
Selon Magin et coll. ( page 1278), les médecins sont souvent victimes de violence. Dans une enquête réalisée auprès de 172 médecins généralistes australiens, ils document, dans certaines régions, une prévalence annuelle atteignant jusqu’à 64%. Autrement dit, 2 médecins sur 3 y sont agressés à chaque année. Ce qui n’est guère rassurant! En utilisant une méthodologie qualitative, les auteurs ont tenté de comprendre le phénomène en explorant les opinions des médecins à cet égard. Ils ont pu identifier 3 grandes catégories de violence: celle attribuable au patient, celle relative au contexte de soins et celle imputable au médecin.
Parmi les causes de violence attribuables aux patients, les médecins australiens mentionnent des raisons individuelles comme les maladies psychiatriques, l’alcool et les drogues, les inconduites sexuelles, les maladies physiques et les troubles de la personnalité. Ils mentionnent aussi des raisons sociétales, comme la pauvreté, le chômage ou la dislocation familiale, le non respect de l’autorité, l’effet «Bowling for Columbine» et la densité de la population. Parmi les causes attribuables au contexte de soins, certaines sont directement liées à la prestation des soins (le temps d’attente et le non-accès aux soins) et d’autres à l’incapacité de contrôler la violence (pratiques naïves, habiletés interpersonnelles déficientes). Enfin, au chapitre des causes attribuables au médecin, les auteurs soulignent la vulnérabilité des médecins comme facteur pouvant contribuer à la violence.

Cette catégorisation des causes de la violence (patient ↔ environnement ↔ médecin) est fort intéressante. A notre avis, il est vrai que tous les incidents violents se situent dans ce cadre: ils mettent tous aux prises un patient (ou sa famille), un médecin (ou son équipe) et un environnement quelconque.
Est-ce vrai que nous y sommes pour rien?
Ce qui surprend toutefois dans cette étude, c’est le peu d’attention accordée aux causes de violence attribuables au médecin, lui-même. Deux petits paragraphes, à peine 200 mots parmi les 2000 s’intéressent à cet aspect. On a même l’impression que pour les médecins questionnés ou les chercheurs ayant codé leurs réponses, outre leur vulnérabilité ou le fait qu’ils soient mal placés, la violence dont ils sont victimes leur est extérieure et qu’ils n’y sont pour rien. Or, comme tous le savent, «il faut être deux pour danser le tango».
Attention, je ne prétends pas que les médecins soient responsables de la violence qu’ils subissent. Il arrive effectivement que des médecins soient victimes d’agression sans raison et sans avertissement. Par exemple, un patient délirant, intoxiqué, attaché, amené de force à l’urgence constitue une menace pour quiconque s’en approche, y compris le docteur qui va le questionner. Et des patients borderlines, schizoïdes ou hallucinés explosent parfois sans raison. Mais l’inverse est aussi vrai: des médecins mettent parfois le feu aux poudres par leur attitude non-empathique, irrespectueuse voire belliqueuse, alors que d’autres «pètent les plombs» sans raison. Finalement, des conditions de soins lamentables peuvent, à elles-seules, engendrer la violence. Mais généralement, la violence se situe aux confins de ces 3 pôles.
A retenir que dans une relation difficile, propice à la violence, il importe de prendre le temps d’analyser la situation et comprendre les émotions générées et ressenties par le patient et par le médecin. La violence origine-t-elle du patient, du contexte, du médecin ou d’un amalgame des 3? Et de trouver l’origine de la difficulté: peut-on définir le problème? S’entendre sur les changements visés? S’entendre sur les changements visés. S’accorder sur le plan d’investigation et de traitement?
Finalement, reste à savoir si l’ampleur du phénomène est aussi sérieux au Canada
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