
Les gouvernements au Canada tentent désespérément de corriger leurs erreurs des années 1990, alors qu’ils ont prescrit un nombre insuffisant de postes de formation pour les médecins. Malheureusement, l’aide enfin accordée pour augmenter les inscriptions dans les facultés de médecine prend plusieurs années à porter fruits, et des millions de Canadiens restent privés d’un accès opportun aux services dont ils ont besoin. Pour régler ce problème, certaines provinces ont décidé que les ordres de médecins et les organismes de réglementation professionnelle doivent offrir des voies accélérées à l’obtention du permis aux diplômés en médecine de l’étranger (DME). Elles adoptent aussi des lois élargissant le champ d’exercice d’autres professionnels, dans l’espoir que ces personnes offriront des services traditionnellement du ressort des médecins. Ces décisions risquées des gouvernements pourraient compromettre les patients de manière à faire sembler banales leurs erreurs gouvernementales antérieures.
On devrait accueillir les médecins d’autres pays dans la communauté médicale active au Canada, mais les gouvernements et les organismes de règlementation doivent aussi assurer la conformité universelle aux normes exigées ici pour exercer la médecine. Les diplômés en médecine canadiens doivent suivre une formation rigoureuse et subir de fréquentes évaluations de leurs compétences cliniques avant d’obtenir leur permis et leur certification; on devrait s’attendre des DME qu’ils fournissent la preuve d’une formation et d’une évaluation semblables. Les facultés de médecine, les organismes de réglementation, les ordres de médecins et les collèges responsables des certificats doivent faire tout ce qui est possible pour accélérer la formation, l’évaluation et la certification des DME et la délivrance de leur permis. Il est peut-être sensé que les médecins ayant suivi des programmes de résidence dans des facultés de médecine agréées semblables à ceux au Canada reçoivent l’autorisation d’exercer plus rapidement que les médecins de pays où l’éducation, la formation et les systèmes de santé sont bien différents des nôtres, mais il est vital que nous maintenions des standards pour la sécurité des patients. En accélérant ce processus à l’excès en raison de l’actuelle pénurie de médecins on pourrait échanger des gains à court terme contre des problèmes à plus long terme.
Droits d’ordonnance
On autorise maintenant les professionnels de la santé comme les infirmières et les pharmaciens à offrir des services qui empiètent sur le champ d’exercice des médecins. La recherche par Starfield et d’autres a démontré l’utilité des équipes interprofessionnelles, mais le facteur le plus important pour de meilleurs résultats en santé de la population est l’accès à son propre médecin de famille - des médecins compétents qui offrent et coordonnent les soins médicaux sur une base continue1. D’autres peuvent et devraient participer à la prestation des services de santé, mais ce serait une grave erreur si notre système les utilisait comme substituts aux médecins de famille.
Dans le domaine de la santé, le mot prescription désigne l’ordonnance d’un médecin autorisant un pharmacien à fournir un médicament spécifique à un patient. Aujourd’hui, de plus en plus de non-médecins, surtout des infirmières et des pharmaciens, ont le droit de«prescrire». Ce ne sera utile que si ceux ayant ce droit ont suivi une formation agréée précise et si les situations et types de médicaments en cause sont limités et bien définis. Prescrire exige l’habileté de poser un diagnostic médical. Ce diagnostic médical et la prescription de traitements par des personnes rigoureusement formées peuvent sembler relativement simples. En réalité, ils exigent les compétences les plus complexes et importantes qu’un médecin perfectionne au cours de chacune des 6 à 10 années de la formation médicale exigée. Il n’existe pas de perfectionnement abrégé.
Question d’équilibre
Au Canada, il faut une prescription pour les médicaments de l’annexe 1, ce qui signifiait, jusqu’à tout récemment, la nécessité pour les dispenser d’avoir l’expertise d’un médecin. Les professeurs canadiens en pharmacie Dobson, Taylor et Lynd2 recommandent que les pharmaciens s’en tiennent aux médicaments de l’annexe (disponibles sans ordonnance dans les dispensaires de pharmacie) et laissent ceux de l’annexe 1 aux médecins formés pour s’occuper de ce niveau de soins aux patients. Il serait préférable d’améliorer les protocoles pour le renouvellement opportun des ordonnances par les pharmaciens et d’augmenter le nombre de médicaments disponibles dans l’annexe 2 que de permettre la prescription plus complexe des médicaments de l’annexe 1 par des non-médecins.
Il est bon que les gouvernements fassent tout ce qu’ils peuvent pour assurer à leurs commettants un accès opportun aux soins, mais c’est une erreur qu’ils soient trop prescripteurs quant aux modalités d’octroi des permis aux médecins ou à ceux qui devraient exercer le rôle des médecins. Les Canadiens méritent mieux.
- Copyright© the College of Family Physicians of Canada