
Lorsque le jeune Tom Laughlin, de Moncton, au Nouveau-Brunswick, aspirait à devenir médecin, il y avait moins de 1 000 articles dans le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques. Selon Santé Canada, on compte aujourd’hui sur le marché plus de 22 000 produits pharmaceutiques, 42 000 produits de santé naturels et 50 000 dispositifs médicaux1.
Combinés aux progrès réalisés en chirurgie, les progrès de la pharmacothérapie pour soigner les nombreuses affections chez l’humain s’avèrent des triomphes de la médecine moderne. Combien de fois la visite chez le médecin de famille se conclut-elle par une ordonnance? Bien souvent dans ma pratique et assurément aussi dans la vôtre.
Crainte de l’influence
Il n’est pas facile pour nous, dans la spécialité généraliste de la médecine familiale, de se tenir au fait des progrès en thérapeutique. Les fabricants de produits pharmaceutiques, dans leurs efforts de vente, subventionnent des activités de formation pour les médecins. Nos relations avec eux sont régies par les «Les interactions avec l’industrie pharmaceutique: lignes directrices pour les médecins»2 de l’Association médicale canadienne pour nous empêcher d’être indûment aveuglés par le marketing dans nos habitudes d’ordonnance. L’influence qu’ont néanmoins sur nous les fabricants peut être considérable.
Certains médecins de famille sont très mal à l’aise dans cette relation et prennent des mesures pour minimiser et éviter les contacts avec les représentants des ventes des sociétés pharmaceutiques. Par exemple, le Département de médecine familiale de la Queen’s University à Kingston, en Ontario, a récemment adopté une politique qui interdit les échantillons de produits pharmaceutiques.
Questions d’argent
Les profits réalisés par l’industrie pharmaceutique causent aussi de l’inquiétude. Dennis Hemus d’Invermere, en Colombie-Britannique, un patient atteint de myélome multiple, a réussi, à la suite d’efforts persévérants, à faire réviser le prix de la thalidomide par le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés. Ce médicament, utilisé il y a 40 ans comme antiémétique pour les femmes enceintes, est associé à des milliers d’anomalies congénitales. Quand il a été découvert que le médicament était utile dans le traitement du myélome multiple, son prix a été multiplié par neuf pour atteindre 4 200 $ par mois3.
Au Canada, nos revues scientifiques, y compris Le Médecin de famille canadien et le JAMC, dépendent des revenus de publicité, et nos activités de formation médicale continue (FMC), comme les assemblées scientifiques annuelles, se fient grandement sur les exposants pour subventionner le coût de la FMC. Même si un nombre grandissant d’exposants ne sont pas des fabricants de produits pharmaceutiques, la plupart le sont.
Ouvrir la voie au changement
Le rédacteur du JAMC revendique une relation différente entre la profession et l’industrie pharmaceutique en ce qui concerne le financement de la FMC4. Il est probable qu’à l’avenir, nous verrons diminuer l’appui financier des compagnies pharmaceutiques à nos programmes, publications et assemblées. Certains prétendent que ces fonds iront plutôt à la publicité directe aux consommateurs.
Que faut-il en penser? Nous et nos patients sommes reconnaissants des nombreux progrès en thérapeutique qu’ont réalisés les scientifiques et les fabricants de produits pharmaceutiques. Nous devons continuer à être vigilants quant à la façon dont nous sommes renseignés à propos des médicaments et de leurs effets secondaires, et aspirer à ce que nos sources d’information soient impartiales. Nous devrions nous rappeler que les problèmes de nos patients ne peuvent pas tous se régler par une ordonnance; nous devrions examiner comment la FMC sera financée à long terme; et nous devrions continuer à insister sur le respect des normes éthiques actuelles dans nos interactions avec l’industrie pharmaceutique.
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