
Nous avons tellement l’habitude de penser à la recherche sous la forme de laboratoires ou de cliniques que nous ne pouvons pas imaginer notre propre pratique comme étant un laboratoire.
Dr Ian McWhinney1
Nous savons tous, au quotidien, que nous pouvons faire une différence dans la vie de nombreux patients. Il semble pourtant que nous ayons souvent à justifier quantitativement notre valeur face aux décideurs. La population, elle, ne remet pas en question l’importance de nos services; pour le prouver, nous citons souvent les travaux remarquables de Dre Barbara Starfield2. Elle a démontré que les pays dotés d’un solide système de soins de première ligne ont de meilleurs résultats en matière de santé et que les services y sont bien plus rentables. Elle décrit un tel système comme des soins complets, continus, axés sur le patient, comme en fait preuve la médecine familiale canadienne.
Nous traînons cependant de l’arrière dans certains domaines par rapport à d’autres pays, comme dans les dossiers médicaux électroniques et la prise en charge des maladies chroniques. En Ontario, les primes au rendement pour 5 mesures préventives - vaccin antigrippal, test de Pap, mammographie, dépistage colorectal et immunisation infantile - mettent en évidence nos lacunes à cet égard. Nous pourrions aussi améliorer l’accès à nos services, même pour les patients qui ont un médecin de famille. Selon le Commonwealth Fund3, ces patients au Canada doivent souvent attendre plus de 6 jours pour voir leur médecin de famille, soit plus longtemps que dans 6 autres pays.
Établir le fondement
À quel point la recherche et l’évaluation sont-elles importantes en médecine familiale? Et à quel point parvenons-nous à pour démontrer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas? La médecine familiale a une brillante histoire et a produit des recherches avant-gardistes sur la relation médecin-patient. Par exemple, Dre Moira Stewart et son équipe ont découvert que l’impression qu’a un patient d’être bien écouté par son médecin est directement associée au soulagement des symptômes de la céphalée chronique, donc que de bonnes habiletés à communiquer produisent de meilleurs résultats en santé4. Le Collège parraine le Système national de recherche depuis des années. Ce réseau de pratiques sentinelles surveille de nombreux problèmes pour lesquels une intervention rapide des médecins de famille peut compter.
Il reste qu’au Canada, il faudrait un organisme de coordination de la recherche en soins de première ligne5, parce que nous n’avons pas de source spécifique de financement. Le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs, dont les conclusions sur le dépistage étaient pourtant convaincantes était sous-financé et vient à peine d’être revitalisé. Et bien que tout soit en place, nous manquons de fonds pour implanter un réseau national de surveillance des maladies chroniques.
Établir la marque
Ce manque d’infrastructure en recherche est particulièrement inquiétant, étant donné les importants investissements provinciaux et fédéraux dans la réforme des soins de première ligne depuis 7 ans. Quand on me demande quels effets a eu cette réforme, je peux parler de patients et de médecins plus satisfaits, d’une plus grande participation des autres professionnels de la santé et d’un certain déploiement d’outils électroniques dans les cabinets de pratique, mais je ne peux pas citer de recherche concluante prouvant l’utilité de l’exercice.
Par ailleurs, il importe d’éviter une approche réductionniste dans la recherche et l’évaluation de la pratique familiale. S’il est nécessaire de compter le nombre de tests de Pap administrés, pour les patients, le fait de pouvoir compter sur un «chez-soi» médical est bien plus précieux que ne peuvent le démontrer les mesures quantitatives. Nos méthodes de recherche doivent être assez spécialisées pour mettre ces faits en évidence.
Nous avons des bases solides dans les départements de médecine familiale, les ressources de la Bibliothèque canadienne de médecine familiale, notre Section des chercheurs, et dans le talent et la détermination du milieu de la recherche en médecine familiale. L’investissement dans l’infrastructure de recherche, la formation et le soutien ne peut que renforcer nos efforts.
Footnotes
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This article is also in English on page 477.
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