconisent qu’il y a bien, bien plus à faire pour que le système de santé canadien soit réellement équitable et efficace, et que nous puissions en être fiers. Dans le commentaire intitulé «Régler les inégalités en matière de santé. Une bonne raison d’implanter les soins de santé primaires» (www.cfp.ca), Dre Carmel Martin et Terry Kaufman passent en revue les données probantes innombrables voulant que les circonstances sociales et économiques des personnes et des collectivités influencent bien plus leur santé que les soins de santé2,3. De plus, il est notoire que si de bons soins médicaux sont importants pour le bien-être des populations, l’amélioration des soins de santé ne suffit pas pour combler les inégalités au chapitre de la santé3,4. Les médecins de famille canadiens forment des équipes de santé familiale et mettent en oeuvre d’autres changements dans leur pratique, mais ce processus se concentre surtout sur la «mécanique» de la prestation des soins de santé. Martin et Kaufman font un plaidoyer convaincant selon lequel les médecins de famille peuvent et devraient penser au-delà de la mécanique et agir en chefs de fil relativement aux déterminants sociaux de la santé et aux inégalités en matière de santé dans leurs collectivités. Ils présentent 7 façons de le faire.
Dans un commentaire sur le même thème, intitulé «Préjugés en médecine. Notre rôle dans les inégalités en matière de santé» ( page 1518), Dr Len Kelly et ses collègues présentent un argument provocateur voulant que la situation des plus démunis dans notre société — les immigrants et les Autochtones canadiens — et de ceux dont la santé est la plus négativement touchée par le gradient socioéconomique-en santé est aggravée non seulement par la langue et les obstacles culturels, mais aussi par les préjugés des professionnels de la santé. Kelly et al. maintiennent que s’il est difficile de définir et de mesurer les attitudes et les comportements empreints de préjugés, il reste important d’essayer d’isoler et d’étudier ces aspects des soins, de comprendre leurs effets sur la santé des démunis, puis de les changer. Comme point de départ, nous pourrions examiner nos propres préjugés envers certains de nos patients.
Novembre est aussi le moment propice pour se souvenir d’un autre groupe de Canadiens - un groupe dont les problèmes médicaux sont aussi négligés et mal compris. Je suis le premier membre de ma famille en 4 générations à ne pas avoir fait de service militaire. Mon père est un ancien combattant de l’Armée britannique qui a servi durant la Crise de Suez et les missions de maintien de la paix à Chypre de 1955 à 1958. Son père était dans l’Artillerie royale montée durant la Première Guerre mondiale et s’est mérité la Médaille militaire de bravoure. En tant que médecin, je compte aussi des anciens combattants parmi mes patients.
Dans ce numéro, on présente un article tiré des Dossiers sur la santé des anciens combattants, une série trimes-trielle d’articles coordonnés par Anciens Combattants Canada. Cette série explore les situations vécues par des médecins de famille qui soignent des anciens combattants militaires. L’article de novembre, par Dr James Thompson et ses collègues, «Lésion cérébrale subie sur le champ de bataille. Symptômes inexpliqués et traumatisme cérébral léger par souffle» (www.cfp.ca), présente aux médecins de famille une étude utile sur un problème fréquent mais mal compris chez les anciens combattants revenant de la guerre. Mon grand-père a perdu une jambe à cause d’une bombe en essayant de sauver un camarade soldat et il souffrait certainement de ce genre de traumatisme. J’ai encore la médaille qui lui a été décernée, la boîte de cuivre dans laquelle elle se trouvait et ses certificats de libération.
Comme le temps froid de novembre, la lecture de ce numéro du MFC peut vous faire frissonner, mais il présente beaucoup de matière à laquelle réfléchir et réagir.
Comme le disait Rudolph Virchow il y a plus d’un siècle, le médecin est l’avocat naturel du pauvre. Aujourd’hui plus que jamais, ce devrait être le cas pour les médecins de famille canadiens.
Footnotes
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Intérêts concurrents
Aucun déclaré
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This article is also in English on page 1507.
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