Avec l’arrivée du nouveau président Obama, les Américains semblaient enfin prêts à accepter une réforme de la santé. Depuis, des millions de citoyens des É.-U. et de nombreux leaders politiques et institutionnels, dont nos collègues de l’American Academy of Family Physicians, reconnaissant l’urgent besoin de corriger leur système, ont tenté de participer à un débat raisonnable. Hélas, les opposants les plus extrémistes à la réforme ont dominé les réunions publiques et les campagnes publicitaires, et plusieurs ont présenté le système de santé canadien comme un exemple des désastres de l’assurance-santé financée par les fonds publics.
La plupart des Canadiens trouvent ridicules les tactiques de certains chez la droite états-unienne. Les différences dans l’histoire de nos pays expliquent nos réactions disparates. Si les Canadiens réagissent fortement quand sont mis en péril l’égalité et le bien commun, nous le faisons avec pacifisme et en étant prêts à des compromis, ce qui caractérise notre rôle de gardiens de la paix mondiale. Nos voisins états-uniens sont tout aussi engagés envers leurs idéaux, mais leurs émotions atteignent leur paroxysme quand il est question de libertés individuelles pour lesquelles ils ont souvent été prêts à se battre et à mourir. Si prendre les armes, menacer des vies ou représenter ses opposants sous des images hitlériennes relèvent principalement des tactiques extrémistes, cela met en évidence à quel point beaucoup d’Américains prennent ce débat au sérieux. Cela nous rappelle aussi que ce conflit concerne l’acceptation ou le refus tout autant d’une plus grande intervention du gouvernement dans la vie des citoyens des États-Unis que du financement public des services de santé. L’argument voulant que 48 millions de personnes pourraient désormais bénéficier d’un régime public, autrement inabordable, n’éteint pas les passions de ceux qui s’y opposent inconditionnellement.
Maisons de verre
Comme les États-Unis, nous aussi avons des corrections à apporter à notre système de santé. Si ses failles ont été exagérées, il est évident que notre système éprouve de la difficulté à répondre à de nombreux besoins de notre population. Des faits scientifiques probants1 démontrent qu’une meilleure santé de la population repose sur des soins primaires solides sous la direction des médecins de famille et des équipes de soins; il est inacceptable que nos gouvernements ignorent la nécessité d’un plus grand soutien à cette priorité. Tous au Canada devraient pouvoir accéder en temps opportun à des soins médicaux dispensés par leur médecin de famille personnel et d’autres professionnels. Il faut réduire considérablement les temps d’attente pour les consultations. Il faut mettre un terme aux délais inacceptables dans les urgences encombrées, un problème exacerbé par le manque de lits dans les hôpitaux pour les patients admis par les urgentologues. Il faut plus de centres de soins prolongés pour les personnes âgées et les malades chroniques qui occupent des lits de soins aigus dans les hôpitaux. Il est plus que temps de rattraper d’autres pays développés qui incluent dans les services publics de santé des nécessités comme les ordonnances, les soins à domicile, l’examen de la vue et des dents. À défaut de régler ces problèmes, notre système continuera d’être critiqué pour ses lacunes, et les options de rechange gagneront en popularité.
Un système qui en vaut la peine
La bonne nouvelle, c’est qu’en dépit de nos problèmes, les récents sondages démontrent que notre population tient en haute estime notre système financé uniquement à même les fonds publics, et la satisfaction des patients a même augmenté durant la dernière année2, ce qui surprendra beaucoup d’Américains convaincus que personne n’apprécie les soins de santé dans notre pays. Il n’en demeure pas moins qu’au fil des ans, les Canadiens perdent confiance que notre système, tel qu’il est, continuera de répondre à leurs besoins.
L’avenir de notre système de santé dépend du respect de la promesse des gouvernements de garantir à tous l’accès aux services médicaux nécessaires. Il faudra plus que des discours pour prévenir l’intrusion des services et du financement privés. Les Canadiens s’attendent à avoir accès aux soins, et ils le méritent. Ils veilleront à ce que les gouvernements tiennent parole—préférablement dans le cadre de notre système actuel, mais avec d’autres options s’il le faut. Ni les Américains ni les Canadiens n’échangeraient leur système, mais il est essentiel que les 2 pays instaurent les changements nécessaires pour assurer de meilleurs soins à leurs populations.
Il vaut la peine de sauver le système de santé canadien, créé il y a 50 ans par Tommy Douglas, envié depuis les années 1970 par des leaders mondiaux comme le défunt sénateur Edward Kennedy, et apprécié des Canadiens. Mais sa survie dépend des corrections, possibles mais majeures, qu’on y apportera.
Footnotes
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This article is also in English on page 1048.
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