
Sans vouloir manquer de respect à l’expression du Sermon sur la montagne (Matthieu 7:6) (ou du groupe folk rock des années 1960), les aventures de l’année dernière avec le H1N1 ont évoquer l’expression « donner des perles aux cochons ». Pourquoi la planification en vue du H1N1 a-t-elle été si difficile et les messages de la santé publique si détournés et mouvants? Quand nous cherchions à comprendre comment se préparer le mieux contre cet envahisseur viral, on nous a dit que les changements fréquents aux recommandations étaient nécessaires parce que la recherche n’était pas terminée et les données probantes - ces perles du savoir - qui guident habituellement les protocoles de soins, n’étaient pas encore disponibles.
Ce fut un cauchemar pour l’élaboration et la communication des mesures de santé publique visant à contrôler le H1N1. La recherche encore inachevée, le virus a commencé à se propager dans les collectivités de la planète et il fallait des recommandations pour les programmes d’immunisation, l’évaluation des patients symptomatiques et l’utilisation des antiviraux. L’émergence de certaines constatations de la recherche non validées par des pairs, qui auraient pu nécessiter des changements aux conseils déjà donnés, a acculé les responsables gouvernementaux et de la santé publique au pied d’un mur éthique. Leur fallait-il révéler publiquement cette information et modifier les recommandations émises ou l’ignorer jusqu’à ce qu’elle ait été évaluée par des pairs ou approfondie? La seconde option aurait pu n’aboutir qu’après que le périple du H1N1 en 2009 et ses dommages. Et si ces constatations initiales s’étaient avérées et si le fait d’y donner suite avait pu prévenir des événements indésirables? L’impératif moral qui l’a remporté fut la divulgation publique des renseignements accessibles, même s’il fallait changer certains protocoles déjà en place et accroître la méfiance grandissante de la population à l’endroit des recommandations de la santé publique.
Notre Collège a fait part des préoccupations des médecins de famille canadiens aux représentants du gouvernement et de la santé publique. Des MF qui avaient vécu l’expérience du SRAS et d’autres épidémies de grippe s’inquiétaient des incohérences et des lacunes dans les plans pour le H1N1.
Voici certaines préoccupations exprimées par des médecins de famille au Canada (que nous avons transmises aux gouvernements et à la santé publique): l’usage excessif ou la mauvaise interprétation du mot pandémie, qui entraînent confusion et crainte; l’information redondante de haut niveau de sources trop nombreuses et trop peu de renseignements sur les plans pratique et local; l’amorce tardive du programme canadien de vaccination pour le H1N1; les messages incohérents sur la séquence de la vaccination contre la grippe saisonnière et celle contre le H1N1 (fondés sur une étude canadienne questionnable faisant valoir une plus grande vulnérabilité au H1N1 si on recevait le vaccin contre la grippe saisonnière); la confusion entourant l’innocuité des adjuvants et le nombre de doses de vaccins; les problèmes entourant les protocoles pour établir les priorités; la publication à un moment inopportun d’un rapport de 2007 disant que l’hygiène des mains n’importe peut-être pas dans la prévention de la propagation de virus comme le H1N1.
Pour compliquer davantage la mise en oeuvre d’un plan uniforme au pays, les autorités sanitaires de diverses provinces, et même au sein d’une même, ont implanté des stratégies différentes. À la mi-octobre, des questions persistaient un peu partout: où aller se faire vacciner, qui vaccinera et comment obtenir des stocks de vaccins, d’aiguilles et de seringues, qui les paiera, les personnes administrant les vaccins seraient-elles rémunérées, où aller si on présente des symptômes grippaux, comment aménager un cabiner de médecin de famille pour éviter la contamination par des patients infectés, quels genres de masque porter, le cas échéant, dans les cabinets de médecins de famille et seraient-ils disponibles, comment assurer et soigner les professionnels de la santé et leur famille s’ils contractent la grippe H1N1? Selon les médecins de nombreuses communautés, la plus grande lacune dans la planification se situait localement au chapitre des conseils pratiques nécessaires aux professionnels de première ligne.
Des responsables de la santé publique compétents et bien renseignés au Canada ont travaillé avec honnêteté et diligence durant une période très difficile avant la résurgence possible du H1N1 cet automne. L’élaboration de normes nationales s’appliquant à toutes les compétences canadiennes a posé des problèmes qui démontrent une fois de plus les effets potentiellement néfastes sur les Canadiens des tensions fédérales-provinciales-territoriales constantes. Encore une fois, les médecins de famille et les infirmières de première ligne n’ont pas été inclus à toutes les étapes de la planification des stratégies de santé publique nationales et locales.
Nous espérons que le H1N1 ne sera pas cruellement virulent et que le Canada sortira de cette expérience de 2009 sans résultats catastrophiques sur le plan de la santé. Ce fut, par contre, une situation unique dans laquelle les données scientifiques d’experts - les perles du savoir nécessaires à de bonnes recommandations en santé publique - étaient minces, émergentes ou encore absentes. Pour se préparer au H1N1, nous aurions eu besoin de donner un peu plus de perles aux cochons.
Footnotes
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This article is also in English on page 1160.
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