
Dans son inspirant éditorial «Les médecins de famille sont-ils une espèce en voie de disparition?», le rédacteur adjoint Roger Ladouceur suggère deux voies possibles pour l’avenir—être des spécialistes dans les soins traditionnels de la personne dans sa globalité ou des mini-spécialistes dans divers domaines restreints1.
Dr Ladouceur a cerné un véritable défi en médecine familiale contemporaine, comme l’a fait un courriel que j’ai reçu de Dr Julio Ceitlin, le père de la médecine familiale en Amérique du Sud, dont les préoccupations ont été exacerbées par l’article de Dr Ladouceur. Il disait que le monde, la société, même la température ont changé au cours des dernières décennies, et que le médecin de famille humain, romantique et quichottesque des années 1970 ne peut pas survivre dans le même rôle professionnel.
Je suis d’accord avec les deux mais je ne partage pas leur pessimisme quant à l’avenir de la médecine familiale. De fait, nous continuons dans notre voie actuelle au pays et, au lieu de notre disparition, je prévois un plus grand rôle pour les MF et notre spécialité.
Par contre, pour ce faire, nous devons changer nos habitudes. Il faut comprendre et épouser les contributions que peuvent et devraient apporter les MF dans les pratiques traditionnelles complètes et celles de nos collègues qui offrent des services cliniques plus ciblés.
Nouvelle voie
Comme disait Dr Ceitlin, le médecin de famille des années 1970—le Marcus Welby dans l’article de Dr Ladouceur—est déjà du passé. S’il importe plus que jamais que chaque Canadien ait son médecin de famille, de moins en moins de MF offrent la gamme complète des services auparavant attendus d’eux. Cependant, si tous ces services ne sont pas offerts par un seul MF, ils peuvent l’être collectivement dans le contexte des nouveaux modèles de pratique.
Il faudra des efforts planifiés et soutenus systématiquement par des groupes de MF ayant des profils de pratique différents et dont la plupart offrent encore aux personnes et aux familles de vastes gammes de services. Ils agiront comme premiers points de contact, dispensant de nombreux services et en coordonnant d’autres. D’autres médecins formés en médecine familiale contribueront des habiletés plus perfectionnées ou additionnelles, qu’ils intégreront à leur pratique générale à temps partiel ou qu’ils offriront exclusivement. Plutôt que de travailler seuls, ils devraient se joindre à des pratiques familiales comptant des MF personnels et plus spécialisés, travaillant ensemble au service des patients. Ils peuvent ainsi revitaliser la médecine familiale dans toutes les collectivités et permettre aux patients d’accéder en temps opportun aux services qu’ils veulent, nécessitent et méritent.
Il faut plus de diplômés en médecine familiale, et le soutien du système et du Collège pour les soins complets fournis par des équipes de MF personnels, auxquels s’ajoutent d’autres professionnels de la santé. Le soutien à ces modes de pratique s’accroît déjà. Certaines provinces ont déjà des structures de rémunération à l’appui des MF offrant des soins complets, surtout en équipe ou ceux qui soignent des populations vulnérables. Les médecins qui ont opté pour ces modes de pratique plus novateurs rapportent qu’ils sont mieux en mesure de donner des soins optimaux, gagnent plus et ont un meilleur équilibre entre leur vie professionnelle et personnelle.
Où commence la voie
Les choses évoluent dans nos facultés de médecine. On restructure les programmes d’enseignement prédoctoraux et postdoctoraux dans le contexte d’une initiative qui met l’accent sur l’importance des omnipraticiens. Les étudiants en médecine, voyant combien les patients valorisent les MF et la priorité qu’accorde le système à la médecine familiale, choisissent à nouveau cette spécialité: en 2008, il y avait plus de 30% d’étudiants optant pour la médecine familiale comme premier choix de carrière par rapport à 23% en 2003. Cette année, les résidents en médecine familiale occuperont 40% des postes de 1ère année, soit près de 1 000 en comparaison de 700 il y a quelques années.
Environ 25% des résidents en médecine familiale s’inscrivent à une formation avancée. La plupart projettent une pratique à large portée et, selon certains rapports, ceux qui commencent à exercer une pratique ciblée reviennent aux soins complets dans les 10 années suivantes.
Pour les Canadiens, le MF est le plus important fournisseur de soins médicaux. Si nos facultés de médecine assurent que les étudiants envisagent la médecine familiale comme une spécialité égale en valeur et en prestige aux autres disciplines, si le système de santé adopte la vision de MF respectés et bien rémunérés, si notre discipline accepte le changement, notamment les équipes de médecins de famille en collaboration, il y a lieu d’être optimistes pour l’avenir des MF au Canada.
Footnotes
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This article is also in English on page 952.
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