Prendre la communauté au sérieux ne nous donne pas seulement la camaraderie dont nous avons besoin, cela nous soulage aussi du sentiment d’être indispensables.
Robert McAfee Brown
Après ma résidence en médecine familiale, j’ai travaillé un an à la clinique médicale des étudiants de l’université. Un jour, un étudiant s’est présenté avec un abcès au bras. Quelques jours après, un autre est venu avec le même problème, puis un troisième. Je me suis demandé s’il y avait un lien entre eux. Après une petite enquête, j’ai découvert qu’ils habitaient tous le même logement. J’ai fait venir à la clinique tous les colocataires et prélevé un écouvillon du nez. Deux d’entre eux étaient porteurs du Staphylococcus aureus. Quelques tubes de mupirocine plus tard, l’éclosion était terminée. Faisant partie du milieu universitaire, j’avais pu observer ces cas répétés et prévenir d’autres infections.
La médecine familiale a pour principe d’être une discipline communautaire. Étant membre de cette communauté, le médecin de famille est capable d’identifier les besoins locaux et de mobiliser les ressources appropriées1. Pour ce faire, il faut connaître les services accessibles sur place ou ailleurs ou, au moins, savoir comment se renseigner.
Liste de ressources
Est-ce la responsabilité des médecins de famille de maintenir une liste de ressources accessibles? Dans leur étude ( page 1009) sur ce que pensent les médecins de famille des soins ambulatoires pour la démence, Yaffe et ses collègues ont constaté que les médecins estimaient que ces soins relevaient en grande partie de services offerts en dehors de leurs cabinets, y compris les centres de services communautaires et sociaux administrés par le gouvernement. Les médecins connaissaient peu ces services et n’avaient pas l’impression que c’était leur obligation de se renseigner.
D’autres pensent différemment. Dans son message de janvier 2007, Dr Tom Baley, président du Collège, affirmait que les médecins de famille devraient être capables de mobiliser les ressources pour répondre aux besoins des patients2. Il est essentiel, pour ce faire, de comprendre les ressources communautaires et locales à leur disposition.
Une étude qualitative réalisée en 2004 examinait un groupe de médecins réceptifs à leur communauté, qui avaient un point de vue très différent de ceux de l’étude par Yaffe et ses collègues3. Oandasan et ses collègues ont examiné comment des médecins de soins primaires répondaient aux besoins de leurs communautés. Les sujets de l’étude collaboraient avec d’autres professionnels de la santé pour offrir un éventail plus large de ressources à leurs patients. Ils intervenaient aussi pour leur faciliter l’accès aux services sociaux et de santé. Bref, ils connaissaient les ressources dans leurs communautés et les utilisaient pour aider leurs patients.
Défis
S’il faut connaître les ressources communautaires, quels problèmes rencontrons-nous? Avec la multitude d’options offertes dans certaines grandes communautés, il peut être embêtant de savoir quels sont les programmes ou services qui conviennent le mieux. Dans les petites collectivités éloignées, il peut être difficile de simplement trouver des services accessibles. La synthèse critique des ouvrages faite par Jiwa et ses collègues sur les programmes d’aide pour des problèmes d’alcoolisme et de toxicomanie ( page 1000) montre qu’ils se font rares dans les collectivités autochtones.
Les médecins sont contraints d’utiliser des centres en résidence éloignés pour leurs patients. Les médecins, dans l’étude d’Oandasan et ses collègues, rencontraient 2 problèmes majeurs dans la collaboration avec d’autres professionnels de la santé ou la défense des intérêts de leurs patients3: le manque de fonds et la dysfonction du système de santé. Les participants ont dit que l’insuffisance de fonds les empêchait de collaborer avec d’autres professionnels, ce qui restreignait l’accès aux ressources par les patients. Le manque d’intégration entre les professionnels de la santé et les ressources communautaires dans le système de santé causait un sentiment de frustration et d’impuissance chez les médecins.
Encore une question de temps et d’argent. Il faut du temps, en pratique familiale, pour se tenir au fait des ressources communautaires et aussi de l’argent. Le modèle traditionnel de rémunération à l’acte ne prévoit pas de telles activités. Les plus récents modèles sont plus prometteurs.
Il ne suffit pas de régler le problème de financement sur le plan individuel. Il faut travailler sérieusement à l’intégration des services de santé à l’échelle communautaire et au-delà, sinon les médecins risquent de ne pas connaître de nombreuses et utiles ressources communautaires et les patients, d’en subir les conséquences.
Footnotes
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This article is also in English on page 961.
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